Grammaire au collège : témoignage
Télécharger le texte : nrp_grammaire.rtf
COURRIER DES LECTEURS, NRP, N°6, FÉVRIER 2001
Nous publions ce mois-ci deux lettres de lecteurs.
La première, dont nous reproduisons seulement un extrait, parce qu'elle est fort longue, est consacrée à l'enseignement de la grammaire. Et si vous aussi, vous souhaitez apporter votre point de vue sur ce sujet controversé, nous vous ouvrirons bien volontiers nos colonnes.
Témoignage
J'enseigne le français dans un collège situé en ZEP, et je profite des vacances scolaires pour vous donner mon point de vue sur votre numéro d'octobre: " Enseigner la grammaire au collège ".
[ ... 1 Les séquences, et surtout le décloisonnement, permettent-ils de bien enseigner ? Les résultats des élèves sont-ils meilleurs ? A-t-on enfin terrassé " l'échec scolaire " ? On peut se le demander, en observant la baisse des exigences au Brevet des collèges, et la façon dont on " repêche " à ce Brevet, les naufragés de la grammaire.
[ ... ] Quant au décloisonnement, je passe sur les problèmes pratiques qu'il soulève (organisation du classeur, obligation pour les élèves d'avoir tous leurs manuels à chaque cours) problèmes auxquels personne ne fournit jamais de réponse - pour en venir à l'essentiel. D'abord, ce décloisonnement offre une occasion inespérée aux enseignants qui depuis longtemps n'enseignent plus la grammaire de le faire légitimement: il suffit de " pointer ", au hasard des textes, un imparfait du subjonctif, une relative... et le tour est joué ! D'autre part, comment faire, en dix minutes, pour faire comprendre aux élèves une notion souvent complexe ? C'est évidemment impossible. Que se passe-t-il alors ? Ceci : ou bien les séquences s'étirent à l'infini, dilatées par la grammaire, qu'en conscience, il faut bien enseigner, ou bien, on sacrifie la grammaire pour " tenir " les délais.
Les élèves, pour leur part, s'efforcent de recueillir quelques notions éparses, qu'ils lient plus à tel ou tel texte qu’au système de langue (ainsi une expansion du nom devient une description, etc.). Mais comme aucune structure, aucun système ne vient les aider à fédérer ces notions, comme par ailleurs plus rien n'est appris par cœur, cela ne fait pas sens pour eux, et ils l'oublient aussitôt. Et pour les enseignants, tout est toujours à recommencer.
En veut-on un exemple ? En voici un. Un " devoir commun " a été organisé dans mon collège, ces jours-ci, pour les élèves de 4". Ce devoir se présentait ainsi: un court texte, et des questions. Une sorte de mini-brevet, en somme.
Voici des extraits de quelques copies :
ses : ce sont les siennes
quatorze : désigne un chiffre
seulement : désigne un être tout seul
la (art.) : désigne la chose
la (pronom) : désigne un parcours
celle-ci : désigne cette chose.
(J'ai corrigé l'orthographe)
Pour un autre élève, tous ces mots sont des compléments circonstanciels (seule notion grammaticale, sans doute, qu'il a retenue), pour un autre " quatorze " est un verbe. Beaucoup ne répondent pas. Cependant, ces extraits montrent assez que les élèves ont pris ce travail au sérieux, et font de leur mieux pour fournir une réponse. Ceux qui ne répondent pas ne savent simplement pas quoi répondre...
Ces élèves sont en 4e, passeront le Brevet dans un an et demi, et n'auront plus ensuite de cours de grammaire. Comme le dit à juste titre Michel Tamine, il vaut mieux commencer par la grammaire de phrase. Mais croyez-vous que dans ce cas ces élèves aborderont jamais la grammaire de discours et de texte ?
La vérité est que sans doute ces élèves ont étudié, en 6e et en 5e, la grammaire de texte. Ou n'ont pas fait du tout de grammaire. Et pourquoi en auraient-ils fait, puisqu'on m’a présenté l'an dernier en stage une série de séquences pour le premier trimestre de 6e où à aucun moment grammaire, conjugaison, orthographe n'étaient. abordées ?
J-P LG Bagnolet (93)
Rédaction de la NRP
COURRIER DES LECTEURS
9 rue Méchain
75676 Paris Cedex 14
04/2001.
|