les langues anciennes font de la résistance
Dans un livre intitulé Apprendre pour transmettre, l’éducation contre l’idéologie managériale (puf, 2013), François Rastier défend les langues anciennes :
“Bizarrement on dit mortes les langues qui ne sont plus faites que de textes vivants : Théocrite et Catulle n’ont rien perdu de leur fraîcheur. Tant que les lecteurs persistent à se les réapproprier, les œuvres restent vives.(…)
La force des langues anciennes c’est qu’on ne peut pas s’y exprimer, s’y trouver sans cesse ramené à soi-même ou à une communauté, risquer d’être infantilisé par les méthodes de conversation. On est obligé d’affronter l’inquiétante familiarité de textes où toute compréhension doit être reconstruite. Bref les langues anciennes exercent une critique silencieuse mais définitive à l’égard de la conception pragmatique du langage et de l’idéologie communicationnelle : elles ne sont pas des instruments, mais elles fascinent par leur richesse. Paradoxalement, une langue de service * semble alors moins vivante qu’une langue morte, car elle se réduit à un code qui fait l’objet d’un apprentissage technique et non d’une transmission culturelle.”
* Rastier oppose “langue de service” et “langue de culture”, non pas pour hiérarchiser les langues, mais pour hiérarchiser les usages qu’on en fait : toute langue peut être une langue de culture, mais toute langue peut aussi être réduite à un pur instrument d’échange d’information (cf. par ex. l’anglais d’aéroport ou de conférence d’experts qui n’a pas grand chose à voir avec l’anglais de la littérature anglaise).
–> Sur ces notions cf. les textes suivants sur le site de Sauver les Lettres : http://www.sauv.net/wismann2.php et http://www.sauv.net/univ2005_gally.php