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«La première chose qui, structurellement, ne va pas c’est la réforme du bac. Tout n’est pas à jeter, mais sa mise en place, extrêmement rapide, a été brutale pour les élèves. Enormément de jeunes sont en dépression en première et en terminale, développent une phobie scolaire. On déplore des dizaines de tentatives de suicide par an. Voir ces mômes, passés de justesse en première, s’éteindre dès novembre quand ils réalisent leur erreur de parcours alors qu’on nous a supprimé un poste d’assistant d’éducation à la rentrée, qu’on nous a retiré il y a quelques années l’assistante sociale, qu’on nous annonce le départ de notre médecin scolaire et qu’on se retrouve en tant que CPE à faire un peu tous ces métiers à la fois, c’est difficile. »
Avec la réforme du lycée, le nombre d’heures globales attribué à chaque matière a été redistribué et les mathématiques font partie des grandes perdantes, avec une baisse de 18 % du nombre d’heures entre 2018 et 2020. […] Les professeurs regrettent la disparition des mathématiques du tronc commun au profit d’un enseignement scientifique qui mêle mathématiques, sciences physiques et sciences et vie de la Terre. Ils n’assurent que 6 % de ces cours. « En première, on est dans du tout ou rien, soit une spécialité très exigeante, soit l’abandon de la matière. Il manque quelque chose. Les mathématiques font partie de la culture générale nécessaire à tout citoyen. »
Voilà qu’une expérimentation locale, pour améliorer la mixité sociale au collège, semble porter ses fruits. Cela se passe à Toulouse, en Haute-Garonne. Un projet qui avait tout d’un casse-pipe : en 2017, fermer deux collèges enclavés du quartier du Mirail et acheminer les ados, par bus, dans les collèges chics du centre-ville et des zones pavillonnaires. […] «Un dispositif d’une telle ampleur, avec une cohorte entière que l’on a pu suivre, c’est rarissime, s’enthousiasme Choukri Ben Ayed, professeur de sociologie. Les résultats chiffrés, de réussite au brevet et de ce que nous voyons sur le terrain, sont extrêmement positifs. Ça marche.» En fait, il n’en doutait pas une seconde : «Je l’ai toujours dit. Il n’y a pas de fatalité.» […] Mais depuis le changement de majorité, le ministère n’a plus fait de suivi. «La mixité n’est pas un sujet pour Jean-Michel Blanquer. Il a laissé les choses se faire, mais sans impulsion.»
Utilisé dans plus de deux établissements du second degré sur trois, le logiciel de gestion de la vie scolaire Pronote rend bien des services aux familles et aux communautés éducatives, notamment pour affronter les dernières réformes du lycée. Mais, en faisant de l’immédiateté la norme, il change aussi les métiers en profondeur, ainsi que les relations entre parents, élèves et enseignants.
D’après les résultats de l’enquête Trends in International Mathematics and Science Study (Timss), réalisée en mai 2019 sur un échantillon de 4 186 enfants de CM1 et 3 874 adolescents de 4e, la France se classe bonne dernière dans les pays de l’Union européenne, avec des résultats similaires à ceux de la Roumanie. Elle est aussi avant-dernière dans les pays de l’OCDE, devant le Chili. […]
Le plan de formation, sur lequel insiste l’institution, pourra-t-il suffire à renverser la tendance lourde d’une baisse généralisée en mathématiques ? Il est encore trop tôt pour le dire. Mais sur le terrain, on craint parfois que le mal soit plus profond : « Les heures de mathématiques au collège ont baissé depuis quinze ans », rappelle Sébastien Planchenault, président de l’Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public (Apmep) qui souligne aussi la structure « pyramidale » de l’apprentissage des mathématiques : [...] « un élève qui arrive trop fragile en 6e va voir ses difficultés s’accentuer. »
Toute la semaine, les organisations représentatives ont fait état de « couacs » en série. « Convocations tardives, incomplètes, incohérentes ou multiples, logiciels qui dysfonctionnent, plate-forme inaccessible, absence de réponse aux messages des personnels, ordres et contre-ordres à foison », énumère-t-on au SGEN-CFDT.
« Avec les bugs de Santorin [un logiciel d’aide à la correction décrié par de nombreux enseignants], beaucoup de professeurs ont récupéré les copies en retard ou ont eu des soucis d’accès aux copies », expliquait alors Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU.
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[…] La pandémie a transformé les épreuves communes en contrôle continu. «Or le prof ne peut pas être à la fois celui qui entraîne au bac et celui qui corrige, parce qu’il est soumis à la pression des élèves, de leurs parents et des chefs d’établissement, qui ont pour objectif d’avoir un bon taux de réussite au bac», remarque le sociologue Pierre Merle. Ce système favorise donc des pratiques de notation plus généreuses, avec des lycées d’excellence qui se retrouvent à augmenter leurs notes pour éviter l’effet couperet de Parcoursup. Conséquence : «Peu importe leur établissement, la grande majorité des élèves ont de bonnes notes mais leur valeur n’a plus de signification.» Effet pervers de cette surenchère : les établissements d’enseignement supérieur ne savent plus sur quels critères sélectionner les candidats dans Parcoursup et se retrouvent à départager des élèves au centième de point près, voire à regarder le lycée d’origine des élèves…
Toute la semaine, les organisations représentatives ont fait état de « couacs » en série. « Convocations tardives, incomplètes, incohérentes ou multiples, logiciels qui dysfonctionnent, plate-forme inaccessible, absence de réponse aux messages des personnels, ordres et contre-ordres à foison », énumère-t-on au SGEN-CFDT.
« Avec les bugs de Santorin [un logiciel d’aide à la correction décrié par de nombreux enseignants], beaucoup de professeurs ont récupéré les copies en retard ou ont eu des soucis d’accès aux copies », expliquait alors Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU.
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[…] Vient alors le moment fort, là où tu voulais en venir, ce qui semblerait être pour toi le bras d’honneur suprême : « Je me suis arrangé pour avoir la moyenne au contrôle continu. » « Arrangé », c’est bien le bon terme. Car pour les élèves de ta trempe, la manœuvre a bien consisté en des arrangements, des petits arrangements.
Combien sommes-nous, parmi les professeurs de philosophie, à avoir supporté, dès l’annonce du ministre, le marchandage d’élèves médiocres au plan moral, qui ont voulu voir leur moyenne augmenter artificiellement, sous prétexte de bienveillance, et en réalité pour pouvoir stopper (ou ne pas commencer) le travail de préparation à l’épreuve.
Cela dans un seul but : partir de l’épreuve au bout d’une heure. Pire : combien de chefs d’établissement (et ce dans toutes les disciplines) ont demandé à des professeurs de monter artificiellement les moyennes, tellement la pression de quelques parents et d’élèves pleurnichards a été importante ?
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La pandémie de Covid-19 a mis à mal l’organisation du bac. Elle a surtout révélé la logique de cette réforme : se passer des enseignants, de leur présence incarnée devant les élèves. Détruire la relation pédagogique pour lui substituer des procédures « neutres » d’évaluation. A la façon d’une machine. Les propos du ministre lors des Assises de l’intelligence artificielle pour l’école, tenues en décembre 2018, appelant à assister toujours plus le travail de correction des enseignants par les calculateurs artificiels, étaient limpides.
L’assistant pédagogique de la machine, dont on n’imagine quand même pas qu’il ait son mot à dire, corrigera à la chaîne grâce au menu déroulant d’annotations préenregistrées. Tel un robot, ce mot dérivé du tchèque « robota », qui signifie travail servile. [...] Un logiciel mouchard comptabilise le temps passé sur une copie, la régularité du travail, de sorte que des algorithmes façonnent un « retour d’expérience » auprès du ministre.
Nous, professeurs de philosophie, n’admettons pas que l’on refuse ainsi de penser. La dématérialisation des corrections, indice de l’ignorance des spécificités de notre métier, est un symptôme : elle renvoie à une dérive sociale, culturelle et écologique profonde, qui étend la contrainte à tous les niveaux de la société. Qui l’enserre dans la toile des algorithmes. Telle est déjà la logique coercitive de Parcoursup, qui a transformé en quelques années nos élèves en entrepreneurs de leur scolarité.
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Des professeurs confirment l’inquiétude de leurs élèves et y voient le révélateur d’un dysfonctionnement de la plate-forme, où les écoles peuvent paramétrer à leur guise l’algorithme de tri classique proposé par le ministère de l’enseignement supérieur, nommé « outil d’aide à la décision ». « Le chaos habituel est décuplé, les classements incohérents révélant des situations scandaleuses », a dénoncé sur Twitter le professeur d’histoire Thibaut Poirot, qui voit grandir « le ressentiment de jeunes qui, malgré leurs bons dossiers, malgré leur investissement, nous disent aujourd’hui “ça n’a servi à rien de travailler” ».
La frustration des lycéens envers Parcoursup est une évidence pour Thomas Lagathu (directeur du concours Sésame, qui regroupe quatorze écoles dont Neoma, Kedge, l’Essec et l’EM Lyon), tant la promesse d’accompagnement faite par la réforme du lycée n’a pas été tenue. Les salons « virtuels » consacrés à l’orientation ont été « une catastrophe car il ne s’y est rien passé du tout » et des « erreurs d’orientation » sont à prévoir, prévient-il.
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