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Bac : pressions sur les correcteurs.

Le Point, 23 mars 1996, n°1227.


Et, d'ailleurs, pourquoi se presser, puisque, officiellement, tout va pour le mieux ? De longue date, l'Education nationale est passée maître dans l'art de masquer ses plaies. Du haut en bas de l'édifice scolaire, c'est la même fiction de bien-être, le même village-Potemkine, qui dresse ses avenantes façades de carton-pâte. Les jeunes Français sont de plus en plus instruits, de mieux en mieux formés, de plus en plus diplômés, grâce aux progrès de la pédagogie et à la montée continuelle du niveau, et, bien sûr, à l'action du ministre : tel est le message édifiant que les statistiques sont chargées de répandre. Exemple le plus flagrant: les résultats du bac. On s'approche à grands pas de l'objectif des 80 % d'élèves au niveau du bac (70 % cette année), grâce à un taux de réussite en constante augmentation: 71,9 % en 1992,73,4 % en 1994, et 75 % en 1995! Certes, comment ne pas se réjouir de voir de plus en plus de jeunes décrocher ce diplôme ? Mais voilà: on oublie de préciser que ces résultats sont acquis au prix d'inacceptables pressions sur les correcteurs. Et, surtout, qu'à peine entrés à l'université les nouveaux bacheliers seront fauchés comme les pioupious de 1914 par la mitraille de l'échec: près d'un sur deux ne décrochera jamais son DEUG.

Quand les statistiques sont trop mauvaises, eh bien, on s'adapte. Récemment, la France - officiellement pour cause de divergences méthodologiques - s'est retirée en cours de route d'une enquête de l'OCDE sur l'illettrisme, qui allait la classer en mauvaise place parmi les pays européens. Mais la plus belle illustration de ce mépris du réel a été fournie lors de la récente affaire du certificat d'études. Le mois dernier, en effet, les médias ont pavoisé un peu vite, en rendant compte d'une comparaison menée par la Direction de l'évaluation et de la prospective (DEP) du ministère de l'Education : les 6 000 élèves à qui on avait fait passer les épreuves du "certif " des années 20, expliquaient-ils, s'étaient montrés égaux ou supérieurs à leurs devanciers.

Le seul problème, c'est que les résultats bruts prouvent le contraire. En réalité, les performances des élèves actuels n'arrivent pas à la cheville de celles de leurs arrière-grands-parents en blouse grise. En dictée, ils font deux fois et demie plus de fautes que leurs aînés. En calcul, 33 % seulement arrivent à résoudre les problèmes de débit de lait, contre 67 % jadis (un résultat que la DEP a réussi à camoufler en insistant sur les quatre opérations, à peu près maîtrisées, et non sur l'essentiel, c'est-à-dire la résolution du problème). En grammaire, les élèves actuels se sont montrés bien moins savants que leurs prédécesseurs. Il n'y a qu'en rédaction -épreuve qui laisse une grande part à la subjectivité des correcteurs - que les potaches modernes seraient à la hauteur. Ce "succès " en rédaction a été monté en épingle, pour mieux faire oublier le problème: une maîtrise défaillante des "fondamentaux".

Article scanné par M.D.


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