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Cette année, ils ont l’air tout petits mes CE2

Mercredi 7 septembre 2016

Cette année, ils ont l’air tout petits, mes CE2

Il y a une moitié de filles et une moitié de garçons.
On dirait que ça va me changer de l’année dernière, qui était quand même une année très particulière, seize garçons sur vingt-quatre, et parmi eux, six ou sept petits diables de huit ou neuf ans, rétifs aux consignes, cherchant le jeu sans cesse, toujours une bêtise en tête, boudeurs, conflictuels entre eux, parfois agressifs… En début d’année, tout était toujours difficile. Pendant les quelques mètres qui séparaient la classe de la cour de récréation, je devais m’attendre à des disputes, des bousculades, des sauts et des amusements énervés. Tous les retours de récréation avec trois drames et cinq têtes de six pieds de long. Et puis les disputes en classe. Impossible de faire une sortie sans avoir une bagarre ou deux. Une heure par jour à régler des conflits, à arrêter des bêtises, à rappeler les règles, à tenter l’apaisement.
Ils étaient mignons, vifs et sympathiques, mais ils m’ont donné du fil à retordre.
J’ai mis les parents sur le coup. J’ai enregistré tous les numéros de téléphone sur le mien, et je me suis maintenue avec eux dans un contact serré, les voyant souvent… Les choses se sont un peu calmées, au cours de l’année. Nous avons tous beaucoup appris, mais au prix d’une grande fatigue, et d’un retard conséquent dans les apprentissages, puisque je devais sacrifier une séance ou deux de travail par jour pour arrêter l’agitation. J’ai tenu sur les matières centrales, mais ça a été plus compliqué pour tout le reste.
Au bout du compte, cette année a compté de belles histoires. Un des plus agités m’a écrit un jour, sur une de ses copies : « Merci, maîtresse, de nous faire travailler. » Un autre hochait la tête en approuvant des paupières fermées, pour dire « d’accord, j’ai compris », quand je lui demandais de se calmer en classe, il était content de se sentir compris et aidé dans ses difficultés, il m’a offert un joli collier le dernier jour, et il a couru vers moi pour me raconter tout sourire ses vacances le premier jour de la rentrée… Ceux qui étaient tellement fragiles en lecture en arrivant ont bien progressé…
En toute fin d’année, les élèves étaient entrés dans la logique du travail, au point que je pouvais utiliser comme motivation : « Si vous faites bien l’exercice, et rapidement, vous pourrez en faire un autre, plus difficile, cette fois, attention, un vrai exercice de grand. » Même les plus voyous se dépêchaient de faire vite et bien, pour le sésame d’un travail supplémentaire plus exigeant. C’était une des réussites grisantes. Et puis leur confiance gagnée. Et celle de leurs parents.
En seize ans de carrière, j’ai eu deux classes terribles, celle-ci, et un CE1, il y a sept ans, devant qui, à force de difficultés scolaires abyssales, déroutantes, inimaginables, et de comportements plus que compliqués chez une petite dizaine d’élèves, m’avait mise au bord de craquer, et dans un épuisement qui commençait vingt minutes après le début de la matinée. Je n’ai pas craqué, mais j’ai compris, je l’ai senti dans mes limites physiques, comment dans certains cas, on peut ne plus avoir suffisamment de forces pour parer à tout, tout simplement.

Cette année s’annonce différente. Mes amis me charrient, parce que tous les ans, je commence en m’exclamant : « Qu’est-ce qu’ils sont mignons ». Alors ils attendent que je nuance mon enthousiasme dans les semaines qui viennent. Mais je ne pense pas. Je ne connais mes élèves que depuis quelques jours, mais pour ce que j’ai observé, ils aiment jouer, ils se déconcentrent vite, mais ils se reprennent dès qu’on leur parle. Ils semblent dans l’écoute, dans l’envie de bien faire, et prêts au travail.
Les trois maîtresses qui les ont eus l’an dernier, qui ont chacune passé un long moment à me parler des élèves qui arrivent dans ma classe pour me les présenter un par un, m’ont confirmé que je passerais certainement une année relativement sereine, à enseigner.

En quelques jours, nous avons un peu installé le matériel, récupéré les fiches de renseignements. Nous avons fait quelques séances d’ardoise, en calcul et en orthographe. Nous avons lu un peu. Nous avons copié un poème. Nous avons utilisé l’agenda. Nous avons commencé à travailler sur cahier. Ils ont écrit un petit texte. Ils lisent et écrivent tous. Sauf… Simon, qui ne lit presque pas, qui ne peut pas écrire une phrase, qui fait des erreurs de sons dans tous les mots et ne peut pas copier autrement qu’avec une graphie chaotique et extrêmement lente. Et puis Cynthia. Elle lit, mais quand elle écrit, elle fait peut-être encore plus d’erreurs de sons que Simon. Il y aura pour eux deux une deuxième vitesse dans la classe.