Ce paragraphe est un résumé de la critique de trois textes :
- le texte de la COPREM datant de 1983 et consacré au calcul
numérique (critique plus complète ici)
- un extrait de l'article "Intelligence" de Jean-François Richard
dans l'Encyclopedia Universalis (critique plus complète
ici
)
- une partie du livre de Alain Lieury "Méthodes pour la mémoire"
(critique plus complète
ici )
1) "Intelligence"
de Jean François Richard (Professeur de Psychologie à Paris
VIII)
L'auteur y décrit, sans tordre le nez, à coté des anciennes approches de compréhension de l'intelligence humaine (l'approche psychosomatique et l'approche piagétienne), la problématique du "traitement de l'information" et il précise sans honte :
"L'approche du traitement de l'information consiste à voir dans les conduites intelligentes des opérations de traitement d'information et à rechercher, pour une tâche donnée, un ensemble d'opérations de traitement qui simulent le comportement des sujets dans cette tâche. Généralement, on cherche à définir un équivalent de ces opérations à partir des manipulations d'informations que fait un ordinateur. Cela permet de construire un programme qui réalise une simulation sur un ordinateur ; et l'on peut comparer les productions du programme avec le comportement des sujets que l'on a observés. Si les sorties du programme sont suffisamment proches des actions des sujets, on considère que les mécanismes de traitement introduits dans le programme constituent un modèle plausible des mécanismes de traitement de l'individu.C'est-à-dire qu'il y affirme tout tranquillement que l'intelligence humaine se réduit au "traitement de l'information" – cette tarte à la crème qui permet de tout réduire à de "l'information" comme la mathématique moderne était toute fiére de montrer que tout était "élèment" ou "ensemble" – et que la "psychologie scientifique" ne reconnait dans l'inteligence humaine que ce qui est informatisable, c'est-à-dire qu'elle reduit l'homme à une machine.
Cette approche conduit à une analyse beaucoup plus poussée des opérations cognitives que dans la psychométrie ou la perspective piagétienne (…) Actuellement, l'analyse des tests et l'étude du développement de l'intelligence sont reprises dans la perspective du traitement de l'information"
L'autre intérèt de ce texte est de placer la perspective du "traitement de l'information" comme succédant à la perspective piagétienne car c'est exactement l'évolution des théories pédagogiques qui, à l'époque des maths modernes, étaient purement piagétiennes, pour devevenir, depuis les années 80 une décalque de la théorie de l'information, le nec plus ultra étant la "recherche d'algorithmes", car l'algorithme est la forme supérieure de pensée de la machine. Une étude plus approfondie montrerait non pas l'opposition mais le lien qui existe entre "l'optique piagétienne" et la "problématique du traitement de l'information" : cette dernière est l'héritière de ce que l'optique piagétienne avait de pire puisqu'elle séparait l'existence des "structures de pensée" des activités correspondantes de l'enfant, les structures étant préexistantes à l'expérience. La préexistence des structures à l'expérience allait comme un gant avec les maths modernes qui disaient exactement la même chose, d'autant que les structures piagétiennes étaient les structures importées du bourbakisme.Et la coupure allait très bien, déjà et toujours, avec le fonctionnement de l'ordinateur qui sépare les structures de l'intelligence de celles de l'expérience pour la bonne raison qu'il n peut pas intégrer ce qu'est l'expérience humaine.
2) La COPREM en 1983 : "Le calcul numérique"
Extrait :
2.4. Une question délicate : la division
L’algorithme de la division pose plus de questions d’enseignement que celui de la multiplication. D’une présentation moins facile, encore que certains maîtres savent bien la mettre en place auprès de leurs élèves,
[Est-ce aussi vrai aujourd'hui ? Les jeunes sortis des IUFM "savent-ils bien le mettre en place" en ayant suivi les conseils éclairés des pédaguogues de la COPREM ? Non, bien sûr, mais tout le monde s'en fout puisque le B.O. de l'an 2000 prévoit que l'on n'aura plus à faire de divisions]
il est aussi d’une exécution plus délicate dans le
cas général, avec la nécessité d’une estimation
(en tant il y va combien de fois tant ?) à chaque étape.
Les avis sont alors partagés, entre les deux positions extrêmes
:
— viser à l’acquisition sûre d’une technique de division
à la main
— abandonner la division à la main.
Il a paru prématuré dans le présent texte de trancher entre ces deux positions, ou d’opter pour une position intermédiaire. La question mérite d’être approfondie à l’occasion de l’étude du thème “algorithmes”, actuellement entreprise au sein de la COPREM.
[On peut bien sûr remarquer que, dans l'ensemble du texte, aucun argument n'est donné pour la défense prioritaire des opérations sur papier, et que le débat est en fait tranché par la victoire de ceux qui veulent abandonner la division à la main : mais l'annonce de l'abandon de la division à la main ne se serait pas fait dans un contexte aussi favorable qu'aujourd'hui car il manquait la cargaison de jeunes enseignants frais émoulus des IUFM et qui n'ont connu que ce qu'on leur a dit des "anciennes méthodes", c'est-à-dire pis-que-pendre et en déformant la réalité.
MAIS L'IMPORTANT N'EST PAS LA, il est dans le fait de confier le soin de trancher la question à une commision chargée de "l'étude des algorithmes", car cela équivaut exactement
- à dire qu'il faut abandonner la division à la main, dans la mesure ou l'on réduit l'intérêt de la division à son algorithmeDisons le d'abord de manière vulgaire – c'est-à-dire pour contrer l'opinion pédagogique dominante qui veut mettre partout et immédiatement "une activité purement mathématique", c'est-à-dire vide de sens à ce niveau – , l'algorithme, en tant que forme supérieure de l'automatisation de la pensée, est à l'intelligence même purement mathématique ce que le mode d'emploi (dans lequel justement Philippe Meirieu voulait que les enfants apprennent à lire) est à l'intelligence humaine, ou ce que les consignes de fonctionnement des machines-outils sont pour l'ouvrier sur une chaîne, c'est-à-dire la soumission de l'homme à la machine.
- à beaucoup plus encore dans la conception des mathématiques si l'on prétend que c'est dans le cadre d'une "études des algorithmes" que l'on peut prendre une décision pédagogique sur la nécessité d'apprendre la division à la main, fut-elle un algorithme, ce qui est vrai, ... en tant qu'algorithme.
Si l'on le dit de manière plus élaborée : cela revient non seulement à réduire la pédagogie à des procédures, mais même à réduire les mathématiques à ce qu'est capable de faire un ordinateur, c'est-à-dire une activité algorithmique** (Cf. la définition des ordinateurs donnée par G. IFRAH :
"Mais les limites des ordinateurs sont tout aussi claires : ils ne savent résoudre que des problèmes de nature algorithmique, c'est-à-dire ceux, justement, dont la solution n’est exprimable que sous la forme d'un algorithme. Aussi les ordinateurs ne font-ils que ce qui leur est dicté, dans une stricte obéissance et sans aucun discernement, quel qu’en soit le bien-fondé ou l’absurdité.** Si la COPREM vise non pas l'apprentissage des algorithmes, mais la "création" d'algorihtmes, il s'agit de toutes façons de réduire les mathématiques à une activité dont le nom même "création d'algorithmes" est sans contenu : la méthode est classique chez les formalistes qui croient que donner un nom suffit à créer la réalité désignée par ce nom.
Quant aux opérations que ces manoeuvres exécutent, ils les effectuent d'une tout autre manière que nous sans volonté, ni conscience, ni sentiment, ni intuition, ni pensée inductrice ")
Et citons les phrases luminueses de René THOM, qui, dans la critique qu'il fait de PIAGET publiée en 1982, voit le rapport entre les maths modernes, la répétition algorithmique et la réalité de l'être humain :
"Il y a dans l’activité mathématique une volonté délibérée d’ignorer le réel, et même d’ignorer parfois les contraintes imposées par ses propres règles : presque tous les progrès de l’algèbre sont issus de ce désir de réaliser des opérations interdites (nombres négatifs, rationnels, imaginaires, etc.). Or, il faut bien voir que cette audace imaginative a pour contrepartie l’inefficacité des actions qui réalisent ces structures. Illustrons ceci par un exemple (fictif) : supposons qu’un animal ait à sa disposition deux réflexes moteurs, désignés par les lettres a, b. Si cet animal est mathématiquement doué, il pourra symboliser l’ensemble de ses stratégies motrices par les mots du monoïde libre M (a, b) engendré par (a, b). Si ces réflexes conduisent à des translations effectives de l’animal, il existera des mots de longueur assez grande, qui, réalisés en déplacements, feront sortir l’animal de son habitat naturel et conduiront à sa perte. Ce n’est que si les réflexes sont totalement inefficients que la structure algébrique entière pourra se réaliser. L’exigence de la répétition formelle indéfinie des opérations est profondément non naturelle ; seul le miracle – isolé – des lois physiques a pu faire croire que cette construction avait un répondant dans la réalité. A prendre des exigences axiomatiques pour des structures fondamentales du psychisme, la théorie piagétienne a servi de caution à l’entreprise moderniste en enseignement des mathématiques, avec les conséquences fâcheuses qui en sont résultées. Sans doute, j’en suis profondément convaincu, les mathématiques « informent » le monde comme elles « informent » aussi notre propre structure. Mais ces mathématiques-là ne sont pas celles que nous connaissons, celles que les algébristes nous fabriquent dans l’élan têtu de l’itération indéfinie des opérations formelles. C’est au contraire dans l’étude des limitations naturelles des formalismes que réside la mathématique de demain."
(souligné par moi)
[Et on peut même le chanter en canon]
3) Alain Lieury : "Méthodes de mémoire"
Le cas d'Alain Lieury est un peu différent puisqu'il défend,
contre les théses modernistes, l'utilisation de la mémoire
et ne s'oppose pas donc aux "authomatismes" mais cette défense
- est pour le moins trouble lorsqu'il tente d'expliquer pourquoi
les exercices de mémorisation ont été abandonnés
(or, si l'on veut défendre une pensée scientifique, il est,
au minimum, indispensable d'expliquer pourquoi le courant "scientifique"
dont on se réclame a affirmé le contraire de ce que l'on
affirme maintenant)
- s'accompagne d'une description des conceptions de l'intelligence,
de la memoire, qui s'apparente directement au fonctionnement de l'ordinateur
et du marché avec, simple exemples,
l'introduction des concepts d'économie
cognitive, le stockage de la mémoire humaine identifié
au stockage dans la hiérachie des repertories d'un disque dur la
définition
du sens comme résultat d'un classement, conception à
la fois médiévale et informatique, etc. qui ne peuvent que
produire des résultats au minimum aléatoires dans les futures
"découvertes les plus récentes de la prsychologie cognitive"...
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