Fruits de la Terre
La semaine dernière, j’ai fait une leçon sur la Terre qui tourne autour du Soleil.
Je voulais que les élèves comprennent à quoi étaient dues les saisons.
On rappelle d’abord ce qu’on sait – ou pas – : les saisons, leurs noms, leurs différences, les fleurs au printemps, les fruits en été, les feuilles qui jaunissent et qui tombent en automne, et en hiver, les oiseaux migrateurs, les animaux qui prennent un poils épais, ceux qui hibernent, les arbres « tout nus »… On revient sur ce que c’est qu’une année : 365 jours, le temps pour la Terre de faire un tour complet autour du Soleil ; je leur fais remarquer qu’ils grandissent avec la Terre qui tourne et qu’ils prennent un an à chaque fois qu’elle revient au même endroit ; pour Léo, elle est là, pour Elise, plutôt par là…
Et puis je leur demande : « A votre avis, comment se fait-il qu’il y ait des saisons ? Pourquoi on n’a pas le même temps toute l’année ? »
Réponses :
« – Parce que c’est le climat !
– Parce que sinon, les plantes ne pousseraient pas…
– Ce ne serait pas la lune ?
– Peut-être parce que la Terre est plus loin du Soleil en hiver ? »
Voyant qu’ils ne trouveront pas, j’entame le sujet de l’inclinaison de la Terre. En passant par les notions de pôle, d’hémisphère, d’équateur, d’axe de rotation… C’est donner beaucoup de vocabulaire, alors j’y vais doucement, je répète, je mime, je reprends plusieurs fois, je fais répéter… J’insiste sur le secret du jour : « l’inclinaison de la Terre ».
Pour faire une petite démonstration, j’avais pensé utiliser une orange transpercée d’une aiguille à tricoter, mais au moment de partir de chez moi, dans la course du matin, j’ai oublié. Coup de chance, aujourd’hui, j’ai une pomme dans mon sac, et dans mon pot à stylos, un crayon à papier bien appointé, alors je prends la pomme, le crayon, et je pique le crayon dans la pomme. Ce n’est pas si facile, il faut forcer un peu. Pierrot, au premier rang, murmure : « Pauvre crayon… » A quoi je réponds : « Pauvre maîtresse, plutôt, regarde. Je viens de me blesser la main avec la pointe du crayon ! »
J’envoie Léo en salle de maîtres chercher un ballon dans la caisse de jeux, puis je lui demande de tenir le ballon –rouge– bien haut, face à la classe pour représenter le Soleil ; je dessine un équateur au feutre, je marque d’une croix notre position sur la Terre, je penche la pomme sur son axe-crayon, et puis je fais tourner la pomme autour du ballon, tout en la faisant tourner sur elle-même en gardant l’axe incliné. Je prends une règle, pour figurer les rayons du Soleil, pour montrer que quand ils arrivent avec un angle serré, il fait chaud, c’est l’été, mais que quand on passe de l’autre côté en gardant la pomme inclinée, les rayons – la règle – rasent tout doucement la Terre – la pomme –, et là, c’est l’hiver… Donc rien à voir ni avec la lune, ni avec la distance entre la terre et le soleil… S’il y a des saisons, c’est parce que « la terre est inclinée sur son axe de rotation ». Je défie les élèves de répéter l’expression complète, ils se prennent au jeu, lèvent tous la main, et la redisent un par un.
Je recommence plusieurs fois la petite démonstration : été, hiver, été, hiver, et puis automne, printemps… Ils ont l’air de suivre assez bien. Je sais qu’ils ne retiendront pas tout aujourd’hui, mais je compte y revenir plus tard, leur faire recommencer la manipulation, leur donner des schémas, montrer une vidéo, reparler de tout ça d’autres fois avec eux tout au long de l’année. Pierrot – qui reprend son CE2 avec moi – trouve que j’ai mieux expliqué que l’an dernier. « Oui, mais tu te souviens, l’an dernier, c’était compliqué… » Il admet d’un : « Ah oui, c’est vrai. »
Je demande : « Est-ce qu’il y a quelque chose que vous n’avez pas compris ? »
Lili lève la main : « Moi, ce que je n’ai pas compris, c’est : ‘inclinaison’. C’est quoi, ‘l’in-cli-nai-son’ ? »
Hum. Allons bon. Soit. Recommençons : je demande aux élèves de répondre, je donne des synonymes, je remontre avec la pomme, je mime l’inclinaison en me penchant. Lili dit : « Ah d’accord. »
Je conclus : « Vous pouvez vous amuser à faire ça à la maison devant une grosse lampe, avec une orange, je pensais en prendre une, mais je l’ai oubliée, c’est pour ça que j’ai pris une pomme. »
Et Lili, dans le brouhaha naissant d’une fin de séance : « Est-ce que je peux prendre une banane ? »
Stupeur dans la classe. Rires étouffés. Maîtresse figée yeux plissés.
Alors elle ajoute, un peu inquiète : « Parce que moi… je n’ai pas d’oranges, à la maison. »
J’ai couru dès que j’ai pu raconter la petite scène à ma collègue voisine.
C’était bien, aussi, les années où on décloisonnait, quand elle prenait mes élèves en sciences, et moi les siens en chant…