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ÉAF 2000 : séries générales, sujet 1, sujet 2, sujet 3.

Étude d'un texte argumentatif.

Jean de la Fontaine, Fables, Livre X, I, 1690.

L'HOMME ET LA COULEUVRE

              Un Homme vit une Couleuvre :
    "Ah ! méchante, dit-il, je m'en vais faire une œuvre
              Agréable à tout l'univers !"
              À ces mots, l'animal pervers
           5 (C'est le Serpent que je veux dire
    Et non l'Homme : on pourrait aisément s'y tromper),
    À ces mots, le Serpent, se laissant attraper,
    Est pris, mis en un sac ; et, ce qui fut le pire,
    On résolut sa mort, fût-il coupable ou non.
10 Afin de le payer toutefois de raison,
              L'autre lui fit cette harangue :
    "Symbole des ingrats, être bon aux méchants,
    C'est être sot, meurs donc : ta colère et tes dents
    Ne me nuiront jamais." Le Serpent, en sa langue,
15 Reprit du mieux qu'il put : "S'il fallait condamner
              Tous les ingrats qui sont au monde,
              À qui pourrait-on pardonner ?
    Toi-même tu te fais ton procès. Je me fonde
    Sur tes propres leçons ; jette les yeux sur toi.
20 Mes jours sont en tes mains, tranche-les : ta justice,
    C'est ton utilité, ton plaisir, ton caprice ;
              Selon ces lois, condamne-moi ;
              Mais trouve bon qu'avec franchise
              En mourant au moins je te dise
          25 Que le symbole des ingrats
    Ce n'est point le serpent, c'est l'homme." Ces paroles
    Firent arrêter l'autre ; il recula d'un pas.
    Enfin il repartit : "Tes raisons sont frivoles :
    Je pourrais décider, car ce droit m'appartient ;
30 Mais rapportons-nous-en. - Soit fait", dit le Reptile.
    Une Vache était là, l'on l'appelle, elle vient ;
    Le cas est proposé ; "c'était chose facile :
    Fallait-il pour cela, dit-elle, m'appeler ?
    La Couleuvre a raison ; pourquoi dissimuler ?
35 Je nourris celui-ci depuis longues années ;
    Il n'a sans mes bienfaits passé nulles journées ;
    Tout n'est que pour lui seul ; mon lait et mes enfants
    Le font à la maison revenir les mains pleines ;
    Même j'ai rétabli sa santé, que les ans
          40 Avaient altérée ; et mes peines
    Ont pour but son plaisir ainsi que son besoin.
    Enfin me voilà vieille ; il me laisse en un coin
    Sans herbe ; s'il voulait encor me laisser paître !
    Mais je suis attachée ; et si j'eusse eu pour maître
45 Un serpent, eût-il su jamais pousser si loin

    L'ingratitude ? Adieu : j'ai dit ce que je pense".
    L'Homme, tout étonné d'une telle sentence,
    Dit au Serpent : "Faut-il croire ce qu'elle dit ?
    C'est une radoteuse ; elle a perdu l'esprit.
50 Croyons ce Bœuf. - Croyons," dit la rampante bête.
   Ainsi dit, ainsi fait. Le Bœuf vient à pas lents.
    Quand il eut ruminé tout le cas en sa tête,
              Il dit que du labeur des ans
    Pour nous seuls il portait les soins les plus pesants,
55 Parcourant sans cesser ce long cercle de peines
    Qui, revenant sur soi, ramenait dans nos plaines
    Ce que Cérès nous donne, et vend aux animaux ;
              Que cette suite de travaux
    Pour récompense avait, de tous tant que nous sommes,
60 Force coups, peu de gré ; puis, quand il était vieux,
    On croyait l'honorer chaque fois que les hommes
    Achetaient de son sang l'indulgence des Dieux.
    Ainsi parla le Bœuf. L'Homme dit : "Faisons taire
              Cet ennuyeux déclamateur ;
65 Il cherche de grands mots, et vient ici se faire,
              Au lieu d'arbitre, accusateur.
    Je le récuse aussi." L'arbre étant pris pour juge,
    Ce fut bien pis encore. Il servait de refuge
    Contre le chaud, la pluie, et la fureur des vents ;
70 Pour nous seuls il ornait les jardins et les champs.
    L'ombrage n'était pas le seul bien qu'il sût faire ;
    Il courbait sous les fruits ; cependant pour salaire
    Un rustre l'abattait, c'était là son loyer ;
    Quoique pendant tout l'an libéral il nous donne
75 Ou des fleurs au printemps ; ou du fruit en automne ;
    L'ombre, l'été ; l'hiver, les plaisirs du foyer.
    Que ne l'émondait-on, sans prendre la cognée ?
    De son tempérament il eût encor vécu.
    L'Homme trouvant mauvais que l'on l'eût convaincu,
80 Voulut à toute force avoir cause gagnée.
    "Je suis bien bon, dit-il, d'écouter ces gens-là."
    Du sac et du Serpent aussitôt il donna
         Contre les murs, tant qu'il tua la bête.
              On en use ainsi chez les grands.
85 La raison les offense ; ils se mettent en tête
    Que tout est né pour eux, quadrupèdes, et gens,
                        Et serpents.
              Si quelqu'un desserre les dents,
    C'est un sot. - J'en conviens. Mais que faut-il donc faire ?
          90 - Parler de loin, ou bien se taire.

I - QUESTIONS (10 points)

1- Du vers 1 au vers 30, relevez les termes appartenant au champ lexical de la justice. Qui les utilise et pourquoi ?    (3 points)
2 - Quelle est la thèse défendue par la vache, le bœuf et l'arbre ?    (2 points)
3 - Comparez les discours de la vache et de l'arbre : quels sont leurs arguments ? Comment sont-ils présentés ?    (3 points)
4 - Qui désigne le pronom "nous" du vers 52 au vers 76 ?    (2 points)

II- TRAVAIL D'ÉCRITURE (10 points)

"Mais que faut-il donc faire ? - Parler de loin, ou bien se taire."
Les mots seraient-ils donc sans pouvoir contre la force ? Exposez votre point de vue dans un développement argumenté.



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Commentaire composé.

      J'avais tout débité d'un trait, de peur qu'elle ne m'interrompe, de peur que je ne trébuche sur les mots. Je ne l'avais pas regardée une seule fois. Et quand je m'étais tu, je ne l'avais pas regardée non plus. J'avais peur de voir dans ses yeux ce qui pourrait ressembler à de l'indifférence, ou à de la compassion. Ou même à de la surprise, car si je savais pertinemment que je la surprenais par cette déclaration, toute manifestation de surprise m'aurait donné à penser que nous n'étions pas dans les mêmes dispositions - et tout ce qu'elle aurait pu dire, après cela, n'aurait été que politesse et consolation.
      Je ne regardais donc pas, et si j'avais pu détourner les oreilles comme je détournais les yeux, je l'aurais fait. Car autant que dans son regard, je redoutais d'entendre dans ses mots, dans l'intonation de sa voix, l'indifférence, la compassion... J'écoutais seulement sa respiration, chaude comme un soupir.
      " Oui. "
      Elle avait dit " oui ".
      C'était la réponse la plus belle, la plus simple, et pourtant c'était celle que j'attendais le moins.
      Elle aurait pu se lancer dans des formules contorsionnées pour expliquer que, dans ces circonstances, il ne lui semblait pas possible que... Je l'aurais interrompue brutalement, pour lui dire: " N'en parlons plus ! " Elle m'aurait fait promettre que nous resterions tout de même bons amis, j'aurais dit : " Bien sûr ", mais je n'aurais plus jamais voulu la revoir ni entendre prononcer son nom.
      Elle aurait pu, à l'inverse, m'expliquer qu'elle aussi ressentait la même chose, depuis notre première rencontre... J'aurais su quoi dire, quoi faire.
      Ce " oui " simple, ce " oui " sec, me laissait sans voix
      J'avais presque envie de lui demander : " Oui, quoi ? " Parce qu'elle pouvait simplement avoir voulu dire : " Oui, j'ai entendu " ; " Oui, je prends acte " ; " Oui, je vais réfléchir ".
      Je l'avais regardée, inquiet, incrédule.
      C'était le vrai " oui ", le " oui " le plus pur. Avec des yeux en larmes et un sourire de femme aimée.

Amin MAALOUF, Les Échelles du Levant, 1996.


I - Questions (4 points)

1 - Quel est le sentiment qui domine dans les deux premiers paragraphes et quel est le champ lexical qui s'y rapporte ? (1 point)
2 - Depuis " Elle aurait pu se lancer dans des formules... " jusqu'à " ... J'aurais su quoi dire, quoi faire. "(lignes 17 à 23)
a) étudiez le jeu des modes et des temps ; (1.5 point)
b) relevez, en les classant, les pronoms personnels et les adjectifs possessifs de ce passage ;
que remarquez-vous ? (1.5 point)

II- Commentaire composé (16 points)

Vous présenterez un commentaire composé de ce texte. (16 points)



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Dissertation.

Série L :

Selon le metteur en scène Jean-Pierre Vincent, "le valet est d'abord un vengeur. Il nous venge de tout ce que nous n'osons ou ne pouvons pas faire, comme battre son maître, mentir effrontément pour s'en tirer, être désintéressé, faire des actes gratuits, n'être que du jeu..."

En vous appuyant sur des exemples précis, vous vous demanderez si la comédie du XVIIIe siècle que vous avez étudiée cette année vérifie cette affirmation.


Séries S, ES :

Nana, le personnage de Zola, éprouvait "une répugnance indignée contre cette littérature immonde dont la prétention était de rendre la nature ; comme si l'on pouvait tout montrer ! Comme si un roman ne devait pas être écrit pour passer une heure agréable ! En matière de livres et de drames, Nana avait des opinions très arrêtées : elle voulait des oeuvres tendres et nobles, des choses pour la faire rêver et lui grandir l'âme."

Vous discuterez cette conception de la littérature en vous appuyant sur le roman naturaliste que vous avez étudié.


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