Révision des programmes de collège : encore un effort, Monsieur Blanquer ! (par Virginie Blanchet) ?>

Révision des programmes de collège : encore un effort, Monsieur Blanquer ! (par Virginie Blanchet)

Le « projet d’ajustement et de clarification des programmes de français, de mathématiques et de l’enseignement moral et civique» va dans le bon sens. C’est un soulagement pour les enseignants qui se battent pour un enseignement progressif et structuré de la grammaire, et pour la lecture régulière de textes exigeants, enseignants dont la parole a souvent été fragilisée ces dernières années par un discours qui confondait bienveillance et mépris ou renoncement.

Le projet donc est bienvenu. Il conforte la légitimité des professeurs qui déjà agissent dans ce sens. Mais il restera, hélas, lettre morte s’il ne s’accompagne pas des moyens à la hauteur de ces exigences. Malgré toute la bonne volonté des enseignants, rien ne changera au quotidien si l’on maintient les horaires hebdomadaires actuels : 4,5 heures en 6ème, 5ème, 4ème et 4h en 3ème, horaires justifiés en partie par le fait que le français s’enseignerait dans toutes les matières (1)… et horaires réduits en 6e et 3e au profit du cycle central lors de la réforme de 2015, alors que ces deux années, respectivement d’entrée au collège et de préparation au lycée, sont cruciales pour le devenir des élèves.

Comment enseigner la grammaire dans ses subtilités et ses richesses, de manière progressive et spiralaire à raison d’une heure trente par semaine tout en faisant écrire régulièrement des textes longs, et lire et étudier suffisamment d’œuvres exigeantes (et non pas seulement des œuvres «  brèves, simples, à la mode »(2) pour que les élèves aient accès à un véritable bain culturel ? La mission est impossible et ces injonctions pédagogiques, pourtant de bon sens, ne feront que renforcer la culpabilité et le mal-être des enseignants si on ne leur donne pas le moyen de les appliquer.

Et c’est d’autant plus vrai que les élèves d’aujourd’hui ont déjà manqué d’heures de français en primaire et arrivent au collège le plus souvent désarmés face aux mots.

Le dernier sujet de brevet est à cet égard révélateur. Les attendus en grammaire et orthographe étaient importants : question sur les propositions subordonnées complétives et relatives, maniement du discours direct et indirect, emploi d’un subjonctif imparfait dans la dictée. Nombre d’enseignants ont eu à cœur d’aborder ces notions au cours de l’année écoulée. Qui pourtant peut prétendre en avoir offert aux élèves une approche approfondie et répétée, particulièrement quand on enseigne dans des quartiers où la  relation à la langue écrite est difficile et où il est tentant, quand on ne dispose que de quelques heures par semaine (même pas une heure quotidienne !) de passer plus rapidement sur certaines subtilités pour se concentrer sur des notions plus basiques, privant ainsi les élèves de l’accès à la complexité des textes ?

Relever le niveau d’exigence du brevet n’a de sens que si les moyens ont été donnés aux enseignants tout au long de la scolarité pour réellement former les élèves. Sans cela, le risque est grand que ce projet ne soit plus que de la poudre aux yeux, une opération de communication pour le grand public. Il serait alors toujours temps de demander aux correcteurs de s’adapter aux manques des élèves et de faire preuve de mansuétude…Cela s’est déjà souvent vu par le passé !

C’est pourquoi nous demandons un retour à des horaires décents de français au collège : sur tous les niveaux, un minimum de 5 heures / élèves par semaine avec un dédoublement, condition sine qua non d’un travail efficace de l’écriture, et d’une imprégnation régulière favorable aux résultats durables.  En dessous de ce minimum horaire hebdomadaire, les enseignants ne pourront pas appliquer ce programme, aussi désireux soient-ils de le faire.

Le gouvernement actuel affiche une volonté de renforcer les fondamentaux et de développer les exigences. Il doit se donner les moyens de sa politique et joindre les actes aux paroles.

 

Virginie Blanchet

1.  Bulletin officiel spécial n°3 du 26 avril 2018
2. Note de service n° 2018-049 sur la lecture du bulletin officiel du 26 avril 2018