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Réunion TPE

Reçu d'Emmeline le 23/05/00 :

Compte rendu de la réunion sur les TPE du jeudi 18 mai 2000 (Lycée Jules Ferry, Coulommiers)

Une trentaine de collègues étaient présents à cette réunion dont le but était de faire le point sur cette réforme que le Ministre de l'Education nationale a maintenue : dès la rentrée prochaine chaque établissement doit mettre en place les TPE pour une classe de Première, mise en place généralisée à toutes les classes de Première dès le mois de janvier 2001(Cf. le point de presse du 27 avril dernier). Lors de ce même point de presse, le Ministre a précisé que " les enseignants doivent pouvoir se réunir, travailler collectivement pour proposer des thèmes à la portée de leurs élèves " : aucun temps n'ayant été dégagé par qui que ce soit, il nous a paru urgent d'organiser cette rencontre pour que nous puissions organiser cette rentrée. En effet :

- Nous ne savons pas précisément en quoi consistent ces TPE : ils sont en phase d'expérimentation, mais aucun bilan ne nous parvient. Pourtant, cette " expérimentation sans bilan " a pour conséquence automatique leur mise en place à la rentrée... Peut-on encore parler d'expérimentation ?

- Les TPE impliquent une modification des pratiques de l'enseignement au lycée, voire une modification de la finalité du lycée : le dossier préparatoire de l'Académie de Montpellier indique qu'il s'agit, par le biais de ces travaux, de permettre aux élèves de trouver une nouvelle légitimité aux cours qu'ils suivent, parce qu'ils pourront leur permettre de faire leurs TPE. Par ailleurs, la question de l'évaluation de ces travaux pose le problème de l'introduction du contrôle continu au baccalauréat, ce qui changerait la nature de cet examen.

- L'application de ces TPE, au vu des moyens qu'elle exige, paraît impossible : si l'on se réfère aux analyses du dossier préparatoire de l'Académie de Montpellier, il faut des salles spécialisées, de taille adaptée au travail par petits groupes, il faut du matériel (ordinateurs, documents divers...), il faut du personnel pour encadrer les élèves (cette tâche sera-t-elle dévolue aux professeurs, au détriment des horaires consacrés aux enseignements fondamentaux ? ou bien faudra-t-il avoir recours, comme il en est question dans ce document, à des aide-éducateurs ?), il faut un emploi du temps qui tienne compte des " plages TPE " (ce qui signifie à très court terme l'ouverture du lycée le samedi matin).

Dans plusieurs établissements nos collègues ont refusé d'appliquer ces TPE, et ont motivé leur refus dans des lettres adressées aux parents, dans des motions lues dans les CA. Il faut que nous discutions de ce projet séduisant en tant qu'il se propose de permettre aux élèves un véritable apprentissage de l'autonomie, la production d'un " chef d'œuvre " (cf. point de presse du Ministre), mais qui court le risque, comme le signale le Ministre, de se retourner contre lui-même si les conditions pratiques de sa réussite ne sont pas réunies. Le sont-elles ?

Après cette présentation, un tour de table a permis de préciser les enjeux :

La signification du sigle : les TPE sont des travaux personnels encadrés. Chaque élève devra, avec l'aide d'un professeur, choisir un sujet précis à partir d'une liste nationale de thèmes, de telle sorte que ce sujet concerne deux disciplines dominantes de sa série. Il disposera de deux heures par semaine et devra bâtir une problématique sur ce sujet, pour fournir en fin d'année une présentation écrite de son travail (sur traitement de texte), un carnet de bord (sorte de journal de recherche tenu tout au long de l'année), une production concrète (expérience scientifique, création, dossier, CD-ROM, exposition...) et devra être capable en vingt minutes d'exposer ce travail et de subir un entretien.

La question de la dispersion géographique des élèves du lycée est posée : si les deux heures hebdomadaires au lycée ne suffisent pas, comment feront-ils pour se retrouver et travailler ensemble ? Par ailleurs, les élèves qui disposent chez eux d'un traitement de texte, d'un accès à Internet, d'une bibliothèque fournie, seront privilégiés par rapport à ceux qui n'auront accès qu'aux seules ressources du lycée, où ils ne peuvent pas passer leurs soirées ni leurs jours de congé.

Les collègues de SVT ont pris la parole pour expliquer en quoi avait consisté l'expérimentation des TPE dans leur discipline cette année : ils ont précisé que cette expérimentation n'avait concerné que les élèves qui avaient choisi l'option science expérimentale, et qui s'étaient montrés motivés par cette forme de travail : l'abandon de 11 élèves sur 33 a donc été toléré, en accord avec l'administration. Les élèves ont pu sélectionner des sujets qui les motivaient, ils ont proposé des problématiques, imaginé des protocoles d'expérience, fait des recherches au CDI et ont présenté leur travail lors d'un oral, sans lire de notes. Cette manière de travailler leur a paru très intéressante pour les élèves qui ont mieux pu comprendre ce qu'ils faisaient en cours.

Cette présentation a suscité plusieurs remarques :
- Il s'agit donc d'un public de choix, et la question se pose de la faisabilité de ces travaux avec une population lycéenne lambda.
- Il semble que cela ne puisse pas fonctionner dans toutes les disciplines : par exemple, laisser les élèves se livrer, sans surveillance, à des expériences de sciences-physiques, c'est courir le risque de faire exploser le lycée.

Des collègues attirent notre attention sur le fait qu'au-delà des motivations pédagogiques, c'est le statut des professeurs qui est mis en cause, que ce n'est pas une réforme de surface, mais un profond bouleversement des pratiques des enseignants : le statut disciplinaire est cassé, cela supprime deux heures de cours dans la discipline, l'annualisation des 72 heures par classe est à l'horizon, de même que le recours massif aux emplois-jeunes (= personnel non qualifié). S'agit-il de vider l'Education Nationale des enseignants qualifiés ? S'achemine-t-on vers les 35 heures de présence des enseignants au lycée ?

Puis plusieurs collègues font des remarques qui mettent en balance la séduction du projet et son efficacité pédagogique dès lors qu'il entre en concurrence avec les enseignements fondamentaux :

- Si cela s'apparente à un mémoire de maîtrise, alors cet exercice de type universitaire est beaucoup trop difficile pour des élèves de Première. Si c'est un simple exposé, alors cela n'a guère d'intérêt.
- Si nous perdons des heures en classe entière, la méthodologie nécessaire aux élèves pour trier et hiérarchiser les informations leur manquera.
- Si les " heures TPE " sont prises sur les modules, alors c'est un miroir aux alouettes car en Lettres une heure de cours a déjà été perdue en classe de Seconde cette année, et elle manque. Il serait préférable de donner des moyens pour travailler " en plus ", d'arrêter de rétrécir les horaires, mais de les agrandir. Nous ne sommes vraiment pas dans le temps du chef d'œuvre, il faudrait se montrer modeste : un tel projet n'a rien de séduisant en rognant dans ces conditions.

Des collègues insistent sur la tendance consumériste des élèves que les TPE ne feraient qu'aggraver. C'est déjà repérable:

- au CDI : notre documentaliste insiste notamment sur l'extraordinaire demande de photocopies et les efforts qu'elle doit faire pour obtenir des élèves qu'ils sélectionnent les documents dont ils ont besoin.
- lors des séances d'A.I. : les élèves sollicitent le professeur ponctuellement, quand ils pensent en avoir besoin, sans inscrire leur démarche dans le long terme.

S'agit-il de nous transformer en larbins, en animateurs ayant perdu leur autorité, la seule légitime, celle qui se fonde sur le savoir ?

La question de la responsabilité est soulevée : comment faire l'appel lorsque les élèves sont dispersés dans le lycée ? Faudra-t-il aussi faire l'appel au CDI ?

A propos du CDI, pièce maîtresse dans l'organisation des TPE, notre documentaliste fait valoir le manque de personnel qualifié pour faire face à l'arrivée de toutes les classes de Première.

Une collègue nous expose le système des dossiers de STT : une réforme introduite il y a quatre ans exige des élèves qu'ils présentent au baccalauréat sous forme de dossier les dix activités réalisées en Première et en Terminale. Les collègues ont constaté que l'investissement des professeurs dans les dossiers est très variable et qu'il y a de grandes différences d'un lycée à un autre... ce qui signifie que se trouvent en concurrence des dossiers d'élèves et des " dossiers-profs ". Par ailleurs, il arrive que des dossiers soient " recyclés " d'une année sur l'autre, et cette fraude n'est pas évidente à repérer... La moyenne de cette épreuve est très élevée (14/20). Enfin, malgré le grand nombre de postes informatiques présents au lycée, les collègues de STT disent avoir du mal à s'en sortir.

Deux remarques sont formulées suite à cette intervention :
- Les collègues observent que le risque du " TPE-prof ", et même du TPE tout prêt sur Internet existe bel et bien.
- Un collègue nous met en garde contre le risque que nous courons si nous limitons notre réflexion à la question des moyens : c'est à la finalité de l'école que nous devons réfléchir, car les moyens sont toujours au service d'une fin qu'il convient d'analyser, c'est là que se trouvent les véritables enjeux.

Plusieurs modalités d'action ont été proposées au terme de cette réunion :
- Rédiger une motion qui sera lue au CA, dans laquelle les collègues expriment leur refus d'appliquer les TPE l'année prochaine ?
- Préparer une pétition qui exposera les raisons du refus d'appliquer les TPE l'année prochaine ?
- Participer au mouvement de grève prévu la semaine prochaine ?

Pour télécharger le texte : tpecr.rtf

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