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L'ECOLE. REFORME ET DESINFORMATION

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Parents, on vous trompe !
Malgré tous les efforts pour le cacher, le niveau est désastreux. Quelle est donc cette école qu'on nous promet ?

Par Danièle Sallenave*, Professeur de lettres à Paris-X-Nanterre

Marianne, 22 au 28 mai 2000


Depuis une dizaine d'années, le discours sur l'école est le suivant : le niveau monte, les enfants, les adolescents sont de mieux en mieux formés, jamais la nation française n'a connu un tel bond en avant en matière d'instruction, de savoir, de connaissances. Il y a encore des élèves en échec ? Encore un peu de réforme, et les derniers obstacles à la réussite de tous seront levés.

La réalité est tout autre. Mais ceux qui le disent ne sont pas entendus, ou sont mal perçus. Pourquoi ? Parce qu'il leur manque le soutien de la presse ; mieux, parce que l'attitude de la presse dite de gauche est celle d'un appui inconditionnel à la réforme, d'un aveuglement volontaire sur ses échecs, d'une déconsidération générale de ceux qui s'opposent à elle et la dénoncent au nom du droit de tous à l'instruction. Dans cette campagne de désinformation, la presse bien-pensante occupe une place de choix, étant à la réforme ce que la Pravda était aux décisions du Comité central.

Il est donc urgent, nécessaire qu'un autre discours se fasse entendre dans la presse, afin qu'une autre facette de la réforme soit clairement exposée à ceux qui en sont les destinataires au premier chef : les élèves et leurs parents.

Parents, on vous trompe, on vous leurre et on vous ment.

D'année en année, l'école entretient et développe l'échec que les réformes prétendent combattre. Savez-vous qu'un tiers des enfants entrant en sixième ne sait pas lire ? Qu'un élève de 12 ans ne peut plus faire la dictée qu'on donnait au certificat d'études en 1924 ? Les Français ont été longtemps légitimement fiers de leur école, fiers d'y avoir reçu un solide enseignement de leur langue. Ce n'est plus le cas. On vous trompe en vous cachant certaines enquêtes déplaisantes ou en en truquant les résultats. Ainsi, en 1995, la France a décidé de ne pas publier les résultats d'un test de l'OCDE portant sur la compréhension d'un texte simple, où les jeunes Français arrivaient avant-derniers, au motif que les questions étaient d'" inspiration anglo-saxonne " !

Savez-vous que l'enseignement scientifique et mathématique lui-même est dévasté ? Que la recherche de haut niveau en ce domaine est gravement menacée ? La plupart des baccalauréats (ne comptons pas sur la presse dite de gauche pour le dire !) ne sont obtenus qu'au prix de consignes d'indulgence martelées aux correcteurs, dont ceux-ci commencent à se lasser. Le prix ? C'est que ces baccalauréats au rabais ne permettent pas de suivre un enseignement supérieur digne de ce nom.

Il y a plus. Sous prétexte d'assurer l'épanouissement des enfants, on a renoncé à exiger d'eux la régularité, l'effort, la sanction de leurs échecs. On vous trompe et on trompe les jeunes en faisant miroiter devant eux l'image d'un monde faux où tout s'obtient sans effort (sauf la réussite sportive, curieux contraste, partout admis), où on peut se passer de connaissances et d'orthographe, du moment qu'on est " gentil " et " créatif ".

Telle est donc cette école voulue par la réforme et ses thuriféraires de la presse. Faut-il que vos enfants réussissent contre elle, à coups de leçons, de coûteux soutiens privés et d'épuisantes recherches d'un " bon " collège, d'un " bon " lycée ? On vous trompe encore lorsqu'on tente de disqualifier à vos yeux la résistance de certains enseignants contre les mirages pédagogistes, lorsqu'on caricature leur désir d'offrir à tous le meilleur, et non de vagues et prétentieuses synthèses sur le " monde réel ", la citoyenneté, l'antiracisme et la protection de l'environnement ! Sont-ils vraiment les " élitistes " que cette presse décrit, " crispés sur leurs privilèges ", ceux des enseignants qui veulent abattre les cloisons qui trop longtemps ont séparé le peuple de l'instruction à laquelle il a droit, et dont la réforme veut le priver sous le prétexte du respect de l'" identité socioculturelle " de chacun ?

Il est temps que, au-delà des obstacles et des malentendus artificiellement suscités par ceux qui sont en charge de vous informer, vous les rejoigniez afin d'exiger ensemble qu'il soit mis fin à cette politique absurde et criminelle de réformes, qui met toute une jeunesse en danger.

*Auteur de : A quoi sert la littérature ? Textuel, 112 p., 79 F.

Pour télécharger ce texte : marianne.rtf

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