La nouvelle querelle scolaire
Le Figaro Littéraire, jeudi 2 novembre 2000
LIVRES DE POCHES
ESSAI
L'École désoeuvrée de Laurent Jaffro et Jean-Baptiste Rauzy
Champs. Flammarion.
L'école est l'un des hauts lieux d'expression de la, querelle des Anciens et
des Modernes. C'est précisément cette querelle qui intéresse Laurent Jaffro
et Jean-Baptiste Rauzy, deux universitaires qui ont consigné leurs
principales réflexions sur la politique éducative actuelle dans un essai
incisif. Selon les auteurs, la politique éducative serait responsable d'un
renoncement à l'exigence de la transmission du savoir et des oeuvres.
Les deux professeurs de philosophie tentent d'étayer leur propos en
apportant leur éclairage sur quatre grands thèmes : la démocratisation de
l'enseignement, le didactisme, la pédagogie et la morale civique.
Deux camps alimenteraient la nouvelle querelle scolaire.
D'un côté les Anciens, c'est-à-dire une part importante du corps enseignant
des lycées et des collèges, de l'autre, les Modernes, qualifiés de "réformateurs zélés" qui auraient la lourde tâche, non seulement de
comprendre le malaise de l'école mais aussi d'administrer le remède à un
malade récalcitrant qui refuse de se soigner.
Les premiers se prononcent par exemple en faveur du collège unique. Une
institution qui a été instaurée en France sans que l'on définisse
véritablement sa nature et sa fonction, laissant ainsi se développer les
plus grandes contradictions. D'une part, le collège unique a été conçu comme
le prolongement de l'école élémentaire dans la mesure où il a
progressivement accueilli toute une classe d'âge, d'autre part, ce collège a
été uniquement défini comme la première étape du lycée d'enseignement
général réservé à l'élite scolaire et sociale. Or, selon un rapport de
l'Insee, on ne constate aucune baisse de l'inégalité des chances après ces
réformes.
Ainsi, tour à tour, les auteurs passent en revue les ZEP (zones d'éducation
prioritaire), les réformes successives de l'Éducation nationale, le
discrédit qui pèse parfois sur les professeurs, la pesanteur de l'Éducation
nationaleŠ À propos de la pédagogie, ils rappellent la distinction entre
celle qui prône le développement et celle qui se fonde sur l'émancipation
tout en soulignant l'ambiguïté de cette discipline qui désigne à la fois
l'art d'enseigner et la conception de l'éducation et de l'enseignement sur
laquelle s'appuie cet art.
En guise de conclusion, les auteurs nous livrent donc quelques pistes de
réflexion pour l'avenir.
Par exemple, ils se prononcent en faveur d'une politique éducative qui
redonnerait une confiance dans les professeurs, qui rétablirait la
discipline dans les établissements et enfin qui libérerait les élèves du
fardeau du contrôle de soi et de l'exigence sisyphéenne d'une construction
autonome du savoir en remettant à l'ordre du jour une forme d'enseignement
diffamé : la leçon.
C'est seulement en respectant ces conditions que l'école pourrait redevenir
un " lieu de vie ".
Anne Brieux
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