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RENTREE 2000 : POUR UNE VERITABLE EVALUATION DE L'ORTHOGRAPHE

Analyse


Le niveau d'orthographe à l'entrée en seconde
Une évaluation sans fard effectuée par
" Sauver les Lettres "

En fonction des critères d'évaluation en vigueur jusqu'en 1999,
deux élèves sur trois, à l'entrée au lycée, ne maîtrisent pas l'orthographe de leur langue.



Une évaluation claire, des conclusions alarmantes

      Au cours du mois de septembre de la rentrée 2000, à la demande du collectif Sauver les Lettres, des professeurs ont donné à leurs élèves de 2nde une même dictée afin d'évaluer leur maîtrise de l'orthographe. Cette opération a été menée auprès de cinquante six classes de seconde (soit 1724 élèves), dans des lycées géographiquement et socialement assez variés pour constituer un échantillon représentatif (lycées de banlieue, de centre-ville, de province ...).

      La montée en masse des élèves en seconde correspond-elle à une amélioration générale du niveau d'une classe d'âge, ou cela s'est-il fait, comme nous l'affirmons à Sauver les Lettres, au prix d'un coupable abaissement des exigences dans la maîtrise de la lecture, de l'orthographe, et l'écriture ? Pour pouvoir répondre à cette question, il suffisait de reprendre une épreuve d'orthographe antérieure : nous avons donc choisi un court texte d'Alphonse Daudet, extrait des Contes du lundi, donné au Brevet des Collèges en 1988.
      Avec ses 170 mots, son niveau de difficulté assez moyen, ce n'est ni la dictée de Pivot, ni non plus le simulacre de dictée, apparu à la session 2000 du nouveau brevet des collèges, qui a scandalisé la France entière. Nous avons utilisé le barème en usage au brevet jusqu'en 1999, comme dans les classes de collèges : 2 points pour une faute d'orthographe grammaticale, 1 point pour une faute d'orthographe d'usage, une pénalisation maximale de 2 points pour les fautes d'accents, de tirets…

      La plupart de ces élèves avaient obtenu une bonne note à la dictée du brevet des collèges, qui ne comptait que quatre lignes et était évaluée de façon si positive qu'il était difficile d'obtenir une note au-dessous de la moyenne. Ils arrivaient au lycée avec ces résultats.

      Les nôtres sont malheureusement moins réjouissants.

Résultats de l'enquête : l'illettrisme des lycéens

La moyenne générale est de 5,58 / 20.

Seuls 29,77 % des élèves obtiennent la moyenne,
Et 9,27 % atteignent ou dépassent 15/20.

Près de 28% ont obtenu 0/20.
(Les notes négatives n'ont pas été prises en compte. Pourtant, les disparités sont grandes parmi ces élèves qui ont eu 0/20, un nombre non négligeable de copies présentant plus de 25 fautes).

Cela signifie que
- plus d'un quart des élèves entrant à quinze ou seize ans au lycée, après dix ans d'école, obtiennent zéro : ils ne possèdent pas les bases de l'orthographe courante.
- sept élèves sur dix n'obtiennent pas la moyenne ; seuls trois élèves sur dix démontrent une maîtrise au moins moyenne de l'orthographe de leur langue.
- la moitié des élèves a moins de 5/20 ; un élève sur deux est donc incapable de rédiger un texte simple sans qu'il soit truffé de fautes courantes.


L'analyse de " Sauver les Lettres "

      Voilà qui devrait préoccuper M. Jack Lang s'il veut réellement relever le défi de la lecture et de l'écriture, comme il le déclare encore dans un entretien au journal Le Monde du jeudi 9 novembre 2000 : " Chacun a droit à recevoir une éducation de haute qualité. L'École de la République doit être l'école de l'exigence. D'abord une exigence sur l'acquisition des savoirs fondamentaux, et, avant toute chose, la connaissance et la maîtrise parfaite de la langue nationale. La plus grande injustice, la plus grande souffrance, c'est quand un jeune est privé du droit de voyager dans sa propre langue. Je ferai l’impossible pour gagner la bataille de la lecture et de l’écriture. "
      Faire l’impossible ? S’agissant des mesures concernant l’école primaire, il n'est pas sûr qu'en introduisant trop tôt l'apprentissage d'une langue vivante, (mesure-phare de la rentrée), les élèves sauront mieux lire et mieux écrire. Il est sûr au contraire qu’en leur retirant le nombre d’heures nécessaires à l’apprentissage de savoirs fondamentaux, on les conduit vers l’illettrisme. En 1998, M. Jean Ferrier, Inspecteur général de l’Éducation nationale, notait dans un rapport remis à Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à l’enseignement scolaire, intitulé Améliorer les performances de l’école primaire, " la qualité des apprentissages et les progrès des élèves sont en relation directe avec le temps consacré aux apprentissages. "

      Rappelons qu’au cours de sa scolarité primaire, un élève de l'an 2000 a perdu au minimum l’équivalent d’une année, si l’on compare les horaires de français actuels à ceux qui étaient en vigueur dans le primaire avant 1969. Au collège, le système des " fourchettes horaires " peut conduire, d’un établissement à l’autre, à des écarts tout aussi considérables. Voilà peut-être une explication : plutôt que de chercher à se défausser sur des causes extérieures à l’école couramment invoquées (la société, les effets de la télévision et des jeux vidéo...), l’Éducation Nationale, si elle veut réduire cette " grande souffrance " des jeunes sur laquelle se penche avec tant de sollicitude le ministre, devrait commencer par rétablir les horaires d’apprentissage.
      Nous ne sommes pas les premiers à tirer la sonnette d'alarme, à dire qu'il y a urgence : en 1996, une enquête de la Direction de la prospective et de l’évaluation (DPE), ancêtre du nouveau Haut Conseil de l'évaluation de l'école, avait montré que sur une dictée du Certificat d'études de 1920 les élèves d'aujourd'hui avaient des résultats deux fois et demie moins bons que ceux de leurs aînés.
      M. Jean Ferrier notait dans son rapport : " Selon les années, ce sont entre 21 et 42 % des élèves qui, au début du cycle III (entrée au C.E. 2), paraissent ne pas maîtriser le niveau minimal des compétences dites de base en lecture ou en calcul ou dans les deux domaines. Ils sont entre 21 et 35 % à l'entrée au collège."

      On nous dira encore une fois que le public a changé - combien de fois n'a-t-on pas entendu ce refrain ? Le public a changé ? Et alors, qu'est-ce que cela change ? L'école pour tous ne doit-elle pas continuer à avoir pour mission de donner à tous la maîtrise des acquis fondamentaux ? Pense-t-on peut-être que certains élèves en soient incapables, ou pire, n'en aient pas le droit ?

      Mais les responsables politiques et les responsables de l'Éducation Nationale semblent moins se consacrer à cette mission qu’à cacher les déplorables résultats du déficit d’apprentissage qu’ils mettent patiemment en place.
      Il ne s’agit plus d’évaluer réellement, mais de fournir à l’opinion des chiffres rassurants. En juin dernier, par exemple, cette nouvelle dictée du brevet du collège, courte, dont l’évaluation " positive " (il s’agissait essentiellement de " valoriser les graphies correctes "), a été perçue par tous, professeurs, élèves, parents d'élèves, comme une évaluation factice, manifestant un inadmissible mépris pour les élèves eux-mêmes et pour l’effort qu’ils pourraient fournir. Au-delà, en obtenant des moyennes illusoirement élevées, il s’agissait d’une grave tentative pour cacher les réelles difficultés de maîtrise de la langue. Devant le scandale qu’ont constitué, à la session 2000, la brièveté et la facilité de cette nouvelle épreuve, le ministère est rapidement revenu en arrière : le B.O. du 21/12/2000 fixe les modalités du brevet 2001, qui comportera " 12 à 15 lignes d'un texte prenant en compte les exigences du programme en matière de compétence orthographique. " Mais rien n’est dit concernant la récente doctrine de " l’évaluation positive ".

      Le culte béat de la " modernisation " et la priorité accordée aux mesures médiatiques valent-ils vraiment que l'on procède encore longtemps au sacrifice de générations d'élèves ? " À partir de maintenant, il y aura tous les quinze jours, l'annonce d'un changement. Un bon matin on se réveillera et on finira par constater que le paysage a été transformé, dit le ministre. "

Nouvo péissage ?


Collectif "Sauver les lettres".

Pour télécharger ce texte : dict0900ana.rtf