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Manifeste pour la tenue d'assises sur l'enseignement des lettres
de l'école à l'université.

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      L’enseignement des lettres connaît un déclin continu depuis les années soixante : ce serait un euphémisme aujourd’hui que de parler de crise. Victime d’abord de l’hégémonie des disciplines scientifiques, et parallèlement d’une poussée interne du scientisme, il a fini par se perdre dans une succession interminable et inachevée de querelles doctrinales, elles-mêmes entretenues par des clans, les enjeux individuels et carriéristes entraînant maintes surenchères aux effets liquidateurs. C’est aujourd’hui son existence qui est menacée, selon une logique inédite du sabordage.

      Cette logique consiste, de façon générale, en la collusion entre l’idéologie de la déscolarisation, remontée du fond des années soixante jusqu’aux bureaux du Ministère de l’Education Nationale, et le pouvoir politique au service de la rationalité économique. Appliquée aux lettres, elle sape sournoisement l’un des principes fondateurs de la République et de la démocratie, celui de l’égalité face au droit à la formation personnelle des citoyens, elle affaiblit la langue française alors que l’anglais envahit les entreprises, elle risque de réduire les fonctions du langage à une communication étriquée (l’utilité sociale de la parole et de l’écriture).

      Il en résulte que le professeur de lettres n’est plus en mesure d’assumer pleinement sa responsabilité : de groupes en groupes, d’objectifs en objectifs, de méthodes en méthodes, certains de ses membres s’étant investis d’une représentativité usurpée, la profession, divisée mais tout entière " embarquée ", se voit accoucher malgré elle d’une ultime programmation. Peut-on invoquer sérieusement l’on ne sait quelle fatalité comme de bons esprits le donnent à entendre ? De la lecture des récents programmes de lettres (français et langues anciennes), deux principes objectifs se dégagent : la résignation (en l’absence de remèdes dès l’enseignement primaire, il faut assumer la nécessaire continuité du renoncement pour le collège puis le lycée) et la soumission (l’objectif politique du baccalauréat pour 80% d’une classe d’âge –objectif sur lequel il ne nous appartient pas de discuter ici - étant fixé, la fin détermine les moyens).

      Voilà pourquoi, malgré leur apparente ambition, les programmes de lettres aujourd’hui rampent ; la démission n’étant pas permise à quiconque prétend instruire, face à une situation désormais catastrophique, mais nullement fatale, nous n’avons pas le choix : nous affirmerons notre volonté de réhabiliter l’enseignement des lettres en commençant par définir une ambition pour celui-ci ; nous ferons ensuite l’inventaire des problèmes dans leur ordre chronologique, sans oublier la question capitale de la formation des maîtres.

* * *

      L’ambition du professeur de lettres, ce maître situé entre les œuvres de l’esprit, patrimoine d’une humanité en devenir, et des élèves ordinairement ses cadets aux prises avec l’expérience du présent et l’anticipation de l’avenir, découle de sa mission qui est de servir la société : elle se résume en la formation de la personne, laquelle inclut, bien sûr, la formation du citoyen. Elle requiert au premier chef l’apprentissage et la maîtrise totale de la langue française et simultanément la confrontation avec la littérature comme ensemble de pensées et de formes grâce auxquelles chacun apprenne à se connaître et à s’exprimer. Ainsi la formation d’un goût est inséparable de l’expérience de la lecture d’un texte littéraire. À son tour cette appropriation du texte littéraire soutient un apprentissage de l’analyse critique et de la réflexion : l’élève, en rencontrant la sensibilité et la pensée d’autrui, construit les siennes propres puis se prépare progressivement à l’argumentation contradictoire, et au-delà à la délibération dialectique, puisqu’aussi bien le rôle du professeur de lettres ne saurait se réduire à celui d’un sophiste. Cependant, l’élève a besoin de les fonder sur des savoirs qui lui permettent de relativiser ses jugements : dans le domaine des lettres, pas plus qu’ailleurs, on ne peut faire fi de la dimension historique. Celle-ci, qu’il s’agisse de textes classiques ou modernes, doit être complète, cohérente, unifiante. Et parce que les enseignements littéraires obligent à rompre avec l’immédiat – puisque toute démarche réflexive implique un mouvement de l’esprit vers le passé – ils ont pour fonction essentielle d’éduquer à la fois le sens de l’effort et la curiosité, c’est-à-dire, d’une façon ou d’une autre, de faire passer d’un vécu brut à une culture qui permet de le dominer, de lui donner du sens, clef de l’apprentissage de la liberté pour les hommes. C’est à quoi tend l’éducation de l’esprit autonome et critique : comment être libre, si, sans se connaître soi-même, sans expérience, on est sommé de répertorier, comme le veulent les nouveaux programmes, sommé de classer, d’imiter, pour y gagner tout au plus un semblant d’utilité sociale ? Face aux évolutions de notre civilisation, le professeur de lettres, placé aux avant-postes du système éducatif, a plus que jamais pour devoir de se montrer ambitieux et volontaire, avec les exigences et les moyens que cette ambition et cette volonté impliquent. Il répondra d’autant mieux à l’attente des parents, bien plus nombreux qu’on ne le croit, qui pour leurs enfants n’acceptent ni la résignation ni la soumission actuelles de l’institution républicaine.

***

      En amont, l’enseignement du français à l’école élémentaire doit d’abord pleinement recouvrer sa finalité  : apprendre à lire, écrire et parler, trois fonctions indissociables.

      Or, malgré les besoins accrus de notre époque, le français recule à l’école. D’un établissement à l’autre, le temps qui lui est dévolu varie du simple au double (d’environ 7 h 30 à environ 15 h 30 par semaine, selon un rapport officiel publié en 1998) et en trente ans, la moyenne hebdomadaire est passée de 11 h à 8 h 30, tous établissements confondus ; cette moyenne, en outre, baisse dans les établissements où l’on enseigne une langue vivante étrangère.

      Par ailleurs, le discours officiel consistant à ne pas préconiser telle ou telle méthode de lecture alors que des bilans clairs ont déjà été tirés, ne doit pas servir à masquer certaines préférences accordées aux théories les plus discutables, à tout le moins, issues des sciences de l’éducation. Pourquoi ne pas dire clairement que les méthodes globales ou semi-globales sont nuisibles ? Ajoutons que l’apprentissage de la lecture séparé de celui de l’écriture pervertit le rapport au texte écrit ; il est une certaine continuité de la perception au geste, et réciproquement, que l’enseignement se doit de prendre en compte : écrire fait découvrir la lecture sans l’imposer.

      Plus grave encore, l’apprentissage du français pâtit de lacunes et d’abandons préoccupants. Il faut réintroduire dans l’enseignement primaire une hiérarchisation des niveaux de langue (on ne parle pas à n’importe qui, dans n’importe quelle circonstance, n’importe comment) et privilégier dès le plus jeune âge la lecture des textes littéraires accessibles.

      N’oublions pas une autre priorité : la mise en place méthodique d’une chronologie sans laquelle l’histoire littéraire et l’histoire tout court n’auront aucun sens. Veillons à ce que les automatismes de base (lire, écrire, calculer) soient acquis, sinon ils ne le seront jamais. Cela suppose que l’institution dépiste à temps les difficultés rencontrées, et se donne les moyens d’y remédier avant le passage dans le second degré.

      Il revient enfin à l’enseignement élémentaire de créer des habitudes et de développer certaines facultés, en somme, d’éduquer. La répétition d’exercices, le travail systématique de mémorisation préparent l’élève à étudier au collège, puis au lycée. Par-dessus tout, bravant en cela le culte voué par la société à l’enfant-roi, l’école doit éduquer à l’effort individuel, y compris à domicile. Coordonnons plus résolument l’apprentissage scolaire et l’aménagement d’un temps de travail en dehors de la classe, et apportons l’aide nécessaire aux enfants lorsque l’absence de milieu familial ou la privation d’espace favorable à l’étude les empêche de conquérir un début d’autonomie sans lequel la suite des études est compromise.

      Commencée à l’école, cette conquête se poursuit au collège, puis au lycée, tant il est vrai que de nos jours, l’enseignement secondaire, bien plus que naguère, prolonge l’œuvre du primaire (il faut davantage de temps pour apprendre à résister aux sommations les plus modernes de la vie économique et sociale) et rompt avec cette même œuvre du primaire (l’on y évalue des acquis cumulés dans la perspective d’un examen terminal).

* * *

      C’est donc déjà préparé à la connaissance que l’élève devrait entrer au collège : ici les savoirs se constituent en disciplines autonomes. Avant d’en venir à l’enseignement du français dans les deux cycles, rappelons d’abord le rôle primordial des langues anciennes pour la formation des esprits.

      Les langues anciennes, d’abord condamnées pour avoir servi d’instrument de sélection, se sont vu reléguer depuis des lustres dans la marge de l’enseignement secondaire, comme un luxe à démocratiser si possible, comme un caviar accessible aux plus riches des pauvres. Nous affirmons, quant à nous, que leur contribution à l’étude du français, et dans le second degré, des lettres françaises, les désigne comme un instrument sans pareil de la démocratisation de l’enseignement, que leur marginalisation signifierait, signifie de fait, la mise à mort des lettres en tant que telles : sans le latin et sans le grec, battus en brèche par leur statut d’option, par la politique des dotations horaires globales qu’aggrave l’arbitraire laissé aux recteurs, notre langue et notre culture, livrées aux diktats d’un modernisme mal compris, aux dogmes, aux modes, aux caprices des législateurs en matière de programmes, perdent les étais qui leur sont indispensables.

      Une des vertus des langues anciennes mérite une attention particulière : elles favorisent plus qu’aucune autre discipline, du moins dans le second degré, l’éveil à la grammaire, cette autre victime sacrifiée sur l’autel du laxisme. Bien plus, elles l’imposent : comment accéder aux textes latins et grecs sans passer par l’étude de la langue ? À moins que l’on ne décrète – au nom de quoi encore cette déraison qui bannit de l’école la difficulté ? –le recours systématique à des traductions. Précisément nous pensons que l’apprentissage des langues latine et grecque reste, pour chaque élève, l’un des derniers moyens dont il dispose, compte tenu des programmes actuels, pour réfléchir sur le fonctionnement de sa propre langue ; c’est aussi la plus efficace propédeutique aux langues vivantes étrangères, et pas seulement aux langues romanes. L’étude de la langue, primordiale au collège comme au lycée, donne accès à des pensées à la fois différentes de la nôtre et inhérentes à elle, et elle constitue le détour par lequel l’esprit effectue la reconnaissance de lui-même par où commence tout savoir.

      Il faut donc, pour l’ensemble du secondaire, rouvrir les sections de latin et de grec fermées ces dernières années, et dessaisir les recteurs de la responsabilité des seuils de fermeture ou d’ouverture, dans l’intérêt de la formation intellectuelle des collégiens et des lycéens.

      La mission du collège est en effet de procurer une maîtrise approfondie de la langue française. Or le mot d’ordre pernicieux de " décloisonnement " a évacué l’étude de la grammaire dans les classes, alors que tout indique en aval la gravité des carences en la matière et leurs effets désastreux. Un retour à la grammaire de phrase s’impose, en liaison avec les langues anciennes lorsque c’est possible ; c’est le moyen de développer chez les élèves leurs facultés d’analyse, de leur enseigner la logique et le raisonnement, de les habituer à réfléchir sur leur maniement de la syntaxe, tout en permettant d’accéder à des textes plus difficiles ou plus anciens. D’ailleurs le besoin se fait sentir, dans ce domaine, d’une terminologie unifiée et observée dans tous les établissements.

      Autre question brûlante, l’orthographe : c’est ici que la démission de l’institution est la plus manifeste. L’ignorance de l’orthographe, conséquence d’un laisser-aller général dans le domaine de la langue ainsi fragilisée, contribue au mépris des règles qui la régissent. Elle atteint tout particulièrement le vocabulaire, lequel d’ailleurs n’est plus guère enseigné.

      Qui plus est, le français comme langue de culture est menacé dès le collège. À l’heure de la promotion des langues régionales, voudrait-on le réduire à une langue de communication banalisée parmi tant d’autres ? Ce serait au détriment de notre jeunesse et de la société dans son ensemble.

      Le brevet des collèges 2000 a tristement illustré cette évolution délétère en offrant un avant-goût de ce que pourrait devenir le baccalauréat de la résignation et de la soumission. Sanction de quatre années d’études, le brevet doit comporter des épreuves d’orthographe et de grammaire probantes, ce qui implique notamment l’abandon de pratiques d’" ajustage " des résultats au moyen de consignes aussi autoritaires pour les correcteurs que laxistes pour les candidats. Il convient aussi d’y rétablir un sujet de réflexion dont la préparation initie entre autres à la dissertation.

      Le rôle du lycée consiste à préparer au mieux les élèves à aborder leur formation professionnelle ou universitaire ; le champ des spécialisations ultérieures doit demeurer pour chacun ouvert, les choix s’effectuant en accord avec les goûts et les aptitudes. Cela suppose que le second cycle aide à se connaître soi-même et que l’on y acquière une culture solide (connaissances " générales ", littéraires et scientifiques, et développement des facultés de la personne) dans laquelle s’enracinera toute activité future. Le rôle des lettres est donc éminent, voire essentiel, car justement, cette discipline intéresse la personne dans son unité, de même qu’elle postule l’unité de la connaissance (" homo sum¼ humani nil a me alienum puto¼  ").

      C’est pourquoi les savoirs en miettes, en tranches, bref, l’enseignement par séquences, nient jusqu’à l’identité profonde des lettres, donc leur existence. Celles-ci réclament au contraire une perspective unifiante, telle que la perspective historique et non des séquences imposées qui appauvrissent les contenus et conduisent les élèves à des connaissances parcellaires et dispersées : l’enseignement de la littérature doit être articulé sur l’histoire littéraire dans son déroulement, abordé, si ce n’est dans sa totalité, au moins par grands pans chronologiques.

      Pour la même raison, les lettres ne s’accommodent guère d’un technicisme déshumanisant : les nouveaux programmes tendent à réduire la littérature à une collection d’exemples destinés à nourrir des rubriques, pour le plaisir de quelques théoriciens. Certes, l’on ne saurait se passer de concepts pour parvenir à la connaissance et l’on a besoin d’outils, ne serait-ce que pour interroger un texte, mais il faut cesser de les faire prendre pour l’objet ultime de l’étude, au détriment du sens.

      Les nouveaux programmes de français, selon la même logique " instrumentaliste ", substituent l’opinion au jugement, imposent une conception réductrice de la délibération, quelles que soient les précautions de rédaction prises depuis la tempête de la dissertation. Scandaleux pessimisme ! Est-ce à l’école de légitimer le préjugé, pourvu que celui-ci soit mis en forme ? Faut-il surtout réputer vaine, implicitement et a priori, la recherche d’une vérité construite à l’épreuve du doute ? Voilà les lettres anéanties dans l’absurde.

      Or c’est dans la vie que l’enseignement des lettres puise sa substance. Dépassant l’émotion première, il s’ouvre sur le sens, c’est-à-dire sur une connaissance de soi et du monde affranchie des servitudes du quotidien, souvent passionnel et toujours fragmentaire.

      Quant aux Travaux Personnels Encadrés, autre invention de la réforme, ils sont inspirés, au mieux, par une ambition démesurée qui les rend suspects d’inanité, au pire, par des théories datant du dernier siècle, qui légitiment la marchandisation de l’enseignement, responsable de la destruction du système d’instruction publique outre-Atlantique. À moins qu’ils ne se donnent pas pour ce qu’ils sont réellement : la promotion et l’imposition avouée du travail en équipe ne sont-elles pas le premier pas vers la liquidation des disciplines, puis du baccalauréat ? Ne serait-il pas plus sage de promouvoir les modules, compte tenu des besoins ?

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      Après un tel inventaire des problèmes, à la lumière des positions ici affirmées, à la lumière surtout de l’ambition que nous assignons à l’enseignement des lettres, faut-il encore traiter du baccalauréat ? La conception de ce dernier ne peut que découler de l’ensemble, et non pas de la volonté de faire " passer " tout le monde, car si cet objectif devait conduire à un diplôme sans valeur, l’institution menée par d’inamovibles experts n’en finirait pas de se renier jusqu’à la réussite de la déscolarisation rêvée par maint idéologue installé rue de Grenelle. C’en serait fait d’une véritable démocratisation.

      À ce titre, il faut proscrire les écrits " d’invention ", étrangers aux ambitions du lycée, difficiles à évaluer objectivement, mais bien propres à favoriser les " héritiers " de la culture. En les introduisant au baccalauréat, on priverait les professeurs d’une partie du temps nécessaire à la préparation des autres sujets. On compromettrait ainsi l’apprentissage de la pensée rigoureuse et du vocabulaire abstrait au profit d’une stérile application de protocoles d’écriture ou d’une oiseuse valorisation de " moi " encore mal constitués.

      Du reste, le plus urgent serait de rééquilibrer les trois sujets : depuis plusieurs années l’épreuve anticipée de français pèche par la difficulté du sujet de type III (dissertation), comparée à la facilité du sujet de type I (étude d’un texte argumentatif). Ce déséquilibre a précipité la défaveur dont souffre la dissertation, ce qui a servi de prétexte au GTD pour tenter d’écarter cet exercice. Le résumé, disparu en 1996, doit-il être réhabilité, même aménagé ? Quoi qu’il en soit, la liberté de choix ne saurait conduire au plébiscite en faveur d’un seul sujet : on courrait grand risque, alors, d’éliminer, de façon absurde, les sujets proprement littéraires.

* * *

De la qualité de la formation des maîtres, de celle des concours de recrutement, dépendent, de toute évidence, la valeur des enseignements littéraires, de l’école au baccalauréat. La capacité de former la personne réclame, cela va de soi, que le niveau de recrutement des maîtres soit élevé. Sur la durée des études, sur leur nature, nous ne nous prononcerons pas. La question demeure ouverte.

Le problème des CAPES interne et externe réclame aujourd’hui la plus grande sollicitude : il faut immédiatement retirer l’arrêté du 2 mars 2000. Comment accepter, en effet, la suppression à l’écrit de la composition française et du commentaire stylistique précédé de questions de grammaire au profit de la seule didactique, alors que l’oral consiste déjà en une épreuve professionnelle ? En outre, la réduction des oraux du CAPES externe aux épreuves strictement professionnelles du CAPES interne (didactique et pédagogie) serait inadmissible.

Enfin, les IUFM présentent de grandes disparités entre eux et les étudiants connaissent des expériences trop diverses : avant d’aller plus loin dans la réforme de la formation des maîtres et des concours de recrutement, on serait bien inspiré de procéder enfin à l’évaluation objective des IUFM.

* * *

      Telles sont les réflexions – somme de refus et de propositions – qu’approuvent les signataires de ce texte, aux sensibilités diverses, soucieux de permettre aux lettres de jouer pleinement leur rôle dans une société qui ne peut impunément se soustraire au devoir de conscience. Bien des questions demeurent ouvertes, qu’elles soient posées ou implicites. Ces questions doivent faire l’objet d’un débat franc et sincère, vital à coup sûr.

      Aussi demandons-nous avec instance que les programmes actuellement en " expérimentation généralisée " pour la seconde, en " consultation " pour la première, soient, provisoirement au moins, rapportés, et que, avant toute décision de les maintenir ou d’en élaborer de nouveaux, soient convoquées d’urgence des assises nationales sur l’enseignement des lettres. Les problèmes de fond que nous ne prétendons pas résoudre ici, tels l’évaluation des orientations théoriques qui ont prévalu jusqu’à présent, la place des lettres dans un monde régi par la communication, ou la nécessité – vraiment contradictoire ? – de s’adapter et de résister, y seront abordés. Car la profession peut se flatter de recherches et d’efforts parfois dignes d’admiration pour se mettre en question. Le dévouement n’a pas toujours – il s’en faut ! – connu le respect qu’il méritait.

      Le but de ces assises est justement de fonder la volonté de réhabiliter l’enseignement des lettres sur le respect de convictions divergentes. C’est pourquoi les participants, investis d’une responsabilité sans précédent, ne sauraient être cooptés par un clan : les proches d’un ministre en exercice, les corps d’inspection et leurs collaborateurs habituels. Le Ministère, organisateur de cette véritable consultation, veillera à prendre la mesure de la " représentativité " des signataires de ce texte et à ce que le débat décisif, qui n’a jamais eu lieu, se déroule dans la plus grande transparence. Tout doit être dit, tout doit être clair, ne serait-ce que pour éviter de tromper nos jeunes et nos futurs collègues, dans l’intérêt même de notre école. Notre volonté de réhabiliter l’enseignement des lettres est à la mesure d’un déclin de trop longue durée. L’enjeu est national ; il dépasse aussi nos frontières. Le débat ne peut qu’avoir lieu.


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Ce texte est le fruit d'un travail collectif : plus de vingt professeurs de sensibilités diverses, et, parmi eux, des membres du collectif "Sauver les lettres", ont participé à son élaboration. Pour nous adresser votre signature : .

02/2001


Sauver les lettres
www.sauv.net
 

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