2) Sur le papier: programme ambitieux et littéraire (tout l'héritage littéraire et humain!):dans la pratique : beaucoup plus d'activités orales et écrites avec une réduction importante d'horaires (- 25% en seconde cette année; suppression d'une heure de module l'année prochaine en 1ère) Ex : en 4 heures/semaine à la rentrée 2001 en 1ère S ou ES, nous devrons étudier des textes littéraires et non littéraires, analyser des documents de tous types, faire étudier ou lire au moins 6 oeuvres ainsi que leurs " états successifs " pour certaines ( remaniements etc.), développer les exercices oraux (types exposés), faire des travaux d'écriture divers ( exercices très " mangeurs " de temps).

3) Ce décalage entre la multiplicité des tâches et l'horaire imparti conduira les professeurs à survoler et à bâcler l'étude d'oeuvres ou de textes (d'autant plus que le libellé des rubriques invite à privilégier l'aspect typologique ou énonciatif des discours au détriment de l'essentiel, le sens : qu'est-ce que ce texte, cette oeuvre apportent à ma compréhension du monde, de l'humain, en quoi développe-t-il ma sensibilité artistique?)

4) Les professeurs seront de fait obligés de délaisser l'étude littéraire et la réflexion abstraite et organisée au profit des travaux d'écriture (pas inintéressants en soi), du fait des épreuves du bac qui sont pour l'instant proposées (cf toujours les 2 BO). On propose deux types de sujet , l'un de réflexion, l'autre d'invention : tous deux relèvent dans leur formulation actuelle de la " culture créative " (le premier sous l'intitulé " convaincre et persuader ", propose des exercices du type imiter, transposer etc.; le second consiste à " imaginer " (narration ; écriture poétique etc.). Outre la difficulté d'évaluer ce type de travaux (l'expérience montre la difficulté pour un professeur de noter, c'est-à-dire de sanctionner éventuellement, la création littéraire chargée de l'affectivité et de l'intimité d'un adolescent), on peut se demander si ces travaux (déjà pratiqués au collège) suffisent à la formation d'un futur bachelier. Les deux sujets de bac supprimés (commentaire d'un texte littéraire et dissertation sur une oeuvre étudiée) peuvent être discutés et améliorés, mais ils ont le mérite de former l'esprit à l'argumentation organisée, rigoureuse et synthétique, qualité intellectuelle qui prépare à l'année de philo et aux études supérieures. Le ministère affirme dans la réponse au Monde (14/O3/OO) que ce type d'exercices n'est pas supprimé. Qu'on nous le prouve en rétablissant des épreuves au bac allant dans ce sens ! Sinon on assiste bien à une baisse des exigences intellectuelles.

5) L'inquiétude est d'autant plus forte que les collègues d'autres matières partagent notre analyse pour leur propre matière (par exemple en maths où la part du raisonnement semble dévalorisée, en langues, où l'on veut privilégier les notions utilitaires au détriment de la connaissance des civilisations et cultures). La projet de nouveau CAPES enfin , n'envisage même plus une évaluation de la connaissance dans chaque discipline, préalable indispensable selon nous à toute évaluation professionnelle.

C'est pourquoi cette réforme risque d'aggraver les inégalités qu'elle prétend combattre, en abaissant ses exigences intellectuelles .

Isabelle Boivin, professeur au Lycée François 1er , Le Havre.