ÉAF 2002 : comparaison de consignes de corrections pour l'écrit des séries technologiques
A) Concernant l'orthographe : * G. Pénalisation ne dépassant pas 3 points, à raison d'un point par tranche
de 16 fautes (se souvenir que certaines copies dépassent les 50 erreurs,
sans parler de la correction syntaxique des phrases).
* R. Pénalisation maximale limitée à 2 points, étant précisé "pour une
expression négligée sur le plan de l¹orthographe et de la syntaxe.". Faire
remarquer qu'avec 30 fautes d'orthographe ou plus, et une phrase incorrecte
sur quatre, on peut théoriquement obtenir 18 en français ! * N. Même limitation à 2 points de la pénalité pour "méconnaissance grave
de l'orthographe", sans autre précision sur la façon de déterminer le degré
de "gravité". B) Concernant les questions : * N. reconnaît que la paraphrase pure et simple des textes sera admise ("On
n'attribuera pas le maximum de points aux copies qui [...] se contentent de
redire les idées du texte, sans les déformer"), un comble ! Il est vrai
qu'il est toutefois déconseillé dans ce cas d'attribuer le maximum des
points ! D'ailleurs on voit mal comment concilier cela la consigne précise
associée à la 2e question ("conformément aux consignes nationales, une
identification [...] des procédés sera attendue.")... * G. plus sérieusement, exige que la question soit prise en compte,
c'est-à-dire que des procédés comiques soient identifiés et nommés ; si tel
n'est pas le cas, "on ne dépassera pas 2 points sur 4", et encore :
seulement si "la copie est bien rédigée". * R. , mi-figue mi-raisin, n'entérine pas la paraphrase puisque "quelques
procédés caractéristiques "doivent être "signal[és]", mais ne va pas
jusqu'à la sanctionner puisqu'il suffira que les procédés soient "signal[és]
plus ou moins précisément" . C) Concernant le sujet dit "d'invention" : * G. Deux types de consignes, "on valorisera" et "on ne pénalisera pas",
formulation ô combien significative ! * R. se démarque de Grenoble, ou, plus exactement, donne explicitement la
consigne de tolérer le nom respect d'une partie des consignes ; il est
précisé en toutes lettres "On tolérera que certaines [des consignes] ne
soient pas totalement appliquées", au motif qu'elles sont "nombreuses
(dialogue, procédés comiques, un M. Jourdain contemporain, situation
imposée)". Aurait-on oublié que le sujet est proposé à des lycéens en fin de
première et non à des élèves de quatrième ? NB : Les consignes nationales précisaient pourtant explicitement que "La
remarque concernant le niveau de langue vise à contraindre les candidats à
tenir compte du contexte et à éviter l'utilisation d¹un contexte par trop
familier". On peut se demander ce que devient la "contrainte" lorsque les
consignes académiques invitent les correcteurs au laxisme. * N. est la seule des trois académies à oser aborder la question de la
longueur du devoir : "on attendra une longueur acceptable compte tenu de la
durée de l'épreuve. Par souci d'équité par rapport aux autres travaux
d'écriture, on pénalisera les copies manifestement trop courtes." On
remarquera cependant que le sens du terme "acceptable" est laissé à
l'appréciation du correcteur... (A titre d'exemple, une écrasante majorité
des devoirs que j'ai corrigés ne dépassait pas une page - et il ne
s'agissait pas de candidats ayant une écriture particulièrement petite...). D) Concernant le commentaire : * G. Outre la mention "on se reportera avec profit aux suggestions du
corrigé" (national - lequel fournit un plan, certes, mais pas de barème
indicatif), il est demandé de "valoriser les copies qui auront perçu dans
l'extrait plus qu'une parodie du discours pédagogique". Ainsi, celles dont
le commentaire se limiterait à cela ne seront pas pénalisées ? Le niveau
monte, on vous l'a toujours dit ! * à N. on est plus sérieux : " On n'attend pas des candidats une réponse
aussi exhaustive que celle des consignes nationales de correction. En
revanche on attend qu'ils donnent quelques-uns des points cités. D'autre
part, on acceptera toute interprétation personnelle dans la mesure où elle
est étayée par une analyse du texte. On pénalisera les copies qui ne vont
pas au-delà de la paraphrase; ne présentent pas une organisation décelable;
ne font aucune référence au texte. On valorisera les copies qui insèrent
habilement les citations ; envisagent les aspects de mise en scène." * à R. , comme à N., on attend que "le candidat repère et développe
certains des éléments suivants" (suit une reproduction du corrigé national).
En revanche, et au mépris de ce qui a dû être travaillé en classe, "on
acceptera les réponses qui se présenteront sous la forme de deux parties
séparées." : les candidats qui se seront efforcés de rédiger un tout
cohérent, suivant en cela la démarche que leur professeur leur a enseigné,
n'auront donc rien gagné à cet effort. Cela s'appelle "valoriser" la
paresse. E) Concernant la dissertation : * G. juge nécessaire, alors même que le sujet porte explicitement sur le
théâtre, de préciser que les exemples fournis par les candidats "doivent
être pris dans le domaine du théâtre". Et contrairement à ce que l'on
pourrait croire, cette précision n'a rien d'inutile : moult copies ont cité
Candide... * R. reprend le plan proposé en guise de corrigé national (sans barème) et
se contente d'ajouter: "Tout autre plan pertinent serait accepté."
La remarque suivante est plus intéressante, parce que révélatrice: "Le
corpus permet d'étayer la réflexion en fournissant des exemples précis. On
valorisera les candidats qui sauront puiser dans leur culture personnelle
même si par ailleurs ils négligent certains aspects du corpus." On se
contentera donc, en guise d'illustration du propos de la première partie,
d'exemples fournis par les textes du corpus, et ce alors que les élèves ont
étudié au moins deux pièces de théâtre au lycée, sans parler des extraits,
et plusieurs autres au collège ! * N. est une nouvelle fois la plus nette et la plus courageuse des trois
académies en osant rappeler qu'il faut sanctionner "les copies qui ne
présentent pas une organisation décelable et se caractérisent par un
déséquilibre excessif."
Voir les sujets
En clair, une "bonne" paraphrase peut vous valoir jusqu'à 3,5 points à Nice,
mais 2 au maximum à Grenoble.
- Il sera attribué "un point par procédé évoqué "et "on valorisera tonte
analyse précise et bien développée même si le procédé n'est pas
explicitement nommé."
- "On acceptera une réponse texte par texte", alors qu'il devait s'agir,
avec l'introduction du corpus, d'évaluer la capacité à établir des relations
entre les textes. C'est bien l'aveu d'un échec que d'admettre un examen
successif des divers textes !
- Il est curieux que doive être "valorisé" - et non considéré comme un
impératif - le respect des consignes formulées explicitement par le sujet,
telles que "un Monsieur Jourdain contemporain", le fait que le devoir soit
un "véritable dialogue" et qu'il soit présenté comme un dialogue de théâtre.
- Il est demandé de "ne pas pénaliser les élèves qui font parler l'ami de M.
Jourdain dans un langage trop (c'est moi qui souligne - la formulation même
reconnaît qu'il y a matière à discussion) familier"; sans doute est-il
précisé "à condition qu'il y ait adéquation entre le langage et le statut
social de l'ami", mais ce statut social n'ayant pratiquement jamais été
précisé par une quelconque didascalie, il faut que le correcteur en suppose
l'existence s'il ne veut pas se retrouver avec une moyenne encore plus
basse.
- Le langage du M. Jourdain, lui ne doit pas offrir de "tournures
excessivement familières" (on admet donc
qu'une devoir de baccalauréat soit entièrement rédigé en langage familier.
Étonnant, non ?)
Il est en outre demandé au correcteur d'être "sensible à l'organisation du
devoir en deux parties bien distinctes" - comme si une dissertation ne
devait pas a priori être un propos organisé, comme si l'on ne pouvait pas
concevoir un plan en trois parties. Ainsi, cette consigne, de par sa seule
existence, est une reconnaissance du piètre niveau auquel les nouvelles
méthodes, la réduction des horaires de français (et, souvent, le peu de
travail personnel des élèves) conduisent les candidats : production d'un
texte décousu, et incapacité de sortir d'une pensée binaire.
07/2002