LETTRE OUVERTE AU MINISTRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE ET AU PREMIER MINISTRE
M. le Premier Ministre, M. le Ministre,
Les signataires de la présente lettre ont jugé nécessaire de vous faire part, après le départ de M. Allègre du Ministère de l'Éducation Nationale, de leurs préoccupations et de leurs attentes.
Le mouvement qui a abouti à la manifestation du 24 mars ne peut être ignoré. Le nombre des manifestants, tant à Paris que dans les grandes villes de province, a montré clairement l'ampleur de l'inquiétude qui traverse aujourd'hui notre système éducatif. Il serait irresponsable de laisser croire qu'un mouvement de cette importance aurait trouvé ses motivations dans les seules maladresses d'un ministre et n'aurait eu d'autre but que l'obtention, d'ailleurs tout à fait légitime, de "moyens supplémentaires pour l'école". C'est bel et bien le contenu des réformes entreprises par M. Allègre qui était et reste en cause : parce qu'il est apparu que ces réformes conduisaient à un appauvrissement sans précédent de l'enseignement à tous les niveaux sans que les innovations proposées à la hâte et inapplicables dans les faits, permettent de combler les manques ainsi créés. La volonté du Ministre de faire aboutir à tout prix ses réformes dans la plus grande précipitation (s'autorisant par exemple d'expérimentations en cours dont il n'avait encore pu être tiré aucun bilan ; faisant fi de l'opposition du C.S.E. à la réforme du deuxième cycle des lycées) n'a fait qu'aggraver la situation.
Plus profondément, les réformes de M. Allègre, en cela conformes aux exigences de l'O.M.C. et du traité de Cardiff, affaiblissent l'offre de formation proposée aux jeunes et s'inscrivent dans une logique perverse qui ouvre la voie à la "marchandisation" de pans entiers de la formation, et pas seulement pour ce qui concerne la formation professionnelle initiale. Pourquoi restreindre, par exemple, l'enseignement des langues alors que les mutations économiques et politiques que nous vivons aujourd'hui exigeraient au contraire que soit développée une formation de qualité, y compris pour les langues rares en train de disparaître de la presque totalité des établissements scolaires ? Faudra-t-il que ces enseignements soient laissés aux soins d'officines privées ? Qu'en sera-t-il alors du souci de l'égalité des chances dont se prévalaient les tenants des réformes en cause ? De même, faut-il transformer l'enseignement de l'histoire en une série de "flashes" sans arrière plan, comme cela se pratique déjà dans les collèges, pour s'étonner plus tard de l'immaturité critique de ces citoyens que nous refuserions d'instruire aujourd'hui ? Ou faut-il admettre que la citoyenneté soit réservée à une élite ? Étrange citoyenneté que celle-là… et dangereuse élite!
L'école est confrontée aux mutations de notre société ; chacun est convaincu qu'elle doit faire l'objet d'une réflexion en profondeur et qu'il y aurait de l'aveuglement à maintenir les choses dans l'état où elles sont.
Les signataires de cette lettre demandent
- que cette réflexion soit engagée sereinement, sans préoccupations partisanes ;
- qu'elle soit guidée par le souci de l'amélioration qualitative de la formation dispensée aux jeunes et par la volonté d'accroître l'offre de formation ;
- qu'elle respecte et consolide les principes fondateurs de l'école républicaine :
- former des citoyens autonomes et responsables ;
- garantir l'égalité des chances dans l'acquisition des savoirs, seul moyen véritable de promotion sociale ;
- garantir la laïcité.
- qu'une réelle volonté politique, non soumise aux seuls impératifs budgétaires, préside aux choix qui seront faits et à leur mise en œuvre ;
- qu'elle se déroule dans une véritable transparence et prenne en compte les demandes et avis des enseignants qui sont, jusqu'à preuve du contraire les meilleurs spécialistes de la réalité scolaire, et dont l'engagement auprès des élèves n'est pas à remettre en cause ; qu'elle soit attentive en outre aux avis formulés par les organisations professionnelles représentatives.
En conséquence, les signataires demandent que soient préalablement retirées les réformes entreprises par M. Allègre.
Ils estiment en outre, compte tenu de la gravité de l'enjeu, compte tenu de leur responsabilité vis à vis de la jeunesse, qu'il est de leur devoir de dénoncer toute tentative de transformation de l'école qui ne satisferait pas leurs attentes et de s'y opposer fermement.
Ils refusent en particulier :
- la soumission de l'éducation aux exigences du système marchand, telle qu'elle est préconisée par l'O.M.C. et telle qu'elle est prévue par les accords de Cardiff. L'enseignement n'est pas un pourvoyeur de services, mais une obligation de l'état vis à vis des citoyens ;
- les tentatives visant à faire de l'école le lieu de la conformation aux exigences des entreprises ;
- les tentatives visant à lutter contre l'échec par la baisse continue des exigences scolaires. Ces tentatives relèvent de la démagogie et ne font que déplacer les problèmes sans les résoudre ;
- la remise en cause de la valeur nationale du baccalauréat, qui reste une garantie d'égalité pour tous les bacheliers et dans l'état actuel des choses le dernier rempart contre la mise en concurrence avouée des établissements scolaires.
Les signataires vous assurent, Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Ministre, de leur considération.
Nous devons assurer la diffusion la plus large possible de cette lettre, écrite à l'origine par un professeur de philosophie et un professeur d'anglais de Haute-Savoie. Pour télécharger le texte : lettre.rtf
Merci à ceux qui auront recueilli des signatures de venir sur cette page saisir les données en ligne (formulaire ci-dessus, un par personne). Cela afin de faciliter la publication de la liste des signataires.
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