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Plan de rénovation de l'enseignement du français à l'école élémentaire (plan Rouchette)
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[Jamais, peut-être, le champ pédagogique n'a connu de bataille aussi féroce que celle qui a accompagné la préparation (1964-1969), puis la publication du Plan de rénovation de l'enseignement du français à l'école élémentaire, dit plan Rouchette (du nom du Président de la Commission, l'Inspecteur Général Marcel Rouchette, 1913-1977). Il n'est pas inutile, à notre avis, de lire ou relire quelques-unes des pages de ce texte si controversé (et si censuré au sein même de la Commission, puis, dit-on, à l'instigation du Président Pompidou lui-même) jusqu'à la publication officielle, dans la revue Recherches pédagogiques n° 47 (janvier 1971) d'une version légèrement altérée. En guise de riposte aux censures, l'Enseignement public (organe de la F.E.N.) publia, dans son n° de février 1971, le texte intégral du "projet Rouchette" que nous reproduisons ici en le ponctuant de paragraphes entre crochets, disparus dans la version définitive du Plan]
I. Pourquoi rénover l'enseignement du français à l'école élémentaire ? [L'enseignement du français à l'école élémentaire a jusqu'ici été régi par différentes ‘Instructions Officielles’. Remarquables par la générosité de l'inspiration, la richesse des conseils pratiques, elles ont rendu les plus grands services. Leur ensemble constituait une somme et reflétait une sagesse pédagogique que la pratique a confirmée durant de nombreuses années. Elles répondaient aux besoins et aux conceptions du moment. Mais il est évident que l'évolution des institutions et des théories avait introduit avec chaque ‘instruction’ nouvelle des éléments se trouvant en contradiction avec certains aspects des instructions précédentes. Le souci de continuité dans la doctrine que les auteurs successifs tentaient de maintenir ne parvenait plus à mas-quer ces incohérences. De plus et surtout, les années ont passé, fertiles en événements et en mutations de tous ordres. Et il n'est plus possible d'envisager une simple refonte des textes antérieurs. Une nouvelle définition des finalités de l'enseignement du français, et notamment de l'enseignement élémentaire, est donc nécessaire. Une expérimentation, actuellement en cours dans des classes élémentaires, vise à fonder plus scientifiquement la rénovation profonde de cet enseignement que de nombreux pionniers de la pédagogie moderne avaient, il faut le dire, déjà entreprise. Il apparaît possible et indispensable de faire connaître dès maintenant les principes essentiels, les lignes de force du travail ainsi engagé et les données théoriques et pratiques auxquelles devraient pouvoir se référer les maîtres, ceux qui ont pour tâche de les former et de les aider, et tous les responsables de l'Enseignement élémentaire. Ce plan, pour une rénovation du français à l'école élémentaire, se trouve donc substitué à toutes les Instructions antérieures]. A. Une rénovation nécessaire 1. La vocation actuelle de l'école élémentaire Depuis l'ordonnance et le décret du 6 janvier 1959, la prolongation de la scolarité entraîne une modification profonde des structures et, par conséquent, des finalités de l'école obligatoire. La création d'un premier cycle du second degré, que fréquentent tous les enfants jusqu'à seize ans, conduit à concevoir en particulier de toute autre façon l'enseignement du français au cours de la première étape. Autrefois, le but était double : - d'une part, il fallait que les enfants quittant l'école à quatorze ans et qui constituaient la plus grande masse, sachent lire et écrire assez bien pour s'insérer sans trop de difficultés dans la vie active. - d'autre part, le petit nombre de ceux qui entraient dans l'enseignement du second degré à dix ou onze ans devait posséder les connaissances que l'on disait nécessaires à l'acquisition de la culture secondaire et, en particulier, à l'apprentissage du latin et des langues vivantes. Cette double vocation ainsi que le développement, historiquement tardif, de la scolarité obligatoire jusqu'à quatorze ans avaient naturellement conduit à concentrer en cinq années d'études l'ensemble du programme de français. Passé le cours moyen, on ne prévoyait plus que des exploitations ou, au mieux, des approfondissements. Ces perspectives sont aujourd'hui profondément modifiées, et cela d'autant plus que l'évolution rapide des sciences et des techniques oblige à concevoir la formation élémentaire comme la base d'une formation permanente dont la nécessité est admise par tous. 2. Les exigences de la démocratisation Le nombre important des retards scolaires (plus de 50 % au CM2) montre, ainsi que des études de docimologie, que les programmes actuels ne sont pas assimilés comme ils le devraient. Or, la réussite scolaire est largement conditionnée par la maîtrise de la langue que les enfants ont acquise - et ceci quels que soient les efforts des maîtres. Des recherches sociologiques ont en effet confirmé que les élèves retardés le sont principalement par des déficits de langage, et qu'ils appartiennent le plus souvent à des milieux défavorisés. La plupart sont conduits à aborder prématurément des connaissances qu'ils assimilent mal, et qu'ils ne peuvent que répéter, le plus souvent en les déformant. [Certaines de ces notions sont d'ailleurs inutiles à la pratique de la langue, périmées et même gênantes dans la mesure où elles constituent des obstacles à la prolongation d'études sérieuses]. Un entraînement plus méthodique à la pratique du français doit tenir compte de ces faits, et donc être adapté au niveau réel des enfants tout en mettant en œuvre les moyens propres à pallier les déficits hérités du milieu. 3. L'apport de la linguistique Les progrès de la linguistique conduisent à considérer comme nécessaire l'abandon de quelques principes généraux antérieurement admis. C'est ainsi que certaines pratiques pédagogiques traditionnelles se fondent sur l'idée que la maîtrise de la langue part de la réflexion pour aboutir à l'usage. Nous pourrions citer maints exemples : - d'abord, dans les méthodes 'progressives' d'entraînement à la rédaction (du mot à la phrase, de la phrase au paragraphe, du paragraphe à la 'composition' française), ensuite et surtout, dans un enseignement grammatical qui, faisant construire les fonctions à partir des natures, passant uniformément de la phrase simple (proposition indépendante) à la phrase complexe, cherche à améliorer l'expression en s'appuyant presque exclusivement sur une réflexion abstraite et non sur le fonctionnement réel de la langue. Or, depuis un quart de siècle, la linguistique a montré qu'observer ce fonctionnement est la condition préalable et nécessaire de toute réflexion féconde et de tout perfectionnement. L'exemple de l'enseignement des langues vivantes, qui met en œuvre des démarches plus intuitives que réflexives est, à cet égard, particulièrement probant. Et le moment semble venu d'en faire profiter, dans la mesure où elles peuvent s'adapter à la langue maternelle, de jeunes écoliers qui, sans ignorer la langue française, sont loin de la dominer. 4. L'apport de la psychologie Le développement de la psychologie, lié à celui des méthodes d'éducation nouvelle, justifie une remise en cause du concept même d'éducation. La psychologie contemporaine tend à dépasser la notion de facultés innées ou de systèmes d'association acquis mécaniquement. Elle pose les problèmes d'apprentissage, de formation et de développement de l'intelligence et de la personnalité en termes de construction continue et dynamique étroitement liée à l'activité créatrice de l'enfant et fondée sur des intérêts, des besoins profonds, individuels ou collectifs. Il s'agit donc d'apprendre à apprendre, d'apprendre à innover, à créer plus qu'à recevoir et retenir des connaissances tout élaborées. La mise au point de notions fondamentales [comme celles d'assimilation, d'intégration], les résultats de nombreuses recherches [sur les lois de la perception, de l'apprentissage, sur la fonction symbolique, les mécanismes d'acquisition de la langue, la dynamique du groupe-classe, etc.] ouvrent à la pédagogie du français des perspectives d'action éducative plus efficaces, parce que mieux adaptées aux capacités réelles des enfants. La psychologie apporte en particulier à la pédagogie d'indispensables précisions sur les étapes de l'acquisition des connaissances, les phénomènes de maturation, les fonctions de la sensibilité et de l'imaginaire. Elle permet d'éviter les interventions prématurées ou trop tardives. Elle a permis, par exemple, de mieux mesurer l'importance de la période de cinq à sept ans, dans l'acquisition des structures verbales fondamentales, et de souligner le rôle décisif joué à cet égard par l'école maternelle et le cours préparatoire. Telles sont, brièvement résumées, quelques-unes des raisons majeures qui ont conduit à proposer une rénovation de l'enseignement du français à l'école élémentaire. B. Les objectifs de l'enseignement du français à l'école élémentaire 1. Le premier de ces objectifs consiste à mettre l'enfant en possession de sa langue maternelle, en lui donnant la possibilité d'en utiliser toutes les ressources. Il s'agit de lui faire acquérir la maîtrise de la langue française contemporaine, orale et écrite, par l'entraînement à la communication et à l'expression. Cet entraînement devrait permettre l'usage de formes de plus en plus élaborées, de mieux en mieux adaptées au 'registre de langue' qui convient aux situations dans lesquelles l'enfant est amené à parler ou à écrire. 2. Dans le même temps, est encouragée la libre démarche de création verbale personnelle sans laquelle la sensibilité et l'imagination enfantines ne sauraient pleinement se développer et s'enrichir, démarche qui est nécessaire pour une ouverture à certaines formes de la littérature et particulièrement à la poésie. 3. Enfin, l'apprentissage et la pratique de la langue écrite, l'apprentissage d'une utilisation constructive de documents divers (parlés, écrits, filmés) permettent de faire de la langue maternelle l'instrument nécessaire et privilégié d'une vraie culture générale. L'enseignement rénové du français devrait donc faciliter l'accès de tous les enfants à une langue qui permette l'enrichissement de la communication avec autrui, l'expression écrite et orale personnalisée, et rende ainsi possible, pour un plus grand nombre d'entre eux, la poursuite d'études secondaires longues. C. Situation de ce plan de rénovation. Un plan de rénovation de l'enseignement du français à l'école élémentaire ne saurait actuellement comporter de directives rigides ou des leçons types. De nombreuses questions restent posées, auxquelles l'état des connaissances théoriques et les recherches expérimentales ne permettent pas encore de répondre. Ce plan représente une étape dans une évolution, un moment dans une création continue, dont le sens et l'orientation se dessinent cependant de manière irréversible. Il ne s'agit nullement de simplifier, en l'appauvrissant, un enseignement qui serait jugé trop ambitieux, mais de l'ouvrir aux inévitables et nécessaires mutations qu'appelle le développement des connaissances actuelles, notamment en linguistique, en psychologie, et dans toutes les sciences qui se rattachent de près ou de loin à l'éducation. Dans ce domaine des évolutions sont prévisibles, qui imposeront des adaptations périodiques. Ces mutations - dont il faut dire qu'elles exigeront des maîtres de gros efforts - devront impliquer un certain nombre de mesures et notamment : le développement de la recherche, l'information et la formation des maîtres, l'information des parents, des moyens matériels à la mesure de notre temps, l'harmonisation de l'enseignement du français dans les différents cycles. L'enseignement du français ne saurait donc se définir comme intangible. Tout donne à penser que, dans les années à venir, il sera en constante évolution. La conjonction d'une rénovation dans ce domaine, dans celui de la mathématique et dans celui des activités d'éveil, ouvre des perspectives qu'il n'est pas encore possible de définir avec rigueur mais dont on peut augurer un enrichissement mutuel et global certain.
II. Principes fondamentaux de la rénovation : la notion de communication et celle d'apprentissage de la langue A. Le français est essentiellement un moyen de communication Un premier point doit être immédiatement précisé : l'objet de l'enseignement du français à l'école élémentaire est l'usage et le développement des moyens linguistiques de la communication ; il s'agit de rendre l'enfant apte à s'exprimer oralement et par écrit et capable de comprendre ce qui est dit et écrit. Il pourrait sembler superflu de rappeler une telle évidence. Pourtant, un examen critique de pratiques très répandues, montre que cet objectif était en partie perdu de vue. L'enseignement du français se morcelait en plusieurs domaines : lecture, écriture, récitation, vocabulaire, grammaire, orthographe, élocution, rédaction. Ces domaines d'étude, définis par des programmes précis, tendaient par la force des choses à devenir autonomes, d'autant plus facilement que l'entraînement à la communication n'était pas, dans la plupart des classes, la préoccupation essentielle. L'expression - pour elle-même - apparaissait comme le terme d'une construction à laquelle chaque groupe d'exercice apportait sa contribution. Par exemple, une pratique fort répandue au cours moyen, consistait à organiser les leçons, devoirs et exercices autour d'un thème hebdomadaire dit 'centre d'intérêt'. La lecture, la leçon de vocabulaire et d'élocution, la leçon de grammaire et d'orthographe apportaient des matériaux qu'il suffisait d'agencer en fin de semaine pour construire la rédaction. Cette pratique ne tient pas compte de la véritable démarche de l'enfant. Non qu'il faille renoncer à l'acquisition de connaissances précises. Mais ces connaissances, pour être disponibles, doivent être assimilées de longue date et surtout s'intégrer dans le comportement linguistique, de telle sorte qu'elles apparaissent naturellement dans le courant de la communication. En outre, la psychologie génétique montre qu'il n'y a pas de progrès durable dans le langage sans besoin de s'exprimer, de comprendre. Les exercices d'élocution et de rédaction ne sauraient donc être des occasions de faire fonctionner le langage à vide - ce qui est toujours possible - mais doivent s'enraciner dans l'affectivité, la sensibilité de l'enfant, dans son besoin de s'exprimer pour les autres, de comprendre ce que les autres disent. Pour toutes ces raisons, il convient d'affirmer avec force que l'essentiel de l'enseignement du français doit porter sur l'entraînement à la communication orale et écrite. 1. Démarche pédagogique de l'entraînement à la communication Dans cette perspective, les diverses activités de français sont les éléments indispensables de l'exercice global de communication par la langue maternelle. L'entraînement à la communication doit précéder et accompagner tout approfondissement analytique de la langue, le 'motiver' et finalement le justifier. Pour cette raison, contrairement à l'habitude, la plus grande partie de l'horaire imparti au français doit par priorité lui être consacré. Une démarche 'ternaire' paraît susceptible d'être suivie, selon les principes suivants. L'entraînement à la communication : *. naît et procède des activités de communication orale et écrite (temps 'global'). *. se renforce et se perfectionne par le maniement, puis par l'observation et l'analyse de structures syntaxiques et de formes lexicales de plus en plus complexes, de mieux en mieux adaptées aux registres de langue requis par les diverses situations de communication que rencontre l'enfant (temps 'analytique'). *. débouche sur l'exercice conscient et maîtrisé de la communication orale et écrite (temps 'synthétique' où devrait intervenir un transfert des structures et des formes acquises au niveau de la phase précédente). 2. Langue parlée, langue écrite. a). Priorité de l'expression orale. A l'école élémentaire, l'usage de la langue orale doit être distingué de l'usage de la langue écrite, sans exclure, bien au contraire, les interférences qu'elles comportent nécessairement. La difficulté essentielle réside à ce propos dans une organisation du travail scolaire qui puisse donner à la communication orale la place qui est la sienne. C'EST POURQUOI IL CONVIENT DE CONSIDERER LA CLASSE NON SEULEMENT COMME UN LIEU OU LE MAITRE PARLE A SES ELEVES, MAIS ENCORE ET SURTOUT, COMME UN LIEU OU S'ECHANGENT DES INFORMATIONS D'ELEVES A MAITRE ET TOUT PARTICULIEREMENT D'ELEVE A ELEVE, DE GROUPE A GROUPE . b). L'entraînement à l'expression écrite Pour écrire comme pour parler, l'enfant doit avoir besoin de communiquer. C'est pourquoi ce qui a été dit de l'expression orale vaut pour l'expression écrite. On soulignera cependant que l'expression écrite introduit des dimensions nouvelles dont l'enseignement doit tenir compte. D'abord, c'est le plus souvent l'éloignement dans le temps et dans l'espace qui appelle la communication écrite ; l'énoncé écrit doit nécessairement faire état d'éléments qui auraient été fournis par la 'situation' de communication orale. Enfin, on ne peut négliger le désir et le goût qu'ont certains enfants de laisser, sans le moindre souci d'un lecteur, une trace écrite de leur activité, de leurs rêves, de leur personnalité. B. Conquête progressive du langage adulte élaboré : libération et structuration La 'liberté de parole' n'est pas un pouvoir inné qu'il suffit d'exercer en situation, pour le maîtriser. On ne saurait se contenter chez l'enfant du simple besoin, spontané ou provoqué, de s'exprimer. C'est ici que doivent intervenir les exigences de l'éducateur qui a pour mission d'aider l'enfant à progresser, c'est-à-dire à utiliser sa langue maternelle d'une manière de plus en plus efficace, donc de plus en plus créatrice, et, pourtant, de plus en plus libre. L'entraînement à la communication n'y suffit pas ; des exercices systématiques d'apprentissage de la langue, dont le principe est présenté ci-dessous peuvent très certainement donner aux enfants - et en particulier aux plus défavorisés d'entre eux - une liberté de parole effective. Ainsi, les enfants devraient-ils parvenir, par une conquête progressive et imitative, au niveau de la langue adulte élaborée et au niveau de la langue des textes d'auteurs. Pour trouver sa pleine efficacité, l'apprentissage de la langue orale et de la langue écrite se fonde : a) sur le fonctionnement de la langue dans des situations de communication motivée, b) sur une action pédagogique continue, reposant essentiellement : - sur l'imprégnation de la langue de l'enfant par la langue adulte élaborée. Celle-ci peut prendre la forme soit d'exercices très systématisés, inspirés des exercices structuraux d'apprentissage des langues étrangères - soit d'exercices de reconstitution de textes d'auteurs. - sur une grammaire et une étude du vocabulaire, intuitives d'abord, et progressivement réflexives. L'opposition pourrait sembler totale entre la nécessité d'une motivation puisant aux sources individuelles de l'expression et de la communication libres et la nécessité de l'apprentissage systématique d'une langue plus élaborée. Les techniques pédagogiques doivent et peuvent dépasser cette contradiction. L'essentiel est de se convaincre qu'il est difficile de toujours conjuguer ces deux démarches. Le travail d'acquisition des moyens d'expression est un travail de longue durée et il serait sage de ne pas chercher à tout prix son application immédiate dans des activités d'expression prévues à cet effet. On verra donc apparaître peu à peu dans l'expression spontanée les tournures et les mots qu'un travail systématique aura permis de découvrir. Les recherches en cours auront à déterminer dans quelle mesure des exercices d'apprentissage systématique de la langue peuvent contribuer aux progrès de l'expression enfantine. Elles devront déterminer en particulier la durée de l'imprégnation et des transferts, comme celle des traces laissées par un enseignement grammatical renouvelé. Cependant, aucune activité de langage ne saurait être envisagée du seul point de vue de l'enseignement de la langue. C'est pourquoi l'on ne peut définir le rôle spécifique du maître de cet apprentissage sans se référer à des considérations plus générales et. en particulier, à une conception du 'groupe-classe'. Ce groupe existe, et le maître n'en est pas un membre quelconque. Il est responsable de l'objectif, c'est-à-dire de la visée et des moyens à mettre en œuvre. Son rôle est décisif dans les progrès de l'enfant. On ne saurait l'oublier. 1. Le maître de français libère Il l'aide à dominer les obstacles socio-culturels et affectifs qui l'empêchent de répondre à ses besoins fondamentaux : être lui-même, découvrir les dimensions de sa sensibilité et de son imagination, apprendre, devenir adulte. En ce sens, il revient au maître d'utiliser ou de susciter des situations éducatives propres à faciliter à l'enfant cette rencontre de lui-même, des autres, du monde et de la connaissance. Il revient au maître de choisir parmi ces situations celles qui peuvent motiver la communication orale ou écrite, et les exercices d'apprentissage nécessaires, sans toutefois aller au-delà des possibilités de chacun. De même il lui revient de solliciter et de favoriser la créativité de chaque enfant, de chaque groupe de la classe. Le maître part d'une motivation primaire faite d'élans brefs, d'éclairs de curiosité, de paroles 'sauvages', du désir de dire pour dire, d'écrire pour écrire, de raconter pour raconter. Mais il s'efforce d'étendre et de consolider ce terrain en étayant les motivations des uns par les motivations des autres, en les nourrissant des intérêts fournis par les milieux, en les entretenant par le goût de la chose bien faite, achevée. On parvient ainsi à une motivation seconde par un passage dont l'enfant n'a pas toujours conscience. Sorti d'un univers étroitement personnel il découvre la curiosité intellectuelle, le goût de l'imaginaire, associant à l'esprit de collaboration avec les autres, l'esprit critique, l'esprit de synthèse et le sens de l'invention, de la création. L'étape suivante implique une certaine conscience de la langue, de ses fonctions, de ses pouvoirs. Elle suppose une découverte des fonctionnements linguistiques et permet une exploitation efficace de ces fonctionnements. dans tous les moments de la vie scolaire et extra-scolaire. Mais cette phase d'exploitation n'est possible et profitable à long terme que dans la mesure où le maître aura su attendre, sans la précipiter, l'indispensable phase de maturation. 2. Le maître de français organise Si toute langue est à la fois contrainte et liberté, la liberté de langage de l'enfant est d'autant plus grande qu'il domine mieux la langue qui en est le moyen. L'expression rencontre à un certain moment une contrainte à laquelle l'enfant doit se soumettre et qui est la condition de ses progrès. On peut donc considérer dans la conduite de la classe des moments de libération où l'enfant, à l'oral comme à l'écrit, s'exprime sans contrainte, et d'autres moments de travail systématique où il se soumet à une discipline qui est celle-là même que la langue impose pour une meilleure communication. Cette discipline n'est d'ailleurs en rien une contrainte qui serait imposée arbitrairement de l'extérieur puisqu'elle résulte des conditions de l'échange oral ou écrit, de la nécessité de se faire comprendre d'autrui et d'exclure en conséquence imprécisions et ambiguïtés. Loin d'apparaître aux enfants comme un censeur qui 'corrige' et sanctionne des 'fautes', le maître joue pleinement son rôle d'éducateur. Il est celui qui cherche avec le groupe, celui qui aide à vaincre les difficultés, à canaliser les efforts pour une meilleure communication, une meilleure expression de soi, celui qui stimule l'élan créateur ou les progrès. Les exercices systématiques d'imprégnation, les exercices de découverte du fonctionnement de la langue (apprentissages premiers de la langue écrite - grammaire - vocabulaire) s'insérant tout naturellement dans cette démarche, sont alors ressentis comme l'apport spécifique du maître au progrès linguistique de tous et de chacun. 3. Le maître de français observe Seul, dans la classe, le maître domine les composantes fondamentales de la pédagogie du français : la linguistique et la psychologie. Il est, à ce titre, l'observateur privilégié du 'groupe-classe'. On ne saurait trop insister sur le fait que cette observation ne peut, en matière de langage, conduire à porter sur un enfant ou une classe, un jugement définitif ; et cela d'autant plus que les instruments susceptibles d'évaluer objectivement le niveau d'élaboration de la langue orale et de la langue écrite entre 6 et 11 ans restent, pour l'essentiel, à construire. Cependant l'observation attentive de l'évolution des individus, celle des groupes et de la classe sous l'influence du monde extérieur, des relations mêmes dans la classe, de l'apprentissage et de la maturation, est absolument nécessaire. L'efficacité de l'action éducative est largement fonction de son adaptation quotidienne à la vie de la classe, à la vie en général. En matière de langage, il importe davantage d'adapter les activités de communication et d'apprentissage aux besoins, aux lacunes des enfants que de 'corriger' des 'fautes'. En somme, dans cette triple perspective, le maître crée les conditions d'une meilleure communication, s'efforce de libérer les enfants des handicaps, des blocages qui les empêchent de communiquer, de s'exprimer pleinement. Il les aide à maîtriser de mieux en mieux l'usage de la langue écrite par un apprentissage progressif fondé sur l'exercice libre de la langue, dans une dialectique constante de libération et de structuration. Il est certain que le rôle du maître et les modalités de cette dialectique varient en fonction des intentions qui président aux diverses activités de français. Mais le souci permanent du maître est d'aider chaque enfant à comprendre et utiliser des registres de langue de plus en plus élaborés, de mieux en mieux adaptés aux situations de communication, et de lui permettre ainsi d'accéder aux joies de la création personnelle et de l'art.
III. Activités de français L'entraînement à la communication et l'apprentissage systématique de la langue convergent en une série d'activités dont l'articulation est fonction avant tout de la vie de la classe. La classification des activités de français établie ci-dessous ne peut correspondre qu'à une schématisation de la réalité vécue. De même, si l'exposé qui suit dissocie des aspects indispensables de l'enseignement de la langue, appelant ainsi l'attention des maîtres sur la 'dominante' de telle ou telle activité de français, il ne remet nullement en cause les principes définis plus haut. A. Approches globales de la langue 1. ENTRAÎNEMENT A L'EXPRESSION ORALE Ce sont les élèves eux-mêmes qui jouent le rôle le plus actif comme sources et récepteurs d'informations, le langage du maître demeurant un élément fondamental de référence. Son rôle principal doit être d'aider les enfants à surmonter les déficits divers hérités du milieu, ou de handicaps psycho-physiologiques. Il lui appartient donc de créer les conditions d'échanges verbaux, à partir de situations vécues réellement, ou de situations de jeu, capables en tous cas de motiver de véritables communications. On veillera soigneusement à éviter les situations artificielles, sources de dialogues faux, n'ayant aucun rapport avec la vie des enfants ni avec les motivations profondes de leurs jeux. Pour qu'il y ait échange, il faut qu'existent : - Chez l'un des partenaires le désir de dire quelque chose à quelqu'un. - Chez l'autre, le désir ou l'intention d'apprendre quelque chose d'un autre. Ce qui suppose que les enfants apprennent non seulement à dire mais également à écouter. Il est bien entendu que les rôles peuvent être intervertis selon la personnalité des individus, la nature et le développement de la situation etc. Ces situations, très diverses, seront choisies en fonction : - des circonstances, - de l'âge, du développement des enfants, des caractéristiques du groupe etc., - des objectifs visés. Le tableau suivant présente quelques-unes des activités possibles en fonction des objectifs pédagogiques essentiels.
Il va de soi que ce tableau n'est qu'indicatif et que les maîtres ont toute liberté pour imaginer d'autres formes d'activités individuelles ou collectives propres à favoriser le fonctionnement du langage oral, avec ou sans leur aide. Le caractère particulier de chaque situation devrait apparaître aussi dans ses aspects matériels : choix du lieu, disposition des tables et des personnages si on est dans la classe, attitudes et mouvements des enfants... D'autre part, la situation de départ déterminera la forme linguistique usitée aussi naturellement que dans la vie : on ne parle pas à un commerçant comme on parle à sas amis, à ses parents, à ses enfants, au public d'une conférence... On ne raconte pas, on ne parle pas non plus au téléphone comme à table... LES SITUATIONS DECRITES SONT DES 'SITUATIONS D'EXPRESSION' ; EN AUCUN CAS, ON NE DEVRA LES CONFONDRE AVEC DES 'SITUATIONS D'APPRENTISSAGE' . Le souci de faire accéder à un niveau de langage plus élaboré, plus précis, plus correct n'est pas absent de l'esprit du maître durant ces moments d'expression mais il conservera alors pour lui tout un matériel qu'il utilisera ensuite dans un autre cadre :- exercices structuraux, - exercices systématiques de vocabulaire, de grammaire, etc. En effet des expériences déjà concluantes permettent de donner le conseil de ne pas corriger sur le moment les formes impropres ou irrégulières, cette intervention risquant de bloquer l'expression tant dans ses sources affectives qu'au niveau des structures linguistiques qui doivent fonctionner avec le maximum de spontanéité ou d'automatisme. Le climat de la classe est essentiel à cet égard. Dans toute activité de langage, le maître devra demeurer le meneur de jeu, attentif et efficace, dont le rôle est capital dans sa discrétion ; il encouragera les uns, stimulera les autres, tout en n'oubliant jamais que dans l'expression orale, l'initiative appartient aux différents interlocuteurs. Et ceci suppose que tous les participants sachent s'écouter les uns les autres. Le maître devra donc expliquer le moins possible, parler peu, accepter ou provoquer le débat pouvant s'instaurer entre élèves, ne jamais rejeter brutalement ou ironiquement une réponse incorrecte, de crainte que l'enfant rebuté ne s'enferme dans un mutisme néfaste, encourager au contraire celui qui vient de s'exprimer, arriver à l'expression la plus pertinente par approximations successives. Cette discrétion du maître ne saurait se confondre avec son effacement. Il arrivera que l'exercice piétine ou s'éparpille. Le maître, en résumant, en faisant le point sur la discussion en cours, en reformulant des interventions d'élèves qui sont mal 'passées', joue un rôle important pour éviter les bavardages, faire progresser l'échange et l'aider à devenir fertile. 2. APPROCHES DE LA LANGUE ECRITE : Lire / Écrire Nous n'avons pas voulu séparer les deux faces : lecture-écriture (au sens large du terme, orthographe comprise) de la conquête de la langue écrite. Dans ce domaine, comme dit le poète, 'rien n'est simple ni singulier'. Nous avons en revanche, quitte à nous répéter, dissocié pour la commodité de l'exposé deux aspects indissociables dans la réalité vécue de !a classe : les apprentissages premiers et l'entraînement. Si les apprentissages premiers dominent au C.P. et au C.E.1. leur place reste décisive au C.E.2. et au C.M. Si l'entraînement à la lecture et à l'expression écrite dominent au C.E.1 et au C.M. ils commencent en fait dès le C.P. et la section des grands de l'école maternelle. a) APPRENTlSSAGES PREMlERS de la lecture / écriture. (X) SITUATlON DE LA DECOUVERTE ET DES APPRENTISSAGES PREMIERS DE LA LANGUE ECRlTE DANS L'EVOLUTION DE L'ENFANT. Les retards scolaires s'expliquent trop souvent encore par une difficulté de lecture liée, comme l'ont montré les enquêtes psychologiques, à un déficit général dans le maniement de la langue. On ne saurait donc trop insister sur l'importance de cette acquisition primordiale. Or, celle-ci soulève le délicat problème du passage de la langue orale à la langue écrite, sur lequel les recherches en cours - il faut le dire - ne permettent pas de conclure avec une suffisante rigueur. On voudra bien considérer en conséquence tout ce qui suit, comme un ensemble d'hypothèses de travail fondées sur 1'état actuel des connaissances linguistiques et psychologiques, comme sur l'expérience présente des maîtres. L'accès à la langue écrite représente, dans la vie, de l'enfant, une véritable mutation. Il a commencé à se découvrir, à se situer, à se construire à travers l'apprentissage progressif d'une relation sans cesse restructurée avec les personnes et les choses. A partir de sa découverte de la 'chose écrite', l'enfant aborde l'apprentissage d'une nouvelle relation avec sa langue en tant que mode de communication susceptible d'opérer à distance. Les apprentissages premiers ont, dans ce domaine comme dans bien d'autres, une importance décisive. Ils conditionnent - et les recherches en cours auront à montrer dans quelle mesure - la maîtrise de la langue en général, la réussite scolaire, et par conséquent l'épanouissement individuel et social de chacun. On ne perdra pas de vue que ces apprentissages premiers qui permettent la découverte progressive du 'code' de la langue écrite se déroulent sur trois ans, de la section des grands de l'école maternelle au C.E. En particulier, le maître du cours préparatoire ne devrait pas oublier que la grande majorité des élèves entrés dans sa classe a déjà reçu au moins une initiation à la lecture et à l'écriture, à l'école maternelle ou dans les sections enfantines. Il n'est pas concevable qu'il ne tienne aucun compte du niveau acquis par les enfants, des systèmes de référence dont ils disposent, et des méthodes qui ont précédé son intervention. Sans attendre des solutions organiques et institutionnelles, il est indispensable que s'instaure entre les éducateurs la coordination pédagogique désirable. Il ne devra pas perdre de vue non plus le rôle décisif du C.E.1. dans le 'cycle' des apprentissages premiers de la lecture - écriture, pour renforcer et enraciner solidement les acquisitions de base. Tout redoublement du C.P. doit, dans cette optique, être exclu - sauf pour les enfants relevant d'un enseignement spécial. Cela suppose que chaque enfant puisse être suivi individuellement tout au long de ce 'cycle' et que l'organisation très souple, très ouverte des groupes de travail dans la classe favorise la découverte, l'assimilation individuelle du 'code' de la langue écrite, mais aussi l'action stimulante du groupe. (XX) VOULOIR LIRE/VOULOlR ECRIRE. La qualité du 'vouloir lire', du 'vouloir écrire' influence profondément la capacité de l'enfant à se rendre maître des signes écrits. Or il apparaît que la langue écrite ne répond pas nécessairement à des besoins de communication, d'expression spontanée, en particulier pour les enfants issus de milieux où la culture, dans ses formes écrites, n'est pas intégrée à la vie quotidienne. L'école, dès les classes maternelles, peut et doit agir par une 'imprégnation' culturelle où l'accès à la langue écrite, puis la conquête progressive de l'acte de lecture, de l'acte d'écriture, trouvent leur motivation profonde. Si l'enfant est placé, très jeune, en familiarité avec le texte écrit, dans la plupart des cas, comme cela se passe spontanément dans certains milieux cultivés, il voudra à son tour, pouvoir l'utiliser, le créer, lui-même. Il importe, en ce sens, que les apprentissages premiers de la lecture et l'écriture ne soient jamais dissociés de la pratique du langage oral et des autres modes d'expression dont dispose l'enfant : ce qui est dit peut être mimé, dessiné mais aussi transcrit : ce qu'on a écrit doit pouvoir être lu, raconté, mimé, dessiné. LE MAlTRE S'ATTACHERA EN CONSEQUENCE A EXPLOITER OU A CREER DES SITUATIONS MOTlVANT L'ACTE DE LIRE ET L'ACTE D'ECRlRE. LIRE, CE DEVRAIT ETRE CHERCHER A SATISFAIRE LE BESOIN DE DECOUVRIR DE CONNAITRE, DE S'INFORMER, DE S'ENCHANTER POUR SOI-MEME OU DE COMMUNIQUER TELLE OU TELLE INFORMATION A AUTRUI. ECRIRE, CE DEVRAIT ETRE REPONDRE A UN BESOIN DE COMMUNICATION A DISTANCE ET DANS LE TEMPS, A UN BESOIN DE CONSERVATlON, D'ENREGISTREMENT, DE FIXER POUR SOI LES TRACES DECOUVERTES QUE CHACUN A PU FAIRE DU MONDE ET DE SES REVES. (Cf. le chapitre langue parlée - langue écrite). De même que l'enfant a désiré découvrir les significations des regards, des attitudes, des sons, lorsqu'il commençait à pressentir les fonctions de communication de ces 'langages', de même il veut lire et écrire quand il perçoit la valeur 'médiatrice' du message écrit. Mais encore faut-il que les textes proposés puissent susciter ce désir. C'est pourquoi les textes des enfants eux-mêmes peuvent parfaitement être utilisés pour ces apprentissages premiers. A condition toutefois qu'ils appartiennent réellement à la langue écrite, celle-ci n'étant jamais un simple décalque de la langue parlée. S'il existe d'autre part d'excellents albums pour enfants, on ne saurait condamner avec trop de force la littérature faussement enfantine qui, par ses thèmes comme par son expression, fait entrer l'enfant dans un univers et une langue préfabriqués, conformistes, plus puérils qu'enfantins. (XXX) POUVOIR LIRE/POUVOIR ECRIRE. Il est évident que la motivation ne suffit pas. Elle ne peut remplacer les apprentissages psychologiques et linguistiques, et la maturité que requiert l'accès à la langue écrite. Et l'on n'anticipera pas sur la période de l'enfance propre à cet accès sans compromettre gravement le devenir de l'enfant. Mais s'il faut prendre garde à ne pas commencer trop tôt, il convient également de ne pas aller trop vite. Pouvoir lire et surtout pouvoir écrire suppose le jeu complexe d'un certain nombre de facteurs psychologiques, psycho-linguistiques et linguistiques dont le fonctionnement est encore mal connu - et qui ne se mettent en place que lentement, selon des rythmes différents pour chacun. Par exemple, il semble bien que la langue écrite soit quasiment une langue étrangère pour les enfants appartenant à des milieux socio-culturels défavorisés ou encore à des milieux patoisants. Ce qui est certain, c'est qu'on peut observer des différences importantes sur tous les points, entre enfants normaux, et que les maîtres de C.P. et de C.E. ne peuvent s'attendre à voir l'ensemble de leur classe progresser au même pas. Ils ont donc intérêt à observer chaque enfant, si possible avec l'aide d'un psychologue, éventuellement d'un médecin. Mais on ne saurait trop leur recommander la plus grande prudence quant aux pronostics à tirer de ces examens concernant la durée de l'apprentissage, surtout s'ils devaient conduire à organiser la classe en groupes de 'niveaux figés'. En revanche, ces mêmes constats fourniront aux maîtres des renseignements précieux sur les lacunes des enfants, par exemple dans le domaine de la perception visuelle et auditive ou de la motricité, et leur permettront ainsi de donner à chacun une aide spécifique. D'ailleurs, avant même toute approche de la langue écrite - et parallèlement à cette approche - tous les enfants devraient être entraînés à des activités de perception et de graphisme qui, outre leurs fins propres, préparent directement aux apprentissages premiers de la lecture-écriture. Nous en citerons ici quelques exemples, distinguant pour la commodité de l'exposé trois types d'activités d'entraînement à la perception et à la graphie, encore que, dans la réalité, elles se trouvent dans une interdépendance très étroite. Il s'agit d'aider l'enfant à enrichir et structurer ses expériences, antérieures à la découverte de la langue écrite, sur le triple plan des capacités psycho-motrices, de la fonction symbolique, du niveau d'élaboration de la langue parlée. L'entraînement psycho-moteur. Citons à titre d'exemple : - exercices de structuration dans l'espace : schéma corporel, orientation de l'enfant dans l'espace qui l'entoure, jeux de position (haut/bas - devant/derrière) etc., - exercices de structuration du temps : perception et reproduction de rythmes etc., - exercices d'affinement de la motricité oculaire, graphique, auditive et phonatoire, - exercices favorisant le passage progressif du dessin à la graphie des mots, en relation avec les significations etc. L'exercice de la fonction symbolique. Citons à titre d'exemple, l'entraînement à la recherche active, à partir d'indices prélevés par les enfants, des significations possibles d'un 'champ perceptif' limité : document visuel ou sonore, message publicitaire, mime, schéma, dessin d'enfant etc. L'exercice de la langue parlée. Citons à titre d'exemple, des exercices possibles de discrimination et d'identification auditive, à partir d'une pratique intensive de la langue : exercices de mise en place du système des oppositions distinctives entre consonnes et entre voyelles, de manière à prévenir ou corriger des prononciations défectueuses, sources de confusion en lecture comme en orthographe, par exemple pain / bain ; temps / dent ; car / gare ; folle / vole ; chou / joue ; chou / sou ; trop / croc. il rit / rue ; aimé / i1 aimait ; blanc / blond ; vin / vent. L'ensemble des activités du C.P. et du C.E., y compris les activités de jeu spontanées, contribue évidemment à améliorer les performances des enfants sur ce triple plan, parallèlement aux exercices systématiques qui peuvent s'y greffer. (XXXX) SAVOIR LIRE / SAVOIR ECRIRE : Peut-être n'est-il pas inutile de rappeler cette vérité d'évidence que c'est en lisant qu'on apprend à lire, en écrivant qu'on apprend à écrire. Mais l'entraînement pur et simple, pour nécessaire qu'il soit, ne saurait être suffisant. Nous nous contenterons, pour mémoire, d'appeler l'attention des maîtres sur quelques aspects spécifiques particulièrement décisifs de l'apprentissage de la perception et de la transcription des signes écrits. Les exercices correspondants ne sauraient être introduits 'à vide' mais devront se greffer sur les activités des enfants, qu'ils soient suscités par leurs observations sur un texte à lire ou par leurs essais d'expression personnelle écrite. Ces exercices sont classés ci-dessous en quatre rubriques. Les enseignants se rendront compte que, pour les maîtriser, une formation ou un recyclage en linguistique et en psychologie est souhaitable et même nécessaire. Entraînement psycho-moteur. Citons à titre d'exemple : - exercices de discrimination et d'identification de formes entrant dans des systèmes d'opposition distinctives ; exemples : d b ar/ra etc. q p - exercices de discrimination et d'identification des rapports entre signes écrits et sons. Rappelons qu'on ne saurait passer directement des uns aux autres ne serait-ce qu'en raison de la distorsion entre le système d'organisation des lettres et celui des sons. Il n'y a pas correspondance terme à terme entre unités phoniques et unités graphiques : - à une graphie correspondent plusieurs phonies (ex. de la graphie - ille - aux prononciations de ville et de fille), - à une phonie correspondent plusieurs graphies (ex . du son o à toutes les graphies possibles), - exercices d'apprentissage des signes graphiques : sans entrer ici dans le détail de la question, nous nous limiterons à quelques principes essentiels visant à permettre aux enfants d'utiliser des signes graphiques clairs, nets, parfaitement lisibles : + l'utilisation de formes graphiques simples qui font apparaître sans fioritures inutiles, les traits distinctifs de chaque lettre, + l'observation précise de la graphie par le geste, le commentaire verbal, l'acte moteur lui-même (en particulier le sens des lignes qui entrent dans la graphie des lettres), + une liaison intime avec la lecture d'une part, et l'entraînement à l'expression écrite en général d'autre part. Peut-être serait-il souhaitable que les enfants sachent utiliser à la fin du C.E. les deux types d'écriture (cursive et script). N.B. On a intérêt, pour éviter autant que possible l'écueil permanent d'une simple transcription phonétique à l'écrit de la langue parlée, à faire constituer dès le C.P., puis continuer, des fichiers individuels, amorce de dictionnaire personnel auquel les enfants puissent se reporter dès qu'ils hésitent ; on pourra y trouver par exemple des tableaux de classement à double entrée du type suivant :
Entraînement à l'exploration d'un texte écrit, à la recherche active des significations sous les signes. Exemple : recherche active des interprétations possibles d'un texte en fonction d'indices progressivement plus nombreux. Découverte des structures de la langue écrite. A partir du C.E. surtout, les enfants parviennent à une reconnaissance intuitive des structures simples d'une 'histoire', d'une phrase. (cf. le chapitre consacré à la grammaire). Mais il est certain que les enfants notent très vite l'existence d'un système de 'marques' du féminin et du pluriel, ou de la conjugaison dans la langue orale, puis dans la langue écrite. Ainsi, l'observation de la terminaison '-nt' verbe dans les textes lus, amène l'enfant, par référence à la langue parlée, à découvrir et à classer cette terminaison par opposition à '-ent' faisant partie d'un autre mot, parce qu'elle peut s'accompagner d'un terme tel que : 'ils' ou 'elles'. Le rôle du C.E.1. est ici essentiel pour aider les enfants, à partir de leurs remarques partielles, à parvenir aux premières structurations nécessaires. * On ne saurait, dans un texte de cette nature, entrer plus avant dans le détail. L'essentiel paraît être que le maître s'attache à favoriser une relation dynamique entre les trois pôles de l'apprentissage : - recherche active de la signification d'un texte écrit ; - découverte de la combinatoire (analyse) ; - utilisation fonctionnelle de cette combinatoire (synthèse) recherche de la signification ô ô analyse <----------------> synthèse L'essentiel est de conjuguer la fixation des mécanismes de lecture et d'écriture, orthographe comprise, par imprégnation spontanée et par imprégnation systématique. Le rôle du maître est ici de s'attacher à toujours enraciner l'apprentissage de la lecture et de l'écriture dans la pratique de la langue orale, l'observation de la langue écrite, et d'aider l'enfant, sans rien lui imposer, à partir de ses propres découvertes, à établir des rapprochements, des tris et des classements, et enfin de vérifier l'acquis. L'enfant peut ainsi appréhender par la découverte personnelle, puis par l'effort de structuration, ce qui lui est encore trop souvent imposé, cause certaine de blocages et d'inhibition, en particulier en orthographe . L'enfant participera d'autant mieux à la découverte des deux combinatoires (oral-écrit) que la maître les dominera mieux. Celui-ci doit pouvoir s'appuyer sur des descriptions scientifiques du système des oppositions distinctives entre sons d'une part, signes écrits d'autre part. C'est là une condition nécessaire pour qu'il apprenne à écouter ce que disent réellement les enfants, et qu'il évite de compenser inconsciemment les lacunes et les confusions de leur langue orale. En outre, ces descriptions devraient l'amener à réévaluer certaines notions : si la réalité sensible de la syllabe se perçoit aisément dans la langue orale, il n'en va pas de même pour la langue écrite. C'est par une analyse intuitive, en constante référence à la langue parlée, qu'on peut parvenir à un découpage syllabique correct de mots écrits, et sans jamais isoler le mot du contexte. Les manuels de lecture auront à apporter aux maîtres une aide dans ce domaine. Lecture silencieuse et la lecture à haute voix. Dès le début des apprentissages premiers, il convient de ne pas perdre de vue que la lecture de l'adulte cultivé est, par définition, silencieuse. La lecture à haute voix ne peut se justifier qu'en fonction de situations éducatives particulières : * Contrôle de l'exactitude du 'décodage' ou de 'l'encodage'. * Information communiquée au groupe, en liaison avec d'autres documents, visuels ou sonores, que l'enfant peut apprendre, très tôt, à utiliser de manière constructive. * Approche physique de la réalité orale d'un texte. en particulier de ses rythmes, de sa respiration. Notons ici que les 'groupes de souffle' ne se trouvent pas nécessairement correspondre aux groupes syntaxiques. * Re-création destinée à faire partager au groupe une joie d'ordre émotionnel ou esthétique. On ne saurait trop insister sur l'importance d'une 'gymnastique' de la lecture silencieuse, qui ne débouche pas nécessairement sur la lecture à haute voix, où l'on viserait la rapidité de la compréhension, la richesse de l'information. Très vite, au C.P. la lecture silencieuse devrait précéder et rendre possible la lecture à haute voix, celle-ci ne devenant 'courante' que si le texte est perçu par l'œil et la pensée, ce qui exclut d'emblée toute lecture ânonnante, mécanique. Les maîtres sont invités à choisir en ce sens des textes adaptés au niveau des enfants, mais particulièrement propres à stimuler leur développement intellectuel et affectif, à éveiller en eux le sens de l'humain, le sens de la langue utilisée comme outil de communication, d'expression, outil de raisonnement, ou matériau d'une œuvre d'art. * Ces principes devraient inspirer résolument l'apprentissage de la lecture et de l'écriture, orthographe comprise, tout au long de la scolarité élémentaire. Dans cette perspective, il ne saurait être question, sans perturbation grave pour les élèves les moins avancés de fixer une date impérative pour la fin des apprentissages premiers de la lecture-écriture. Pour de nombreux élèves, une maîtrise suffisante n'est acquise qu'au C.E.1. - c'est un fait dont il faut tenir compte dans la progression. D'ailleurs, a-t-on jamais fini d'apprendre à lire ou à écrire ? b) Entraînement à la lecture. Une enquête récente a montré qu'environ 50 % des Français, après avoir quitté l'école, ne lisent plus ou lisent peu. Encore que l'école ne puisse pas, à elle seule, prévenir cette carence, elle peut certainement contribuer à faire naître, à maintenir, à développer le goût du la lecture, à faire de la lecture un besoin de culture vital. Pourquoi lire en classe ? On ne peut considérer que l'enfant, à l'issue du C.E.1., en ait terminé avec cet apprentissage, même s'il domine parfaitement bien les mécanismes du déchiffrage intelligent d'un texte à sa portée. Comme le précisaient les instructions antérieures, la pleine maîtrise de la lecture requiert une activité de synthèse qui permet d'embrasser, d'un coup d'œil, le contenu global d'un texte, d'en pénétrer les articulations, le rythme, d'extraire l'essentiel d'une information ou d'un ensemble d'informations, afin de les utiliser de manière constructive. Elle implique, d'autre part, que l'enfant sente justement la tonalité intellectuelle, émotionnelle ou esthétique d'une page, d'un livre ; en particulier l'humour, l'ironie ou la métaphore poétique appellent un apprentissage de la lecture 'entre les lignes'. En outre, pour que la lecture conserve une fonction d'éducation orthographique, trois conditions doivent être respectées : * la lecture doit être fréquente. Le français, bien que langue alphabétique, est une langue à orthographe irrégulière ; il est permis de penser, dès lors, que la fréquence des rencontres avec le même mot est un facteur important d'acquisition et de consolidation. * Dans les cours postérieurs au C.E.1, les habitudes d'observation acquises précédemment ne doivent pas être perdues, bien que la vitesse de lecture ait augmenté. On favorisera cette observation, en chaque occasion, lorsque des comparaisons fructueuses pourront être faites avec d'autres textes ou en référence à des fautes constatées. * La 1ecture doit toujours prouver que la structure de la phrase a été comprise. Des fautes aussi grossières que 'les feuilles détacher de l'arbre jonchaient le sol' qui dénotent une inintelligence profonde de son organisation interne, seront évitées dans la mesure où la lecture découpera fonctionnellement les séquences, et épousera le rythme - sans qu'il y ait pour autant coïncidence entre groupes de souffle et groupes syntaxiques. Mais il est évident que cet apprentissage serait vain si les maîtres ne s'attachaient à faire naître le goût, le besoin de la lecture. L'école a le pouvoir d'agir par une imprégnation naturelle, semblable à celle dont bénéficient dans leur famille les enfants appartenant à des milieux favorisés. Dès l'École maternelle, la présence familière et vivante de livres dans la classe joue un rôle essentiel : l'enfant a envie de lire s'il voit l'adulte lire pour se distraire comme pour travailler, s'il a des livres à portée de sa main, s'il en découvre les utilisations possibles. Une circulaire antérieure 'demandait instamment aux Directeurs des grandes et petites écoles de considérer comme une de leurs tâches les plus importantes la constitution de bibliothèques de classe'. On ne peut mieux dire. Les maîtres chercheront à multiplier, dès le Cours Préparatoire, les occasions de lire en classe, comme à la maison, à éveiller la curiosité des enfants pour des livres de valeur vers lesquels ils ne vont pas spontanément. Ils s'attacheront à développer leur esprit critique, leurs exigences sur le plan de l'illustration, de la langue, du contenu. L'école ne saurait ignorer la masse énorme de livres et d'illustrés mis à la disposition des enfants par les circuits commerciaux. Or tous les spécialistes des questions de presse et de littérature enfantines sont d'accord pour constater que la qualité de cette production est le plus souvent contestable, et que le médiocre ou le pire l'emportent largement sur le meilleur. Interdire la lecture des illustrés à l'école ne résout rien, au contraire. Il s'agit d'apprendre aux enfants à choisir, de leur apprendre à aller au meilleur, et il existe. En ce sens, le rôle de l'école ne se distingue guère de celui des bibliothèques enfantines, encore trop peu nombreuses. Partout où cela est possible, on ne saurait trop encourager les maîtres à prendre, avec leurs élèves, le chemin de la bibliothèque, à organiser avec les animateurs de cette bibliothèque des activités communes, établissant ainsi un lien vivant, organique, entre l'école et la culture dite 'post et péri-scolaire'. Il est donc nécessaire que les maîtres reçoivent, sur ces questions, une très solide information, dans le cadre de leur formation initiale et permanente. Que lire en classe ? On ne peut, dans ce domaine, moins encore que dans tout autre, énoncer de directives impératives. La liberté de choix des maîtres et des élèves entre des livres, des journaux, des revues, des collections très divers, est ici le point essentiel. Il convient donc d'utiliser toutes les sources possibles d'achat ou d'emprunt : bibliothèques de classe et d'école, bibliothèques municipales, bibliothèques centrales de prêt, Centres Régionaux de Documentation Pédagogique, Centre Laïque de Lecture Publique, etc. Les enfants et les maîtres doivent pouvoir disposer d'un choix, souvent renouvelé, d'ouvrages très variés, à la fois par le niveau de difficulté et par le genre. Dans une même classe, pour des enfants de même âge, on peut constater des niveaux de compréhension, de maturité, d'intérêts très divers, parfois même disparates. Interviennent ici l'influence du milieu, des événements fortuits, la vie de l'école, celle de la classe et des groupes qui s'y constituent, et de multiples facteurs individuels. Il est recommandé d'inclure à toute bibliothèque de classe des livres de niveau inférieur et supérieur par rapport au niveau moyen des enfants de cette classe. Les maîtres doivent choisir, avec le plus grand soin, le contenu de ces bibliothèques, sans oublier, comme le notait une circulaire antérieure, que 'les livres qui plaisent le plus aux enfants ne sont pas toujours du goût des adultes. Nous ne commettrons pas la sottise de les exclure de notre bibliothèque - à moins qu'ils ne nous semblent dangereux sous prétexte qu'ils ne nous plaisent plus. Les enfants y trouvent encore, pour leur imagination ou leur sensibilité, une substance qui n'est plus assimilable pour nous'. Encore que le goût des enfants ne soit pas le seu1 critère, il est indispensable qu'ils se plaisent à lire les livres que nous choisissons pour eux. Des enquêtes diverses sur les goûts des enfants ont permis d'établir qu'ils préfèrent les livres captivants, amusants, les livres tonifiants où l'amitié, la sympathie, la solidarité jouent un grand rôle, les livres riches en aventure, qui leur donnent des informations vraies ou vraisemblables. Il serait inconcevable de n'en pas tenir compte, comme de ne pas attacher un prix particulier à la valeur humaine, à l'authenticité dans la réalité comme dans l'imaginaire, à la qualité de la langue comme de l'illustration. Et les maîtres savent, d'expérience, que si la lecture doit être l'occasion de rencontrer des mots nouveaux, des tournures élaborées, l'abondance de mots inconnus et de tournures syntaxiques trop complexes rebutent l'enfant et le découragent de poursuivre une entreprise semée d'embûches. Les animateurs des services de prêt devraient pouvoir guider les maîtres dans leur choix et leur permettre de se tenir au courant des publications nouvelles. Tous les ouvrages qui répondent à ces critères généraux ont leur place à l'école pour être consultés, lus sur place ou à la maison. On y inclura : * La littérature, la presse enfantine. Certains auteurs pour enfants savent manier avec art une langue d'un niveau accessible et d'un qualité littéraire sûre. Assurant à la littérature, à la presse enfantine une place à part entière dans la production littéraire en général, ils peuvent, incontestablement, ouvrir nos élèves à la culture littéraire, à la culture générale. * Des adaptations d'œuvres littéraires. On exclura les 'réécritures' de grandes œuvres qui, loin d'amener l'enfant au texte complet, ne peuvent que l'en éloigner. En revanche, le 'montage' d'extraits d'œuvres célèbres peut permettre la première pénétration d'un texte inaccessible autrement, à condition que le choix des extraits respecte l'esprit du livre, la saveur particulière de la langue et qu'il ne se présente pas comme l'œuvre intégrale. * Des recueils de textes choisis Les 'manuels' peuvent constituer un autre chemin vers la lecture adulte, en particulier ceux qui, regroupant les textes par thèmes, permettent ainsi de fructueuses activités collectives ou individuelles. Ils constituent, pour les élèves, un outil de travail précieux. On gagnerait beaucoup à réserver aux maîtres seuls l'appareil pédagogique, ce qui leur laisserait la plus large initiative et la plus large liberté. * Des ouvrages documentaires divers. Un très large choix existe dans ce domaine. La collaboration des animateurs de bibliothèques enfantines avec les maîtres serait, sur ce point précis, bénéfique. Insertion de la lecture dans les activités de la classe. On ne lit guère pour lire entre 4 et 11 ans, mais pour répondre à un besoin d'information, de distraction, d'évasion ou de poésie. L'entraînement à la lecture ne saurait donc être à lui-même sa propre fin. Il s'intègre très naturellement à des activités très diverses. Citons à titre d'exemple : * la recherche, la présentation à l'équipe, à la classe, aux correspondants de documents ou de textes d'enfants dans le cadre des activités d'éveil ; * la lecture pour son propre plaisir ou celui des autres (cf. le chapitre sur la poésie} ; * le travail de diction sur un dialogue choisi ou décrit par les enfants en vue d'un spectacle de marionnettes ou d'un jeu dramatique ; * l'étude collective d'un livre qui a particulièrement intéressé les enfants ou le maître, sous forme d'entretiens, ou de 'montage' enregistré, etc. La présentation à la télévision d'une adaptation d'œuvre littéraire peut fournir l'occasion de faire apparaître la spécificité du livre par rapport à d'autres moyens d'expression. Bien des chemins mènent à la découverte, à l'approfondissement d'un livre : cinéma, télévision, actualité locale ou nationale, etc. Le magnétophone, les maîtres le savent, permet de disposer, dans toutes ces activités, d'un outil de travail précieux. Les enfants découvrent ainsi la possibilité de prendre une certaine distance par rapport à la manière dont ils lisent, et de s'améliorer. Ils prennent par là une juste mesure de leurs difficultés, de leurs réussites et de leurs progrès. Langue écrite et techniques modernes d'expression. Aujourd'hui, la langue écrite a cessé d'être le mode privilégié de transmission de la culture, et les moyens d'information et d'expression se multiplient ; la situation des activités de lecture ou d'expression écrite à l'école ne peut se définir sans qu'il en soit tenu compte. Il convient, certes, que ces techniques pénètrent largement à l'école. Elles ne sauraient pour autant se substituer ni à l'entraînement à la communication orale et écrite, ni aux exercices d'apprentissage de la langue orale et de la langue écrite. Elles peuvent et doivent, au contraire, offrir de nouvelles possibilités, pour motiver, enrichir ces activités d'expression orale et écrite et faire découvrir leur spécificité. Ainsi le cinéma, la télévision, le magnétophone, la photographie ou la diapositive, loin de faire apparaître la langue écrite comme un stade dépassé de la culture, permettent, par opposition, de faire découvrir aux enfants sa place dans notre civilisation. L'imagination créatrice des maîtres et des élèves dans bien des classes déjà se donne libre cours dans la recherche et la réalisation d'activités où différents modes d'expression interviennent ; citons, à titre d'exemple, le reportage écrit et photographique, l'histoire inventée et contée par les enfants au moyen de textes écrits, de diapositives faites à partir de leurs propres dessins et de phrases musicales enregistrées, la rubrique consacrée à la télévision dans le journal scolaire, etc. On ne peut qu'encourager les maîtres à poursuivre dans une voie incontestablement féconde. Cependant, il convient qu'ils ne perdent pas de vue, aux cours de ces activités, les principes pédagogiques et psycho-pédagogiques exposés par ailleurs, en particulier concernant le passage délicat de la langue parlée à la langue écrite. c) Entraînement à l'expression écrite. Il est souhaitable que les maîtres fassent appel aux activités les plus variées, sans en favoriser ou en refuser aucune, chacune d'elles mettant en jeu une fonction particulière du langage. Deux types d'activité sont à envisager : (X) L'élève met en œuvre les moyens qu'il possède. (XX) Le maître s'attache à faire préciser et enrichir les formes syntaxiques et lexicales. (X) L'ELEVE MET EN ŒUVRE LES MOYENS QU'IL POSSEDE On voudra bien considérer que l'ordre de présentation des activités n'implique aucune hiérarchie, et n'est en rien limitatif. Il s'agit, à partir de situations données, d'inciter les enfants à une utilisation fonctionnelle, créatrice, de la langue écrite. Les sujets sont proposés par les élèves ou par le maître, dans le cadre de travaux individuels liés à la vie de la classe ou de l'école. * Le 'texte d'observation', dans lequel un enfant, ou une équipe, rend compte objectivement d'une observation déterminée, ou d'une information reçue. L'essentiel devrait venir des activités d'éveil, de l'observation des milieux naturels et humains. Le travail d'équipe joue là un rôle capital, car il engendre naturellement la communication - au niveau de la relation orale - comme de la rédaction). Il permet une prise de conscience plus rapide et plus. sûre des réalités individuelles et sociales, comme l'apprentissage de l'objectivité. * Activités de création individuelles ou collectives. Par exemple : - Texte d'imagination à partir d'un thème inducteur proposé plutôt par le maître et incitant à la création originale. Ex. : un objet connu mais susceptible d'éveiller, de stimuler l'imagination, l'affectivité, etc. - Jeux dramatiques (scénarios et dialogue pour marionnettes, etc.) ; romans collectifs, poèmes individuels ou collectifs. - Texte libre : L'enfant est libre, non seulement du choix du sujet, mais aussi de la forme de son texte. Il l'écrit - s'il le désire, et n'est pas contraint de le présenter au maître ou à la classe. * Activités d'échanges. Type : correspondance, journal de classe ou d'école. Notons que les besoins de l'échange peuvent amener à utiliser des textes élaborés à d'autres fins. (XX) LE MAÎTRE S'ATTACHE À FAIRE PRÉCISER ET ENRICHIR LES FORMES SYNTAXIQUES ET LEXICALES. * Mise au point individuelle ou collective de textes d'élèves. - Auto-correction : Elle exige une aide discrète mais vigilante et active du maître, pendant l'exécution du travail. En particulier, il est souhaitable que le maître habitue l'élève à surveiller de très près l'orthographe de tout ce qu'il écrit. La correction orthographique est la marque d'un travail 'fini'. A cette occasion, un exercice particulier peut être proposé : guidé par le maître, l'élève fera les mises en relation et les rapprochements nécessaires, ou bien il se reportera à des textes vus antérieurement, ou bien il consultera son dictionnaire. Il est indispensable de prévoir, dès le C.E., une préparation à l'usage du dictionnaire, notamment en faisant ordonner des listes de mots selon l'ordre alphabétique, car le dictionnaire ne sera un auxiliaire efficace que si le maniement en est suffisamment dominé. L'orthographe reste bien sûr une contrainte, mais acceptée comme telle, donne alors matière à recherche . - Mise au point collective. A l'expérience, il apparaît que c'est surtout en se corrigeant, et par une organisation méthodique de la réflexion collective sur ses textes et sur ceux de ses camarades, que l'enfant parvient à maîtriser sa langue écrite et à perfectionner son style. Le maître peut donc, en partant d'un texte d'élève, et après une mise au point collective de l'orthographe, engager la classe à une critique constructive conjointe de la forme et du sens. Il peut, en dehors de ce travail de style, prendre dans ces textes des exemples significatifs pour construire, dans un autre temps, des exercices plus systématiques de syntaxe et de vocabulaire (cf. les activités correspondantes). * Mais, dans un cas comme dans l'autre, il se gardera d'un excès d'intervention qui aboutit à faire du texte achevé, non celui de l'élève, mais celui du maître. La mise au point devrait être ressentie par son auteur et par la classe comme aide, et non comme l'exploitation d'une situation d'infériorité, de 'faute'. Il importe avant tout de donner à l'enfant le souci et même le goût de la correction de la langue - orthographe comprise, mais en même temps de l'amener à réaliser l'adéquation entre ce qu'il ressent et ce qu'il exprime de manière à établir une communication réelle entre lui et ses éventuels lecteurs. Il convient donc de respecter le contenu et la ton des textes mis au point. * Exercices qui visent à l'acquisition, par imprégnation de formes syntaxiques complexes. Parallèlement à la mise au point de textes d'élèves, un travail systématique d'acquisition de réflexes linguistiques utiles et corrects sera entrepris. Car nous répétons que la liberté de l'expression de l'enfant s'accroît lorsqu'elle s'appuie sur des mécanismes bien en place qui évitent des tâtonnements superflus. A ce niveau (comme à celui des premiers entraînements grammaticaux), les techniques pédagogiques fondées sur l'imprégnation sont recommandées. Par imprégnation, nous entendons la mémorisation par répétition rythmée, et intelligente de structures, de tournures, qui devraient réapparaître spontanément dans l'expression naturelle et libre de l'enfant. Cette imprégnation peut, à l'École élémentaire, prendre des formes diverses - entre autres celle d'exercices de reconstitution de textes, celle d'exercices structuraux. - La reconstitution d’un texte. Le texte doit être assez court et ne doit présenter ni un état de langue vieilli, ni une complexité littéraire trop grande. Après une exploration préalable des rythmes, des structures, des 'mots-clés', sous la direction du maître, on s'efforcera d'atteindre une reproduction littérale. Par l'appréhension intuitive de différents niveaux sonores, que révèle la lecture, par la perception du rythme de la chaîne verbale, l'enfant accède à la reconnaissance sensible et in-tellectuelle des rapports entre les différents groupes de mots, les rythmes. 'L'imprégnation' joue à la fois au niveau du corps, de l'imagination, de la pensée. Cette reproduction d'un texte dans sa forme littérale par le jeu de l'intuition, de l'intelligence et de la mémoire associative, exige un effort personnel intense pour maîtriser des structures, pour s'incorporer une pensée étrangère qu'il faudra reproduire. Par cet effort de mémorisation, l'élève acquiert, d'une façon quasi inconsciente, non seulement les tournures de la langue écrite, mais encore l'esprit même de cette langue dans son expression la plus fine. Cet exercice 'global' fait donc converger des techniques de lecture et une approche intuitive de la grammaire ; il peut contribuer à consolider l'orthographe. - Les exercices structuraux. Inspirés des techniques d'apprentissage des langues étrangères, ils sont destinés, dans leur principe, à faire acquérir le fonctionnement oral d'une langue. Nous y reviendrons en examinant certaines formes de l'enseignement grammatical. Cependant les maîtres pourront, au Cours Moyen, essayer avec prudence des 'batteries' d'exercices 'structuraux' écrits. - Exercices systématiques d'orthographe. La dictée n'est pas un moyen d'acquisition de l'orthographe. Par l'accumulation des difficultés, elle place l'élève en situation d'échec puisque les moyens ne lui sont pas fournis pour résoudre les problèmes qu'il rencontre. En effet, les hasards du texte ne correspondent pas à une progression d'apprentissage ; d'autre part, l'élève doit transcrire une pensée et un style qui ne sont pas les siens et qu'il n'a pas eu le temps d'assimiler, comme ce serait le cas à la suite d'un exercice de reconstitution de texte. L'enfant se trouve donc dans une situation que l'adulte ne rencontre que rarement sur le plan professionnel. La dictée ne peut rendre de services que si elle a été conçue par le maître comme un test qui permettra d'évaluer les besoins de chacun, les progrès des acquisitions, les phénomènes de transfert et de maturation. Elle doit être élaborée, remaniée en fonction des hypothèses de travail. Elle doit préciser le niveau de développement atteint et non aboutir à la sanction de 'fautes', c'est-à-dire faire le bilan des réussites et non des seuls échecs. Le zéro ne devrait sanctionner que l'absence totale de graphie correcte, et le cas ne se présente pratiquement jamais. Elle ne peut être utilisée fréquemment (deux fois par trimestre au plus). * Mais quantité d'exercices sont possibles en dehors de la dictée. Sans jamais perdre de vue que l'orthographe n'est qu'un moyen au service de la communication écrite, les maîtres pourront construire des exercices systématiques, collectifs ou individuels, en fonction des erreurs les plus fréquentes. On peut envisager en ce sens des activités en liaison avec l'étude du vocabulaire (séries dérivationnelles), des exercices écrits apparentés aux exercices structuraux oraux (commutations de termes et transformation), un travail de justification orthographique d'un texte écrit, etc. On ne perdra pas de vue qu'il faut savoir se borner au vocabulaire 'actif' de la langue écrite de l'enfant pendant toute la scolarité élémentaire et qu'il y a un grand intérêt à faire maîtriser de bonne heure les mots outils, au nombre de soixante-dix environ, qui représentent 50 % des mots de toute page de français. Ces mots-outils sont le plus souvent des monosyllabes et beaucoup sont des homonymes redoutables. Ils comprennent une douzaine de verbes d'une importance capitale, à peu près tous du troisième groupe. Ainsi les enfants ont besoin de maîtriser dès le début : il fait/en faisant/nous faisons, etc... ; de même : aller. On s'inspirera également des échelles de fréquence existantes, fondées sur des données statistiques solides. Ces exercices systématiques devront viser à faire acquérir et mettre en œuvre des structures là où il n'existerait sans eux qu'une orthographe 'pointilliste', dans tous les cas où il est possible de faire apparaître des systèmes de relation cohérents. Les recherches en cours auront à montrer dans quelle mesure les principes de la phonologie peuvent contribuer à fonder scientifiquement un apprentissage efficace de l'orthographe. Suite >>>>>>
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