On a assisté, sous divers arguments, à la disparition des techniques de calcul et notamment de calcul mental (une bonne partie de l'apprentissage de la division – sans poser les soustractions – est une technique mentale)
Malgré le fait que les directives officielles prétendent être sorties de la période formaliste, voyons comment est traité le calcul mental actuellement et dans les vieilles progressions
1) Dans les vielles méthodes :
Deux exemples : Cours de CM1 et 2 de la progression de 1892
(tirés de vieux manuels)
1) Multiplication mentale de deux nombres compris entre 11 et 20
Règle : Pour trouver le produit de deux nombres compris entre 10 et 20, on ajoute les unités du deuxième nombre au premier nombre, on écrit un zéro à la droite du total, et on ajoute à ce total le produit des unités des nombres proposés.
Exemple :
Pour 13 fois 18, on fait 13 + 8 = 21 auquel on ajoute un zéro
: 210. 3 fois 8 égal 24 . Le résultat est donc 210 + 24 =
234.
2) Quelques règles de base de calcul mental ( en se limitant
à l'addition)
Tiré de X. Et O. MORTEUX : Nouvelle arithmétique des
écoles primaires ( 1932)
Règle 44 ) Commencer par les plus hautes unités
Règle 45 ) Arrondir l'un des nombres
Règle 46 ) Addition de deux nombres plus grands que 100 »
Remarques :
Les vieilles méthodes "méprisent l'intelligence" : la
rédaction même de la règle sur la multiplication des
nombres entre 11 et 19 n'explique rien, se réduit à la description
la plus brève. Il est dit, par exemple : "on écrit zéro
à la droite du total" et pas : "on multiplie par 10" . Mais cette
forme de réaction atteint son but - en CM - qui est un moyen rapide
d'obtenir le résultat. Et comme elle se présente elle-même
comme une méthode de "calcul rapide", il est normal qu'elle n'explique
rien car l'utilisation de "l'intelligence" dans ce type de situations réflexes
est
1) une perte de temps
2) une surcharge de l'activité intellectuelle qui rend difficile
ou impossible le calcul lui-même .
D'autre part, le calcul mental est présenté pour ce qu'il est, c'est-à-dire une technique différente du calcul écrit qui a ses propres règles qui sont donc exprimées explicitement en tant que règles.
2) Dans les méthodes modernes:
Ce que j'ai pu constater dans mes classes est une grande difficulté
à faire du calcul mental. A part le fait que les élèves
ne connaissent pas leurs tables, ce qui est déjà grave, il
est manifeste qu'on ne leur a jamais appris les techniques particulières
du calcul mental. Quelques exemples:
- pour les additions et les soustractions, les règles particulières
ne sont manifestement plus enseignées - les programmes ne mentionnent
plus depuis longtemps que les calculs mentaux se servent de techniques
particulières - ils effectuent mentalement les opérations
en reproduisant le calcul écrit, c'est-à-dire en commençant
par la droite; ceci les oblige à mémoriser des retenues,
ce qui met même en difficulté ceux qui connaissent leurs tables
et calculent assez bien. Bien sûr, aucun ne connaît explicitement
les techniques de calcul mental : sauf quelques exceptions qui ont en général
deux origines : "c'est ma grand-mère qui m'a expliqué comment
on faisait de son temps" ou des élèves d'origine marocaine
ou tunisienne.
- pour diviser par 4, ils ne divisent pas deux fois de suite par 2
mais posent mentalement la division écrite . Ceci - utiliser pour
le calcul mental l'image visuelle de l'opération écrite -
est général : on aboutit ainsi facilement à rendre
impossible tout calcul mental
Si l'on quitte maintenant ce que l'on peut observer directement , passons
à la manière dont le calcul mental est traité dans
les manuels.
Non seulement, il n'est écrit nulle part de manière explicite
que le calcul mental a des règles particulières qui ne peuvent
être connues que si elles sont clairement énoncées
mais l'on a même des exemples ou est explicitement fait le contraire.
En général, les livres de sixième ne donnent pas
de règles précises de calcul mental puisque les élèves
- 1) sont censés en connaître les règles, ce qui
est faux
- 2) parce que la logique formaliste - qui nie l'utilité des
automatismes et oppose comprendre et apprendre en supposant que la justification
théorique doit précéder et la pratique elle-même
et la possibilité de connaître un résultat- est toujours
à l'œuvre.
Or, toutes les règles importantes de calcul mental supposent
la connaissance de règles de calcul qui tournent autour de la distributivité
et des priorités opératoires qui ne sont pas au programme
de sixième. Un seul livre à ma connaissance échappe
à cette optique : le Décimale Sixième ( BELIN - Edition
96) qui traite , page 13 , correctement deux exemples 47 + 26 et 52 x 3
tout en étant beaucoup moins riche que les vieilles progressions.
En cinquième sont au programme les suites d'opérations
et le distributivité et peut donc apparaître – en toute logique
formaliste - le calcul mental. On peut prendre un exemple particulièrement
significatif qui calque les techniques de calcul mental sur les techniques
de calcul écrit et confonds sans arrêt les deux niveaux, exemple
tiré du Bordas de cinquième dirigé par M. Eric Serra,
IPR à Nice.
On lit textuellement page 15 de l'édition de 1997: ( les mots
soulignés le sont par moi ainsi que les remarques entre [])
« Exemple : Calculer mentalement B = 5,4 x 98
On peut effectuer 5,4 x 98 [ mentalement ?] , mais il est
plus intéressant [ Pour qui ? Pourquoi? Pour justifier que le
programme est faisable et "logique" ?] de remplacer 98 par 100 - 2 et
d'effectuer les opérations sous la forme développée:
Or, ce qui est décrit ici n'est pas une technique de calcul mental, mais la justification écrite - sur un exemple - de la validité d'une technique de calcul mental pour celui qui a auparavant compris la distributivité ( je m'exprime ici dans la problématique formaliste car les anciennes progressions ne présentaient pas la multiplication en l'opposant à la distributivité). Et tout élève qui essaie , en bon élève, de retenir visuellement la suite d'égalités en tant que méthode de calcul mental ainsi présentée ne pourra jamais la reproduire en tant que telle. Si l'on veut vraiment sauver la prose de cet exemple , on pourrait remplacer "Calculer mentalement" par "Calculer par écrit sans avoir le droit de poser de multiplications", ce qui est un exercice possible mais dont le but est seulement de vérifier - sur un exemple numérique- la compréhension de la distributivité par l'élève.B = 5,4 x 98
B= 5,4 x ( 100 - 2 )
B = 5,4 x 100 - 5,4 x 2
B = 540 - 10, 8
B = 529,2 »
Règle 1 :Pour multiplier (ou diviser) une somme ( ou une différence ) par un nombre, on doit multiplier ( ou diviser) tous les termes de la somme ( ou de la différence) par ce nombreL'écriture des exemples de ces règles peut se faire par des égalités comportant une seule opération dans chaque terme, donc dés le CM1 mais permet, à terme , d'éviter par exemple la simplification de fractions de la forme 3x / (6+5 x) avec pour résultat x/ (3 + 5 x). Mais comprendre cela signifie comprendre que le calcul algébrique est une automatisation du calcul arithmétique et que cette automatisation du calcul arithmétique ne peut être comprise que si l'on a compris le calcul arithmétique. Tenter de supprimer le calcul arithmétique en le remplaçant par le calcul algébrique ou par l'utilisation des calculettes aboutit , en espérant "gagner du temps", à une non-maîtrise et de la calculette et du calcul algébrique , c'est-à-dire que les élèves suivent aveuglement les règles formelles du calcul algébrique ou les résultats donnés par les calculettes. C'est ainsi qu'au nom de la " recherche du sens" pensé en tant qu'opposé à la pratique du calcul, on obtient une baisse des capacités en calcul accompagné d'une incapacité de maîtriser le "sens". Le même type de raisonnement vaut pour la résolution arithmétique des problèmes par rapport à la résolution algébrique: les deux ne s'opposent pas et, tout au contraire, sont complémentaires
Règle 2 : Pour multiplier (ou diviser) un produit par un nombre, il suffit de multiplier ( ou diviser) un facteur du produit par ce nombre.
En ce sens , on peut replacer tout cela dans un ordre qui ne produit pas par lui-même des obstacles pédagogiques - mais ces obstacles pédagogiques sont le terrain nourricier des SDE, qui les ont créés en détruisant les vieilles progressions -:
- Apprendre en CM les règles de calcul 1, 2
- Les pratiquer longuement , soit en calcul mental ( calculer mentalement
des produits du type 54 x 98), soit dans des problèmes incluant
la proportionnalité ou la proportionnalité inverse et la
proportionnalité multiple ou composée. Les élèves
adorent ça et c'est très formateur : Si x poules pondent
y oeufs en z jours Etc...Et il vaudrait beaucoup mieux leur proposer un
cours la dessus - je sais , il est infaisable si la base n'est pas la règle
de trois- que de présenter ce type de problèmes comme des
problèmes "exotiques" en CM1, CM2, sixième ( et cinquième?).
- Introduire une conséquence de la distributivité de
la multiplication par rapport à la division en cinquième
ou en quatrième sous la forme d'exercices du type " Sans poser de
multiplication, calculer en ligne : 2,13x4,732+2,13x5,268": la distributivité,
en
tant que règle de calcul algébrique, passera d'autant
mieux que les élèves maîtriseront bien, et depuis longtemps,
le calcul arithmétique.
Et, pour la fin, problème de calcul mental de CM2 ( Lemoine : 160 leçons d'arithmétique Hachette - 1910):
Problème de calcul mental N° 2800 - page 280:
Calculer le prix de 120 m de drap à 14 F, 50 le mètre.
Poser ce problème à votre enfant ou à vos élèves non pas de CM2 mais de troisième ou de terminale : ainsi l'on pourra comparer en satisfaisant les critères définis par Messieurs Baudelot/Establet , l'Inspection Générale et les conseillers pédagogiques en tout genre : ils ont dit que l'utilisation des calculettes devait s'accompagner d'une hausse du niveau en calcul mental pour calculer les ordres de grandeurs ( et ils ont simultanément dit, ce n'est pas indépendant, qu'il ne fallait plus faire d'opérations à la main).
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