Accueil

La réforme

Analyses

Actions

Contributions

Liens


Contact

Recherche

Retour


    
Analyses et éléments de synthèse
 

Le BOEN du 31.08.2000

Analyse du Préambule et du Programme de Seconde applicable à la rentrée 2000.

Lisez vite le nouveau BO (HS n°6 du 31.08.2000), accessible sur http://www.education.gouv.fr/bo/2000/hs6/français.htm . Il annule et remplace le n°6 du 12.08.1999. Il donne le Préambule Le Français au Lycée, puis le Programme de Français de Seconde (nouvelle version). Vous pouvez aussi utiliser la présentation des deux versions du programme de seconde sur deux colonnes : d'un BO l'autre.

      Malgré son style inimitable, il est tonique ! En effet, la réécriture qu'il propose du BO précédent  va tout à fait dans le sens des protestations et scandales que ce dernier a suscités. On peut  ainsi maintenant faire jouer à plein la formule « annule et remplace » pour récupérer, dans les cours de français, du sens, de l’intérêt, et une étude de la littérature que la rédaction précédente de la réforme   refusait presque systématiquement, dans le choix des textes et des œuvres, des exercices, et des  "travaux d’écriture" (Cf. l’analyse « Pourquoi il faut boycotter les nouveaux manuels de Seconde »).

      L’analyse qui suit s’appuie sur cette formule consacrée : « annule et remplace ». Elle signale l’essentiel des suppressions, remplacements ou réécritures qui ont été opérés entre le BO précédent d’août 1999 et celui-ci, un an et quelques protestations après…

      Elle ne prétend pas à l’exhaustivité, mais a choisi de s’attarder sur les points les plus contestables de la rédaction précédente : 

- la rareté des termes « littérature » et « littéraire » fréquemment remplacés par « documents », « œuvres et documents d’origine et de sensibilité très diverses », ou, comme dans une rédaction antérieure, «toutes les formes de discours verbaux et non verbaux » ;
- la rareté des termes « sens », « signification », « pensée » ou « jugement » ; 
- l’absence de définition des exercices d’explication des textes, qui les condamnait ainsi à un survol rapide, et à l’absence d’acquisitions, par les élèves, d’instruments d’analyse ; 
- l’abandon d’un véritable enseignement de l’histoire littéraire, au profit de quelques éclairages (bien obscurs) arbitrairement choisis.
- l’abandon d’une véritable construction des savoirs.
 
     Voici donc les principaux remaniements que l’on peut observer dans le nouveau texte, dans l’ordre des parties et rubriques qui scandent la rédaction des textes officiels.
- Les  Finalités du Français au Lycée étaient ramenées à une seule, "la formation intellectuelle du citoyen" ; cette dernière n'en est plus que le troisième élément, sous la forme "la formation du citoyen" ; évidemment, "intellectuelle" a disparu au passage, mais... on ne peut pas tout avoir.

- À la troisième ligne des Finalités, on voit apparaître ce qui n’en était plus une : "la connaissance de la littérature".

- Toujours dans les Finalités, on avait "la fréquentation des oeuvres littéraires", on a maintenant une insistance intéressante : "la lecture de textes de toutes sortes, en particulier d'oeuvres littéraires significatives". La suite du texte les valorise: "(l'enseignement du français) forme l'attention à la signification de ces oeuvres, aux questionnements dont elles sont porteuses et aux débats qui caractérisent chaque époque, dont elles constituent souvent la meilleure expression." Un véritable enseignement d’histoire littéraire semble même en découler : " Par là, il (l'enseignement du français) permet aux lycéens de construire une perspective historique sur l'espace culturel auquel ils appartiennent."

- Un terme disparu des instructions antérieures, "pensée", apparaît maintenant. Il remplace "opinion" dans les Finalités, des formules insistent sur le rôle du français en ce domaine : "structurer sa pensée et ses facultés de jugement", "savoir organiser leur pensée" (là où on avait "construire leur opinion").

- Une formule abandonnée auparavant, "l'esprit critique", apparaît deux fois, valorisée par le contexte : "leur réflexion et leur esprit critique", "la formation du jugement et de l'esprit critique".

- Dans le plan des instructions du BO, le titre Objectifs est remplacé par La formation de la pensée : les perspectives d'étude, celui de Compétences à développer remplacé par Les connaissances : les objets d'étude. Le recul des réformateurs dans le sens de la réflexion et des apprentissages est ainsi net.

- Là où on avait : "Ils percevront l'originalité des œuvres ("oeuvres et documents d'origine et de sensibilité très diverses") et leur beauté", on a : "les élèves... peuvent saisir l'originalité et l'apport des oeuvres littéraires majeures, en ce qu'elles se distinguent des contraintes usuelles." L’importance et la portée de la littérature sont ainsi remises à leur juste place.

- Une précision indispensable, qui ne figurait presque plus dans les instructions précédentes, redonne au français sa finalité : "Ces perspectives d'étude... sont nécessaires pour accéder, de façon réfléchie, au sens des textes lus". La compréhension du sens ne reposait plus sur une étude des textes, mais était abandonnée à l’élève et à la qualité de ses réécritures.

- Dans Les connaissances : les objets d'étude, "la connaissance de la littérature" – qui avait disparu de la rédaction antérieure -, est réaffirmée et précisée : "l'enseignement du français au lycée porte donc avant tout sur les textes, en particulier littéraires", "la lecture d'oeuvres majeures du passé".

- L'histoire littéraire est revisitée, et son étude entre de plein droit dans l’enseignement en Seconde : "la culture"... "se structure grâce à une mise en perspective historique. A cet égard, la richesse des savoirs pour l'étude des textes et de la littérature impose de privilégier, au cours des années de Seconde et de Première, les mouvements et phénomènes qui constituent les grandes scansions de l'histoire littéraire et culturelle. (...) La mise en perspective historique se construira donc par l'approche des moments clés de l'histoire des lettres, de la pensée et de l'esthétique".

- Dans Progression d'ensemble, le domaine de l’histoire littéraire, gommé des instructions antérieures par une phrase inadmissible : "L'ampleur des savoirs en histoire littéraire et culturelle excède les possibilités des élèves", retrouve une vraie place dans les savoirs nécessaires, auxquels un moment les professeurs avaient cru devoir renoncer. Il ne reste plus aucune allusion au renoncement.

- Toujours dans cette Progression, le mot "littérature" réapparaît, et sur un mode discriminant : "leur étude (des genres) permet une mise en relief des modes de connaissance de l'humain et du monde propres à la littérature", ce qui lui redonne également une place centrale, un moment effacée.

- Dans la Mise en oeuvre, la "lecture cursive" est redéfinie : elle passe de "six oeuvres par an" à "six oeuvres littéraires par an".

- Les démarches d'analyse des textes sont  définies, dans le sens que tous les professeurs souhaitaient : "elles sont au service de la compréhension et de la réflexion sur le sens". Antérieurement, il n'y avait rien, sauf  "activités de lecture diverses".

- Dans le Programme de Seconde : les Objectifs sont redéfinis ; au lieu de : "la Seconde a pour fonction... d'établir les bases nécessaires à un choix positif de formation", on a : "une maîtrise sans cesse accrue de la langue, la connaissance de la littérature, la constitution d'une culture et la formation d'une pensée  autonome." Les objectifs propres à l’enseignement du français se retrouvent ainsi, au lieu d’être dévoyés, à leur vraie place.

- Détail amusant : dans les Objectifs antérieurs, on avait le "plaisir" ; il a disparu, il est remplacé par "la connaissance de la littérature"... Ce "plaisir", qui ne désignait que la connivence intellectuelle d’un milieu protégé, ou la naïveté démagogique des réformateurs, cède ainsi une place de plein droit aux finalités de l’enseignement : l’acquisition de connaissances.

- dans les Contenus (auparavant non définis), la phrase : "Il s'agit avant tout d'amener les élèves à savoir construire la signification des textes et des oeuvres" redonne un sens à l’enseignement du français.

- Dans le même secteur, il est précisé : "Le programme indique… "la perspective dominante" de "chacun (des) objets d'étude". "De la sorte, les élèves disposeront de repères précis". L’émiettement et la dispersion qui avaient été dénoncés dans les instructions précédentes semblent donc avoir été perçus comme un risque réel.

- Le "genre narratif" est remplacé par "le récit", ce qui semble indiquer l’abandon d’un vocabulaire qui ne pouvait que perturber les élèves.

- Dans l'argumentation (Démontrer, convaincre et persuader), les "problématiques conseillées" ("les débats sur l'éducation ou la question de l'altérité") ont disparu. Cette suppression périme d’emblée les nouveaux manuels.

- Dans la rubrique Mise en oeuvre et pratiques, la "lecture analytique" prend la première place, avant la "lecture cursive" (c'était l'inverse auparavant) ; on apprend qu'au lieu d'avoir pour but "l'examen méthodique d'un texte", il s'agit de :"la construction détaillée de la signification d'un texte... un travail d'interprétation", ce qui redonne à l’explication des textes un but et un sens qu’on lui avait déniés.

- La "lecture cursive" est elle aussi redéfinie, d'abord par "la lecture d'oeuvres complètes" (ce dernier adjectif ne figurait pas dans la première version). Bien que toujours appelée « la forme libre, directe et courante de la lecture », elle réintègre le cours de français d’où on avait voulu la chasser : « Elle se développe dans la classe et en dehors de la classe ». Le professeur maintenant la dirige : il "propose des titres et des textes, indique des orientations pour aider les élèves... et établit des bilans".  L’élève n’est ainsi plus laissé à lui-même, c’est à dire à la non-lecture ou au risque de contresens. Le rôle du professeur est réaffirmé, on lui reconnaît un rôle incitatif et directif.

- Dans L'écriture, on avait "On a recours dans la mesure du possible aux traitements de textes auxquels on initiera les élèves" ; maintenant : "On recourt dans la mesure du possible au traitement de texte."

- La formule de titre La pratique raisonnée de la langue disparaît, on a à la place : L'étude de la langue. A l'intérieur, une nouveauté : "l'acquisition d'une langue plus abstraite". La "reformulation" recommandée dans les travaux d'écriture n'est plus définie (auparavant, on avait les consignes du collège : "par changement de point de vue, par changements d'interlocuteurs, par changement de temps, par changement de genre ou de registre").  Les concepteurs de manuels ont eu bien tort de se précipiter... Des exercices plus exigeants pourront ainsi être proposés aux élèves, dans le cadre de la réflexion et du jugement liés au « vocabulaire abstrait ».

        La lecture de ces nouvelles instructions, les corrections ou les remaniements laissent percevoir que les protestations des enseignants, du lycée et de l'université, ont été en partie entendues. Il ne s'agissait pas, comme on le leur a reproché, de défendre des pratiques élitistes, mais d'affirmer le sens de l'étude du français et de la littérature, et leur volonté de ne pas l'abandonner à des réformateurs aux visions utilitaristes ou finalement élitistes, dans la mesure où la réforme refusait aux élèves savoirs exigeants et construits, pour les abandonner à leur milieu d'origine.

Reste l'essentiel, à l'origine de notre mobilisation : la promotion de l'écrit d'invention, clef de voûte de cette " refondation " de l'enseignement du français en lycée.

La lutte continue donc, avec la même priorité que l'an passé. Cette année sera cruciale, qui verra s'engager le débat sur les épreuves du baccalauréat.

" Sauver les lettres ", septembre 2000.

Télécharger ce texte au format RTF : bo310800.rtf

RetourHaut