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Aucune trace de pédagogie … euh pardon … de démagogie dans les dernières modifications du code d’éducation !

Une tribune publiée initialement dans « La gazette libre et subventionnée des révolutionnaires institutionnels » (GLSRI) et rédigée par Oscar Tristemine, enseignant en docimologie métacognitive et spécialiste en novlangue pédagonomique à l’université de Coucouville, auteur de : Le niveau monte toujours !  et de : Pour en finir avec la tyrannie des examens, (éditions Pédagoli, 2013).

C’est avec satisfaction que nous avons appris l’entrée en vigueur, dès cette année, des nouvelles dispositions relatives aux conditions de préparation et d’obtention du baccalauréat que nous réclamions depuis belle lurette (décret n°2015-1351 du 26 octobre 2015 paru au Journal Officiel du 27 octobre 2015). Les élèves ayant échoué au baccalauréat pourront dorénavant conserver les notes supérieures à 10 obtenues lors de cette épreuve et les faire valoir pendant une durée de cinq ans lors de sessions ultérieures du bac. Ils bénéficieront aussi dorénavant du droit de revenir dans l’établissement dans lequel ils ont préparé une première fois l’examen, quel qu’ait été, au demeurant, leur comportement en terminale.
Justin Nahiffeux (GLSRI)
« Depuis quelques années le niveau scolaire général a tellement augmenté et l’obtention du bac est devenue si difficile qu’il semble vraiment opportun de mettre en place une disposition qui permette aux élèves qui échouent au baccalauréat de l’avoir plus facilement. Certes, finalement – et curieusement – les échecs ne sont pas si massifs mais la sélection tout de même meurtrière et cruelle qui sévit toujours dans l’éducation nationale nécessite une riposte appropriée pour que cesse le massacre des innocents  en ce pays. Le sens de l’effort a été notamment porté à un tel point qu’il devient important de permettre aux plus fragiles des élèves qui craquent sous le déluge d’obligations scolaires qui leur tombe dessus, d’en faire moins. Il est vrai que ces deux nouvelles mesures rappelées ci-dessus créent sans doute des inégalités réelles, quelques dysfonctionnements administratifs et une plus grande déstructuration des classes mais ce sera une discrimination positive en faveur des élèves les plus en difficulté. Le progrès ne doit pas être stoppé par de sottes considérations qui se parent des habits du bon sens ou même par de lassantes récriminations portant sur le fait que les élèves, aux yeux de certains, ont perdu, trop souvent, à cause de l’école, le goût de l’effort. Pour nous, c’est aller dans le bon sens de permettre aux élèves qui ont du mal à se mettre au travail, d’avoir moins de travail, même si pour la suite de leurs études, cela ne leur donnera pas sans doute l’habitude d’un labeur intense. Mais quoi ? Leur donner le bac plus facilement ne signifie pas qu’ils réussiront ensuite dans leurs études supérieures. Il faut rappeler chacun à ses responsabilités devant son propre destin et lutter contre la mythologie d’une école remplie d’élèves qui préfèrent la laborieuse instruction au plaisir d’apprendre (ou pas) en s’amusant.

Les modalités d’application du décret n’étant pas, à notre connaissance, précisées, deux cas se présentent : ou bien les élèves qui conservent des notes sont dispensés des cours ou bien ils ont obligation de les suivre. Dans le premier cas, cela donnera des classes terminales qui perdront encore plus leur unité, mais le cadre contraignant et si ancien de la classe a t-il encore du sens de nos jours ? Et dans les établissements où les redoublants conservant les notes au-dessus de 10 devront aller en cours, on fera l’expérience de classes différentes de celles qui sont simplement mues par un goût de la réussite et d’une concurrence scolaires. Après tout, les collègues de collèges et de lycées professionnels ont déjà connu des situations de classes à examen avec des élèves peu motivés, voire parfois un petit peu « indisciplinés », et comme tout le monde le sait ; ça marche très bien et conduit à expérimenter des pédagogies très innovantes. D’ailleurs cela permettra de faire sauter le verrou des privilèges des classes à examen – voire même des classes à concours – qui s’appuient sur l’intérêt que les élèves attachent à leur réussite, parfois même – et c’est un comble ! – aux disciplines elles-mêmes, pour produire des classes brillantes, mobilisées et pleines de saine émulation dans lesquelles une pédagogie affreusement traditionnelle a encore lieu ; laquelle malheureusement finit aussi par séduire les élèves des milieux les plus modestes souvent mal armés pour se défendre face aux pédagogies les plus conservatrices. Comment tolérer une école qui reste aussi passéiste?

C’est bien pourquoi il est bon que les élèves qui redoublent aient aussi le droit de retourner dans leur établissement d’origine. Est écartée fort opportunément la possibilité de faire pression psychologique sur un élève particulièrement désinvolte ou/et indiscipliné en terminale en lui rappelant que l’inscription dans son lycée d’origine n’est pas de droit en cas d’échec au bac et qu’il peut se retrouver dès lors dans un autre environnement scolaire l’année suivante s’il ne se plie pas aux règles disciplinaires, L’école n’est pas faite pour le confort des enseignants, ni pour celui, d’ailleurs, des élèves qui réussissent ou qui veulent travailler dans la stricte et étouffante discipline comme le faisaient naguère les écoliers de la troisième République qui est abolie – comme la monarchie !

Ces mesures en faveur des redoublants constituent indéniablement un message très fort et sans ambiguïté lancé aux élèves les plus en échec : nous ne vous abandonnerons pas ! En tout cas, pas tout de suite … tant qu’il y aura des réussites qui font de l’ombre aux échecs et tant que l’ancien régime scolaire résistera à la révolution pédagogique qui est en marche, nous resterons vigilants.

D’ailleurs, on murmure que le ministère songe – pour prolonger ces dispositions qui ne sont qu’une nouvelle étape sur la route d’une profonde et salutaire rénovation du système éducatif et pour aller dans le sens de la course à pied d’égalité décrite par Antoine Desjardins :  http://www.marianne.net/agora-bientot-nouvelle-epreuve-eps-course-pied-egalite-100233689.html  – à une autre mesure obligeant les meilleurs élèves de première qui réussissent toujours un peu au détriment des autres, à ne pas aller en cours pendant le premier mois de la terminale. Celui qui court vite doit apprendre à marcher au pas. S’il faut laisser plus de temps aux plus faibles, quitte à désorganiser un peu plus les choses et à créer des inégalités, il est juste de réduire le temps des plus favorisés de nos élèves qui coûtent cher finalement à la collectivité. Et oui ! il faut rappeler que l’école publique n’est plus faite spécialement pour instruire et permettre aux élèves de réussir dans la société civile : elle est là tout d’abord pour produire des futurs citoyens qui auront un sens correct et bien adapté de l’égalité, même s’ils sont au chômage et complètement ignares. Et sur ce dernier point, il faut savoir faire face à ses responsabilités et ne pas attendre de l’école publique ce qu’elle ne tient plus vraiment à donner aux élèves. »