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Bussy - ENS - Labrune - Le Havre - Lisbonne - Snes

Les professeurs soussignés, informés des nouvelles dispositions parues au Bulletin officiel de l'Education nationale, qui prétendent réformer l'enseignement de leur discipline, tiennent à exprimer, en la circonstance, une désapprobation radicale.

Nous ne voyons rien, dans ce qu'on prétend nous imposer, qui procède d'une intention de réformer. Tout nous paraît, bien plutôt, de nature à détruire, et de façon irrémédiable, des valeurs, des exigences, et même - ce qui est tout à fait intolérable - les principes fondateurs d'une tradition républicaine à laquelle nous sommes indéfectiblement attachés.

Depuis plus de dix ans, tout semble avoir été fait pour rendre de plus en plus difficile la tâche des professeurs de lettres . Le type de pédagogie imposé dans l'enseignement primaire puis dans le premier cycle des études secondaires a eu pour conséquence une augmentation considérable de l'illettrisme jusque dans les classes de lycée. Notre travail est devenu d'une difficulté sans précédent. Nous comprenons maintenant que cette dégradation a été voulue, délibérément organisée. Dans le temps même où les élèves paraissaient de plus en plus incapables de tirer parti de notre enseignement, faute d'avoir acquis dans les classes de collège un niveau qui leur eût permis de suivre, on multipliait d'absurdes impositions visant à mécaniser l'approche des textes, à exclure progressivement la question même du sens. Il ne restait plus, pour parachever ce travail de sabotage, qu'à supprimer les deux seuls exercices réellement formateurs pour l'intelligence des choses et le sens critique : la dissertation et le commentaire composé.

De telles aberrations ne sont pas réservées à la seule " réforme " de notre discipline et nous nous associons aux véhémentes protestations des professeurs de mathématiques et de physique. Nous savons aussi quelles menaces pèsent sur l'enseignement des langues et celui de la philosophie.

Nous ne pouvons en aucune manière accepter ce qui constitue à nos yeux une monstrueuse trahison des jeunes générations. S'il est, dans une république, un droit essentiel et garant de tous les autres, c'est bien le droit à l'instruction pour chacun, quelle que soit son origine sociale.

Cette " réforme " ne vise ni l'instruction ni même l'éducation, mais une sorte de conditionnement des esprits qui rappelle les funestes inventions des systèmes totalitaires. Ce n'est pas en s'immergeant jusqu'à s'y noyer dans l'idéologie de son temps, en rabâchant des idées qui dureront ce que durent les modes journalistiques qu'on a quelque chance de construire une vision du monde quelque peu distante et lucide. C'est par la fréquentation des œuvres de l'antiquité et des grands auteurs classiques qu'un jeune esprit pourra se faire une idée juste et fondée de ce qu'est la vie de la cité. Les pitoyables injonctions de l'ECJS ne seraient bonnes qu'à révolter des jeunes auxquels, surtout, dans les lycées " sensibles ", on demanderait de se tenir tranquilles sans compensation d'aucune sorte. Peut-on être assez naïf pour croire, au ministère, que des professeurs dignes de ce nom accepteront jamais de devenir une police de la pensée ?

Ce projet de réforme est proprement révoltant. Il paraît s'ingénier à empêcher désormais tout surgissement d'une pensée rationnelle et critique, à abolir des siècles d'efforts patients de l'intelligence. Cela équivaudrait, pour la culture française, à une manière de suicide. Nous ne pouvons accepter une telle folie.


Ce texte a été rédigé par Christian Labrune isachris@cybercable.fr. Il est paru pour la première fois sur le forum snes.lycées le 11.02.00, accompagné du commentaire suivant ;-) : Chers collègues professeurs de lettres. Plusieurs textes de pétition circulent. Je ne les connais pas tous. Ceux que j'ai lus ne me donnent pas entièrement satisfaction. Je vous en propose un nouveau.

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