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Parole officielle : commentaires

Réactions parues sur Lettres et débats.

Lire le texte.


Ce passage mérite toute notre attention :

"Une mobilisation cohérente et un discours commun de l’encadrement, des animateurs et des formateurs.
On ne peut espérer écarter les interrogations des enseignants, les aider à dépasser les difficultés rencontrées, s’il constatent dissonances ou divergences, si les discours et les pratiques de l’encadrement n’intègrent pas systématiquement l’objectif à promouvoir.

S’agissant de pratiques nouvelles, les enseignants doivent percevoir que tout est fait pour leur venir en aide, chercher et expérimenter avec eux. D’où l’exigence pour chacun d’adopter de nouvelles attitudes et pratiques dans son domaine d’exercice (animation, inspection, formation)."

a) il s'agit d'ECARTER LES INTERROGATIONS DES ENSEIGNANTS ; certainement pas d'y répondre, encore moins se demander si lesdits enseignants peuvent avoir un semblant de raison d'interroger. Le postulat est ici (quand on songe aux bla-bla logorrhéiques que l'on trouve partout sur la "professionnalisation"…) que les professionnels ne savent rien de ce qu'ils font. Cela rappelle terriblement le discours des "post-tayloriens" (en réalité néo-tayloriens) sur les ouvriers, que des sociologues militants avaient dés les années 70 analysés comme une lutte pour la dépossession des savoirs ouvriers.
Dans la formulation, cela rappelle aussi le discours du PC à l'époque Marchais : il n'y avait pas de dissidents, encore moins d'opposants, mais soit des ennemis vendus à l'adversaire, soit "des camarades qui se posaient des questions", à qui les cadres intermédiaires devaient donc répéter la parole du Secrétaire Général.

b) la méthode pour "écarter" (d'abord les interrogations, ensuite leurs porteurs, peut-être ? cf. l'interpellation d'une dirigeante héraultaise de la fcpe, très proche d'Allègre, à un ami responsable syndical : "quand est-ce que vous nous aiderez à chasser les brebis galeuses ?" on voit la conception du syndicat-courroie de transmission !) : blindage de tous les cadres intermédiaires. Le cadre du Parti ne doit pas laisser soupçonner qu'il puisse exister, je cite, "dissonnances ou divergences", des fois que ça donne des idées au militant de base pour qui les objectifs émancipateurs priment sur la logique d'appareil.

c) On l'avait déjà noté dans le discours d'entreprise (cf LeGoff ou Boltanski), dans le totalitarisme de la pensée libérale (cf. Juppé en 95 : impossible de concevoir que le peuple puisse ne pas être d'accord, il en est resté au "déficit de communication"). Non seulement les modes de pensée, mais jusqu'aux tics de langage staliniens structurent le discours de la pensée unique.Et plus on parle d'"autonomie", de "créativité", plus la structure de la communication est hiérarchique : la vérité descend du Recteur à l'encadrement et de celui-ci à ces abrutis de profs coincés.
"(…) De nombreuses analyses ont été avancées pour expliquer les réactions du monde enseignant : (…) volonté de reproduction de parcours personnels, crainte (…) de la perte d’autorité des adultes. (…)"

Indice suprême du monologue autoritaire, cette phrase:
"NUL NE REJETTE la nécessité de placer l’élève " au centre du système éducatif "

Pour notre hiérarchie le contradicteur n'EXISTE PAS, par décret. De nombreuses critiques, théoriquement très argumentées et fondées sur des pratiques pédagogiques très différentes, ont montré que ce slogan n'avait rien à voir avec la réalité de l'enseignement scolaire. A la meilleure époque de la Mafpen (qui avec tous ses défauts permettait aussi une formation continue, et des relations "horizontales" entre praticiens de l'enseignement) dans les années 80 les meirieuistes, quand ils parlaient encore de la pratique faisaient réfléchir leurs collègues sur ce "centre" vide dans un triangle élève-savoir-maître, ce qui était déjà nettement plus pertinent ; et le débat que certains d'entre nous avaient avec eux portait sur leur incapacité à inscrire leur schéma dans les interrelations autrement plus complexes : au savoir se juxtaposent ou se superposent des représentations préalables ou des obstacles épistémologiques, et d'autre part un élève dans une classe n'est pas un disciple d'un précepteur dans une relation duelle. Evidemment cela ne se réduit pas au slogan, et il est plus facile de disqualifier l'adversaire qui prendrait l'élève pour une oie à gaver.

Ce n'est plus de "sauver les lettres" qu'il s'agit, mais tout bonnement de sauver la démocratie !

J.J.M. 10/2000


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