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ECOLE PRIMAIRE INSTRUCTIONS OFFICIELLES DE 1923 Télécharger ce texte : ref1923.rtf
LECTURE A l'école primaire, l'enseignement de la lecture sert à deux fins. Il met entre les mains de l'enfant l'un des deux outils - l'autre étant l'écriture - indispensables à toute éducation scolaire. Il lui donne le moyen de s'initier à la connaissance de la langue et de la littérature françaises. C'est d'abord la première de ces deux fins qui est visée. L'enfant ne peut rien apprendre s'il ne sait pas lire ; il n'apprendra rien volontiers s'il ne sait pas lire aisément. Il faut donc lui donner le plus vite possible l'habitude de lire sans effort, et l'on ne peut pas lui donner cette habitude sans multiplier les exercices. Voilà pourquoi nous exigeons qu'au cours préparatoire l'enfant consacre à la lecture le tiers de son temps, dix heures par semaine, deux heures par jour, soit quatre séances d'une demi-heure, deux le matin et deux l'après-midi. Nous ne préconisons aucune méthode - la meilleure sera celle qui donnera les résultats les plus rapides et les plus solides. Entre la méthode d'épellation et la méthode syllabique ou la méthode globale, nous ne faisons aucun choix ; des expériences se poursuivent qui décideront. Toutefois, les procédés qui nous paraissent devoir l'emporter sont ceux qui amènent l'enfant à s'intéresser à cette tâche ingrate qui consiste à associer des sons et des formes sans rapport apparent. Par suite, ceux qui font appel à son besoin de mouvement ont les plus grandes chances d'être féconds. Et telle est probablement la raison du succès de la méthode phonomimique, malgré sa bizarrerie. L'essentiel est que l'enfant prenne plaisir à cet apprentissage difficile. S'il y prend plaisir, en y consacrant le temps fixé par le programme nouveau, au bout de trois mois il saura lire et au bout de l'année il saura lire couramment. Au cours élémentaire, la tâche principale est encore d'entraîner l'enfant à lire sans effort. Aussi le nombre des exercices de lecture est-il encore considérable. Ils occupent sept heures dans l'emploi du temps des garçons, et s'ils n'en occupent que six et demie dans celui des filles, c'est qu'il fallait réserver pour les travaux manuels des filles, c'est-à-dire pour la couture, une demi-heure de plus que pour ceux des garçons. Au surplus, le conseil supérieur a entendu des témoins autorisés déclarer que les petites filles arrivent à lire avec aisance plus vite que les petits garçons, et que, par suite, la réduction opérée sur leur horaire de la lecture ne présenterait pas pour elles de trop graves inconvénients. Pendant cette période, le caractère essentiel de la lecture est d'être " courante " et l'on se gardera d'en arrêter trop souvent le cours par des questions ou des explications. L'enfant est encore trop préoccupé des difficultés qui viennent de la complication des combinaisons de lettres pour trouver plaisir à élucider le sens des mots. Les questions qui interrompent son effort de déchiffrage ne sont pas de nature à lui donner le goût de la lecture. Et c'est ce goût qu'il faut avant tout lui inculquer. Seuls les termes les plus difficiles seront expliqués. Encore faut-il souhaiter qu'ils soient rares. Grâce à l'entraînement intensif auquel ils auront été soumis pendant trois années, nos élèves, dès le début du cours moyen, posséderont le mécanisme de la lecture. Dès lors, on peut réduire la place de cet enseignement dans l'emploi du temps : nous ne lui laissons plus que trois heures par semaine. C'est encore plus d'une demi-heure par jour de classe. Et si l'on réfléchit que l'enfant devra lire, en dehors des leçons de lecture, dans la plupart de celles qui sont consacrées aux autres disciplines, on ne jugera pas excessive cette réduction. Pendant ces trois heures, on continuera à pratiquer la lecture "courante", mais on multipliera les questions et les explications relatives au sens des mots, des phrases et des morceaux, L'enfant n'ayant plus à surmonter les obstacles qui tiennent aux bizarreries de l'orthographe, on peut et on doit appeler son attention sur les rapports de l'idée et de l'expression. C'est maintenant de ces rapports que viennent les difficultés qui l'arrêtent ; il serait dangereux d'attendre plus longtemps pour résoudre avec lui les petits problèmes d'exégèse qu'il est amené à se poser. Loin de gâter le plaisir qu'il prend à la lecture, les questions relatives au sens des détails et de l'ensemble sont maintenant de nature à l'accroître. Par suite, on peut exiger de lui qu'il prouve, par sa manière de lire, qu'il comprend ce qu'il lit. La lecture devient " expressive ". Ce mot n'apparaissait, dans l'ancien plan d'études, qu'au cours supérieur ; mais, en augmentant la place de la lecture au cours préparatoire et au cours élémentaire, nous espérons à cet égard gagner deux ans. C'est dès le début du cours moyen, à neuf ans, que l'écolier doit lire avec expression. Dès ce moment, la leçon de lecture est une leçon de langue française. Au cours supérieur, elle va devenir une modeste leçon de littérature. Les explications données à l'enfant ne porteront plus seulement sur le sens, elles devront " tendre à faire sentir la beauté des morceaux ". Très simplement, l'instituteur éveillera le sens littéraire, fera discerner les différences qui existent entre les expressions choisies par de grands écrivains et celles qui viendraient à l'esprit d'auteurs sans style. Très simplement, il suscitera l'émotion esthétique, sans théories abstraites, sans expressions tirées du vieux jargon de la rhétorique, par un simple appel au goût virtuel d'enfants dont les impressions sont naïves et dont le jugement n'a pas été déformé. Il ne saurait être question d'instituer à l'école primaire un exercice qui, sous le nom de lecture expliquée, risque ailleurs de revêtir un caractère artificiel et mécanique. Il ne s'agit pas, à propos de chaque morceau, de faire une leçon d'histoire littéraire sur l'ouvrage et sur l'auteur. Il ne s'agit pas davantage, sous prétexte de chercher le plan, de faire subir au texte une dissection pénible. Il ne s'agit pas non plus de fournir sur chaque mot une explication complète : littérale, grammaticale, historique et littéraire. L'instituteur commencera par lire lui-même à haute voix, en indiquant par les variations de l'intonation les nuances de la pensée et du sentiment, le morceau qu'il veut faire expliquer. Il en fera trouver rapidement les intentions principales. Par des questions alertes et des explications sobres, il fera comprendre le sens des détails et sentir la beauté des expressions. Alors seulement il fera lire le texte à haute voix par des élèves, afin de s'assurer qu'ils en comprennent la signification et en apprécient la valeur. Il va de soi que cette valeur doit être incontestable. Si l'on n'exige pas d'un syllabaire qu'il soit rédigé par un grand écrivain, on a le droit d'exiger que les recueils placés entre les mains d'enfants de douze ans - et même de dix ans - ne contiennent que des morceaux écrits par de grands prosateurs et de grands poètes.
ECRITURE Ce n'est pas sur le chapitre de l'écriture que l'on constatera, entre l'ancien plan d'études et le nouveau, les plus grandes différences. Il en est cependant qui demandent explication. Tout d'abord, on a prévu deux leçons d'écriture par jour au cours préparatoire. Comme la lecture, l'écriture est un outil scolaire dont l'enfant ne saurait se passer. Il ne peut faire aucun progrès tant qu'il n'a pas cet outil bien en main. Tant qu'il n'en possède pas parfaitement le mécanisme, il faut donc multiplier les exercices d'écriture. Au surplus, on pourra combiner les leçons de lecture et les leçons d'écriture ; les deux enseignements sont solidaires, et il y a souvent intérêt à les donner simultanément. Afin de graduer les exercices, on se contentera, au cours préparatoire, de faire connaître aux enfants les lettres minuscules. Il est inutile de charger leur mémoire de plusieurs jeux de lettres différentes, d'autant que la nécessité de faire connaître à la fois les lettres manuscrites et les lettres imprimées complique déjà l'enseignement. Que notre écolier sache écrire sans hésitation, d'une manière imperturbable, les mots simples qu'il aura appris à lire sans hésitation, d'une manière imperturbable ; que cette double acquisition soit si solide qu'elle soit définitive. Nous n'en demandons pas plus à un enfant de sept ans.
A partir de sept ans, notre écolier n'aura plus qu'une séance quotidienne d'écriture. L'ancien plan d'étude prévoyait une heure. Bien que nous ne soyons pas disposés à déprécier, aux yeux des maîtres et des élèves, l'importance de cet enseignement, nous estimons qu'une demi-heure suffit. Mais il est bien entendu que, en dehors de cette demi-heure, l'enfant aura de nombreuses occasions d'écrire (il fera de petites dictées, de courts exercices de langue française) et que, dans aucun de ces devoirs, on ne tolérera qu'il néglige son écriture. Au cours moyen, les trois types d'écriture sont pratiqués et trois séances d'une demi-heure sont consacrées à cet enseignement. Au cours supérieur, une séance hebdomadaire de trois quarts d'heure a paru suffire, bien qu'à la cursive s'ajoutent ici la ronde et la bâtarde. Ces deux écritures, qui demeurent nécessaires en mainte profession, n'exigent ni un trop long apprentissage, ni un effort hors de proportion avec leur utilité. Le nouveau plan d'études ne manifeste de préférence pour aucune méthode d'écriture. L'écriture droite et l'écriture penchée demeurent également autorisées. L'essentiel est que la méthode adoptée permette à l'enfant de se placer, pour écrire, dans les meilleures conditions hygiéniques. Qu'il se tienne bien droit devant son cahier, le torse vertical, les deux avant-bras également appuyés sur la table, les yeux à trente centimètres environ du papier. Trop souvent, ces conditions ne sont pas réalisées ; trop souvent, nos écoliers se courbent et se tordent devant leur page d'écriture, au grand dommage de leur colonne vertébrale, de leurs poumons et de leurs yeux. Mais, trop souvent, le mal vient, soit de la construction défectueuse des tables et des bancs, soit de la mauvaise disposition du cahier, soit d'une sorte de paresse physique qui laisse fléchir le corps. Du moins faut-il éviter qu'à ces causes, contre lesquelles on ne saurait trop énergiquement réagir, vienne s'ajouter l'emploi d'une mauvaise méthode.
LANGUE FRANCAISE Nul n'ignore les difficultés que rencontre l'instituteur dans l'enseignement de la langue française. Lorsque les enfants lui sont confiés, leur vocabulaire est pauvre et il appartient plus souvent à l'argot du quartier, au patois du village, au dialecte de la province, qu'à la langue de Racine ou de Voltaire. Le maître doit se proposer pour but d'amener ces enfants à exprimer leurs pensées et leurs sentiments, de vive voix ou par écrit, en un langage correct. Enrichir leur vocabulaire, habituer les élèves à choisir exactement et à prononcer distinctement le mot propre, puis les amener peu à peu à grouper logiquement leurs pensées et leurs expressions, voilà un programme qui, en dépit de sa modestie, n'est pas de réalisation facile. Nos instituteurs affronteront, pour le remplir, tous les obstacles car ils sentent bien que donner l'enseignement du français, ce n'est pas seulement travailler au maintien et à l'expansion d'une belle langue et d'une belle littérature, c'est fortifier l'unité nationale. Les moyens mis à la disposition de l'instituteur pour enseigner le français sont nombreux. Pourtant, ils n'ont pas encore révélé toute leur efficacité, et il n'est pas de domaine où l'on doive davantage s'efforcer de trouver des méthodes plus fécondes. C'est dans cette intention que nous avons réformé l'enseignement de la lecture et hâté le moment où notre élève sera en pleine possession de cet instrument nécessaire. Délivré plus tôt des difficultés matérielles de lecture, l'enfant pourra lire davantage et consacrer plus de temps à l'étude de la langue. Mais cette étude elle-même devra être faite par des procédés plus actifs.
Au contraire, l'enseignement grammatical a sa place à part dans le programme du cours élémentaire. Mais il doit être extrêmement simple. Il ne doit porter que sur les éléments essentiels de la proposition. Pas de syntaxe. Pas d'analyse. Pas de leçon sur les mots invariables. Dans l'étude du verbe, laisser de côté la forme passive et la forme pronominale ; se contenter de la forme active. Dans la forme active elle-même, laisser de côté les temps désuets ; s'abstenir de faire apprendre par coeur ces passés antérieurs, ces futurs antérieurs, ces plus-que-parfaits du subjonctif que l'enfant, selon toute vraisemblance, n'aura jamais l'occasion d'employer. La première année, ne parler que des verbes du premier groupe (infinitif en er). Jamais nous ne répéterons assez qu'il faut simplifier l'enseignement grammatical. De même qu'il doit être simple, l'enseignement grammatical doit être concret. Le maître doit partir des textes placés sous les yeux des enfants pour leur faire comprendre la fonction habituelle du nom, de l'article, de l'adjectif, du pronom et du verbe. Il ne s'agit pas de formuler des définitions abstraites, dont une connaissance plus approfondie de la langue ferait vite apparaître le caractère artificiel. Il s'agit d'amener les enfants, par la pratique du langage parlé ou écrit, à classer avec une suffisante précision les formes verbales sous les rubriques que les grammairiens ont imaginées pour mettre un peu d'ordre dans le chaos des réalités linguistiques. Puis, une fois que les élèves auront acquis ces connaissances, on les priera d'en faire l'application et d'accorder entre eux les articles, les adjectifs et les noms, les verbes et les sujets. Entre autres exercices, on leur donnera des dictées. Mais ces dictées seront des dictées préparées : on n'obligera pas les enfants à inventer ou à deviner l'orthographe des mots inconnus, on la leur fera connaître d'avance ; on ne laissera d'autre soin à leur intelligence que celui d'appliquer les règles qu'ils ne doivent pas ignorer. On évitera ainsi le reproche qui a été fait, non sans raison, à l'antique dictée, celui d'enraciner dans la mémoire motrice de l'écolier de mauvaises habitudes graphiques et de le condamner, la faute une fois commise par le fait d'une ignorance excusable, à la répéter à perpétuité. Au cours moyen, la méthode de l'enseignement grammatical ne change pas : on va toujours de l'exemple à la règle et de la règle à l'application. Mais la matière des leçons devient plus copieuse : toutes les espèces de mots sont étudiées, toutes les formes du verbe (sans qu'il soit nécessaire de parler, plus qu'au cours élémentaire, des temps désuets). On étudie non seulement la proposition mais la phrase, mais, si l'on peut dire, ses silences : les signes de ponctuation. Il ne s'agit toujours que d'une étude succinte, sans subtilités d'analyse, et c'est à dessein que le programme ne reproduit pas la traditionnelle distinction entre analyse logique et analyse grammaticale. Mais, si simple qu'elle soit, l'étude est maintenant assez complète. Aussi, à côté des dictées préparées peut-on recommander les dictées de contrôle qui permettent de voir si l'enfant a bien appris et bien retenu les principales règles de la grammaire. La méthode ne change pas plus au cours supérieur qu'au cours moyen : elle demeure concrète et inductive. Mais jusqu'à présent, on s'était contenté d'indiquer les règles. Voici maintenant les irrégularités. Sans doute, on s'en tiendra aux exceptions les plus usuelles ; on se gardera d'insister sur celles qui, encore usitées, tendent à disparaître. Loin d'être abrogé, l'arrêté du 26 février 1901 sur les " tolérances grammaticales " doit être rigoureusement appliqué. Mais il faut l'appliquer selon son esprit. Trop souvent il n'a servi qu'à compliquer l'enseignement, l'enfant étant obligé d'apprendre par cœur, non seulement la règle et l'exception, mais encore la tolérance. Il doit être bien entendu que, lorsqu'on tolère qu'une exception disparaisse, il ne doit rester dans l'enseignement que la règle. " Tous les adjectifs s'accordent avec le nom auquel ils se rapportent " : Si nous admettons qu'on ne fait pas de faute en appliquant cette règle, même aux adjectifs placés immédiatement avant le nom (exemple : feue la reine), il est inutile de faire apprendre aux enfants que, dans ce cas l'ancienne grammaire obligeait à laisser l'adjectif invariable. Même au cours supérieur, l'enseignement grammatical doit rester simple. Non seulement l'arrêté de 1910 sur la nomenclature doit être respecté, mais on ne fera grief à personne d'aller plus loin dans la voie de la simplification. Et si, dans le nouveau plan, la syntaxe passe du cours moyen au cours supérieur, ce n'est pas pour qu'elle soit enseignée avec plus de détails. Peu de notions, mais des notions précises, si bien assimilées que l'enfant les applique inconsciemment lorsqu'il parle ou lorsqu'il écrit, voilà tout ce que nous demandons à l'enseignement grammatical.
Au cours moyen, il apprendre à combiner des phrases. Moins exigeant à cet égard que l'ancien plan d'études, le nouveau conseille aux instituteurs de borner l'effort des enfants de dix ans à la construction d'un paragraphe. Après avoir imaginé quelques phrases sur un sujet déterminé, les grouper logiquement en un développement d'une douzaine ou d'une quinzaine de lignes, voilà tout ce qu'on demande à es enfants. C'est tout ce qui sera demandé à la première partie de l'examen du certificat d'études primaires, à celle qui sanctionnera les études faites au cours moyen. L'épreuve qui suivra la dictée comportera " trois questions relatives l'une à la connaissance de la langue et les deux autres à l'intelligence du texte dicté " : le candidat qui aura répondu à ces trois questions en quelques phrases simples et correctes est assuré de recueillir une bonne note. La véritable rédaction n'apparaîtra qu'au cours supérieur. A ce moment, l'enfant possède un assez grand nombre d'idées, tient à sa disposition un assez grand nombre d'expressions, et il a suffisamment développé ses facultés de jugement et de raisonnement pour pouvoir coordonner logiquement ses idées et ses phrases. Quels sujets lui seront proposés ? Peut-être s'est-on, au cours des vingt dernières armées, trop étroitement enfermé dans les sujets de pure description. Peut-être a-t-on cru trop volontiers que l'enfant est un être exclusivement sensoriel ou qu'il était nécessaire de faire avant tout l'éducation de ses sens. En réalité, il possède une vive sensibilité, une fraîche imagination, et l'on ne saurait, sans risquer d'atrophier ces précieuses facultés, l'emprisonner dans le monde de ses sensations immédiates. Dans ce monde même, ce qui l'intéresse le plus, c'est l'activité des êtres, le mouvement des objets ; aussi préfère-t-il la narration d'un drame à la description d'un spectacle inanimé. Même fictive, la lettre lui plaît parce qu'elle donne une apparence de vie au sujet qu'il traite. Aussi le Conseil supérieur a-t-il tenu à ne pas restreindre la liberté des maîtres dans le choix des sujets ; tel est le sens de l' " etc. " qui suit la liste des exercices de rédaction qui pourront être faits au cours supérieur. Cette liberté doit aller jusqu'à laisser, au moins de temps à autre, les enfants eux-mêmes choisir leurs sujets de rédaction. La méthode qui, depuis 1909 produit dans l'enseignement du dessin des résultats si appréciables doit être sans hésitation appliquée à l'enseignement du français. Le dessin libre doit avoir pour pendant la rédaction libre. De même que le dessin libre révèle chez maint enfant des qualités insoupçonnées : le sens de l'observation, du pittoresque, de l'humour, de même la rédaction libre mettra en valeur tantôt la spontanéité et la fraîcheur des sentiments, tantôt le goût littéraire, tantôt l'ingéniosité intellectuelle de nos élèves. Et surtout, elle leur inspirera le désir d'écrire, sans lequel tous nos efforts demeureraient vains. Que le sujet soit libre ou non, il conviendra d'éviter qu'une préparation collective trop directe et trop précise enchaîne, au moment où ils auront à le traiter, la liberté des écoliers. Quels qu'ils soient, les sujets doivent être à la portée de l'enfant ; il doit posséder, soit dans son expérience personnelle, soit dans son imagination, soit dans sa mémoire, soit dans des livres, les matériaux nécessaires pour bâtir son petit édifice. Il est donc inutile - et il est dangereux - de faire à sa place sa besogne, de lui tracer avec trop de minutie le chemin qu'il aura à parcourir. Toujours prêt à donner des conseils individuels, s'ils sont requis ou s'ils paraissent indispensables, le maître s'abstiendra de tracer d'avance un plan détaillé qui interdirait aux enfants de révéler toutes leurs aptitudes et même d'exprimer leurs véritables sentiments. Fournir aux enfants des idées et des expressions toutes faites, c'est refouler leurs pensées personnelles, dont nous avons le devoir de favoriser l'éclosion : c'est stériliser leur esprit, que nous avons le devoir de féconder. D'une manière générale, toute méthode est mauvaise si elle n'inspire pas à l'enfant le désir de traduire ses impressions et de chercher, pour cette traduction, l'expression adéquate. Toute méthode est bonne si elle lui inspire ce double désir. Elle est parfaite si ce désir croît, chez l'enfant, jusqu'à la passion ou l'enthousiasme. Or, nul n'éprouve le besoin de traduire ses impressions s'il ne les ressent vivement. Il importe donc que les impressions de l'enfant soient vives. L'intérêt qu'il prendra aux autres leçons rejaillira sur l'enseignement du français. Si l'on doit, en histoire, faire vivre sous ses yeux Charlemagne ou Bayard, il éprouvera le besoin de raconter à sa manière leur vie et d'exprimer ses sentiments à leur égard. Si, en promenade scolaire, il s'enthousiasme pour la beauté d'une fleur, il éprouvera le besoin soit de la dessiner, soit de la décrire. Si, en lisant des vers, il est amené à admirer la qualité des images et l'harmonie des sons, il ne pourra plus s'abstenir d'imiter le poète et il cherchera, tout au moins, à éviter les banalités et les cacophonies. A la condition qu'il soit vivant, qu'il intensifie les impressions de l'enfant en le faisant activement participer à la recherche de la vérité, tout enseignement collabore à l'enseignement du français. Nous obtiendrons en cette matière de meilleurs résultats quand non seulement nos leçons de français, mais toutes nos leçons, feront plus que par le passé appel à l'activité et confiance en la liberté de l'écolier.
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