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Le Rased et la difficulté scolaire

Dimanche 20 décembre 2015

 

 

Le Rased, c’est le Réseau d’Aide et de Soutien pour les Elèves en Difficulté. Il est composé d’un psychologue scolaire, d’un enseignant appelé « poste G », qui s’occupe des enfants qui ont des problèmes d’attitude face à l’école, et d’un enseignant appelé « poste E », qui aide des enfants en grande difficulté scolaire, en travaillant sur des domaines disciplinaires précis.

Les membres du Rased sont des enseignants qui se sont spécialisés, moyennant une formation spécifique durant une année supplémentaire.

Le psychologue scolaire reçoit les enfants en entretien individuel, souvent à la demande des enseignants, et après autorisation des parents. Il n’a pas vocation à entreprendre des cures, il est surtout un relais entre les parents et une prise en charge éventuelle. Il fait des bilans et peut appuyer les constats, donner des pistes, lors des équipes éducatives notamment.

Les enseignants G et E travaillent avec de petits groupes d’élèves sur des périodes, qui vont de quelques semaines à quelques mois dans l’année, souvent au rythme de deux créneaux d’une heure par semaine.

En début d’année, nous remplissons des « fiches de signalement d’élèves en difficulté ». Après lecture de nos fiches, les membres du Rased se réunissent entre eux et proposent, dans les limites de leurs possibilités, des aides adaptées en fonction des renseignements fournis. Nous avons aussi, au cours des deux premiers mois de l’année scolaire, des réunions dites « de synthèse » avec eux, souvent aussi avec le directeur, pendant lesquelles nous discutons des cas un par un.

 

Les Rased ont vu, depuis qu’ils ont été créés en 1990, leurs moyens en personnels et horaires diminuer presque tous les ans. Pour répondre à ce manque de moyens, ainsi qu’au nombre croissant d’élèves en grande difficulté, les circonscriptions donnent des directives de priorité aux Rased. Chez nous, priorité est donnée aux élèves des petites classes, ce qui peut se comprendre, mais désole les enseignants des grandes classes, qui ne savent plus où donner de la tête pour aider leurs élèves en grandes difficultés.

Le profil des élèves que les maîtres E et G sont censés prendre en charge est défini assez précisément par des directives ministérielles : ces enseignants spécialisés ne doivent pas prendre les élèves en moyenne difficulté, mais pas non plus ceux qui connaissent des retards ou des difficultés massives.

Ce qui a comme résultat, pour nous, au bout du compte, de constater que ces élèves en difficultés massives n’ont de place nulle part.

Ils ne sont pas dans la norme des élèves qui, connaissant des difficultés, sont capables de suivre la classe à son niveau propre (lesquels relèvent d’un PPRE : Programme Personnalisé de Réussite Educative, rédigé et mis en place par l’enseignant au sein de sa classe ; ils peuvent être aussi aidés par le PDMQDC). Ils ne sont pas non plus dans le profil des élèves reconnus comme ayant un handicap, qui ont droit ou bien à une aide en classe par les Auxiliaires de Vie Scolaire ou bien à une scolarité en CLIS (les Classes d’Intégration Scolaire qui ont pour vocation de recevoir des enfants présentant un handicap physique ou mental – un retard important)…

En somme, ils sont au-dessus, pour leurs difficultés, des élèves qui bénéficient d’un PPRE ou qui sont pris en charge par le PDMQDC, au-dessus de ceux qui sont pris par le Rased, mais ils sont en dessous de ceux qui sont reconnus comme souffrant d’un handicap… Ils ne peuvent pas suivre l’enseignement de la classe, mais aucune des structures d’aide ne leur correspond.

La conséquence logique de cette situation, c’est que c’est à nous, enseignants des classes ordinaires, qu’il revient d’assumer d’aider au mieux ces enfants. Mais l’ampleur de leurs difficultés n’est, à ce jour, reconnue nulle part. Autrement dit, certains de nos élèves, avec leurs difficultés massives – ceux qui par exemple ne travailleront qu’au niveau du CP dans un CE2 –, n’existent tout bonnement pas, officiellement.

 

Depuis l’an dernier, un nouveau sigle est arrivé, les PAP : Plan d’Accompagnement Personnalisé. Et il semblerait que, cette fois, nous ayons un document à remplir qui pourrait rendre compte de la présence de ces élèves dans nos classes. Rien ne changera réellement pour eux, mais ils existeront, administrativement.

Cette bonne nouvelle pourrait être vu comme un cache-misère inventé pour masquer le fait que les structures qui prennent en charge les élèves en immense difficulté, à savoir les MDPH (Maison Départementale pour les Personnes Handicapés), qui attribuent les aides sur dossiers, sont de plus en plus sollicitées, et, depuis quelques années, submergées.

Comme toujours dans ce cas, quand les structures d’aide ou d’accueil aux enfants qui ont besoin d’une scolarité adaptée ferment ou diminuent en nombre, on renvoie tous ces enfants vers les classes ordinaires. Charge aux enseignants de les intégrer, de les aider, de remplir des documents souvent assez complexes, pleins de tableaux et d’items à cocher, qui ne suffisent pas toujours à dire la réalité des cas singuliers ; nous sommes tenus aussi de continuer à enseigner en suivant les programmes, comme si de rien n’était, comme si tous ces cas d’élèves en immense difficulté scolaire ne ralentissaient pas le fonctionnement des classes, n’occupaient pas le temps de préparation et ne dépensaient pas une grande part de l’énergie des enseignants, comme si cette situation n’était pas difficile pour tous les élèves réunis.

 

Reste aussi, bien sûr, cette question irrésolue : pourquoi de plus en plus d’élèves de plus en plus en difficulté ?

 

Toujours est-il qu’il semble que, chaque année, la situation prépare la dégradation de l’année suivante. Plus nous avons d’élèves en difficulté, plus nous avons du mal à les aider à progresser, et plus nous peinons à faire progresser les autres. Le nombre important d’élèves en difficulté fait persister la difficulté chez eux et, en même temps, la crée chez d’autres, qui auraient pu ne pas se retrouver en difficulté – ou moins.

Autrement dit, le grand nombre d’élèves en difficulté est en soi une des causes de l’augmentation du nombre d’élèves en difficulté, augmentation qui pourrait, dans la situation actuelle, prendre le chemin d’une progression exponentielle. Je n’aime pas avoir ces visions cauchemardesques, mais il y a des jours où je me demande… Bien sûr, il existe certainement des remèdes. Mais les trouver et les mettre en œuvre ne pourra pas se faire en un jour.