Le numéro 44-45 de la revue « Medium » dédié à l’école (F. Costa Chopineau) ?>

Le numéro 44-45 de la revue « Medium » dédié à l’école (F. Costa Chopineau)

La revue Medium, dirigée par Régis Debray, consacre un numéro double à l’école (juillet-décembre 2015), « Demain l’école ». Lecture roborative en ces temps de réforme annoncée du primaire et du collège, avec des chapitres aux en-têtes en latin (clin d’œil contre la suppression annoncée du latin dans le secondaire ?). La revue voit haut et large, égrenant des témoignages (de l’instituteur au professeur de classe prépa) ; des analyses (un article  sur l’architecture des bâtiments et de l’intérieur des bâtiments montrant un effondrement symbolique, une réflexion sur l’évolution des élèves du primaire compte-tenu des nouvelles modalités d’éducation parentale, une analyse de la vision de l’école au travers des films) ; des principes  (avec entre autres, un article de Nathalie Bulle, qui reprend en les clarifiant me semble t’il certaines idées de son ouvrage « l’Ecole et son double »  ) et des expériences  (par exemple, la création de M.O.O.C à l’Ecole Polytechnique, des réflexions sur l’introduction sans réflexion de l’informatique à l’école ..),  ou encore la reprise de l’article de Régis Debray sur la comparaison entre démocratie et république…

Nous retenons un entretien avec notre ministre, Najat Vallaud-Belkacem.
Penchons- nous sur cet entretien qui est un véritable monument de novlangue et qui montre que soit elle ne connaît pas son sujet, soit elle ment. Elle parle par exemple «  de s’appuyer sur les pratiques pédagogiques qui ont  démontré  leur pertinence » et cite le travail en petits groupes. On aimerait connaître les sources. Où sont les études qui auraient démontré la pertinence des futurs E.P.I par exemple ?
Parlant ensuite de la suppression des classes bi-langues, elle laisse croire que les élèves ayant commencé en primaire une autre langue que l’anglais, pourront continuer cette langue en plus de l’anglais : sait-elle que par exemple, dans l’académie de Créteil, des professeurs des écoles ayant une certification en italien ou allemand, ne peuvent  en faire profiter les élèves car priorité est donnée à l’anglais en primaire ? Sait –elle que l’existence de classe bi-langues ne profitent pas qu’aux plus favorisés et que c’est justement un moyen d’empêcher le détournement de la carte scolaire par ceux qui le peuvent ?
Elle fait semblant de croire que seule la droite de Bruno Lemaire lui a présenté un projet alternatif, sélectif dès l’âge de 11 ans, alors que au moins un syndicat, reçu par le ministère, propose un projet pour le lycée et le collège… et que lors de la pseudo-consultation organisée cet été, les associations de professeurs de lettres porteuses d’une réflexion approfondie sur l’école émancipatrice, dont Sauver les lettres, ont été « écoutées » sans être entendues ! (1)

Elle parle d’expérimentations auxquelles elle est favorable si elles sont évaluées : ne sait –elle pas que toute expérience à l’éducation nationale, quels que soient les résultats, est déclarée concluante et donc étendue ?

Bref un discours creux, et l’on se demande s’il y a incompétence ou rouerie…Comment prétendre réformer (réforme nécessaire puisque la ministre reconnaît enfin «  l’abaissement du niveau moyen  des élèves » (p. 137)  auparavant nié par les « sociologues d’état » comme Jean Claude Michéa aime à les  qualifier, et que « notre école est devenue l’une des plus inégalitaires d’Europe » p 4 comme l’a dit M. Valls) , si l’on ne se donne pas les moyens de formuler un vrai diagnostic, donc d’appliquer effectivement les pratiques pédagogiques qui fonctionnent le mieux avec tous les élèves et en particulier avec ceux  de milieux défavorisés ?(2)

En conclusion, on recommande chaudement la lecture de ce numéro de 361 pages, dont les  différents articles peuvent se lire indépendamment les uns des autres.

Florence Costa-Chopineau

(1) voir la contribution de Sauver les lettres aux débats du Conseil Supérieur des programmes

(2) Lire, entre autres , l’article tiré de la « Revue française de pédagogie » n° 150  « comment favoriser les progrès des élèves «  de P. Bressoux ; ou « Enseignement explicite et réussite des élèves », Clermont Gauthier, Steve Bissonnette, Mario Richard, éd. De Boeck, 2013.