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Annales zéro

[Contribution suite à la lecture des annales zéro disponibles sur le site de l'académie de Reims, http://www.ac-reims.fr/datice/lettres/lycee/annales/liste.htm]

 

Qu'en est-il du contenu des sujets ?

- Le principe du corpus de documents conduit à l'augmentation de la difficulté de l'épreuve en contradiction avec la doxa qui veut qu'on s'adapte à l'élève actuel. Comment en quatre heures dominer plusieurs textes souvent longs et difficiles alors que nos élèves avaient déjà bien du mal avec le texte unique de l'ancien sujet ?

- Le principe du sujet d'examen en rapport avec un des "objets d'étude" de l'année scolaire conduit au bachotage qu'on prétendait vouloir éviter.

- Les questions posées relèvent parfois plus du niveau de l'agrégation que du niveau réel d'un élève de Première. J'en veux pour preuve le sujet N°4 qui regroupe des textes biographiques de Yourcenar sur Mishima (avec, par exemple, la référence aux valeurs du "Japon héroïque" -qu'est-ce que cela peut bien vouloir signifier pour des élèves de Première actuellement et même, soyons modestes, pour nous quand nous avions leur âge ?!), de R.Payne sur Malraux, d'O.Todd sur Camus et de Sainte-Beuve sur Vigny ! L'ambition et le caractère pointu de certains objets d'étude qui portent l'éclairage artificiellement sur telle ou telle forme de littérature en négligeant les bases peuvent laisser penser à une transposition pure et simple de sujets universitaires sans souci réel de l'acquisation d'une culture de base (qui semble présupposée - mais quand l'élève aura-t-il eu l'occasion de se la constituer ?).

- Alors qu'on nous interdit depuis des années le cours magistral et que la doxa constructiviste et spontanéiste règne, ces sujets demandent une ouverture d'esprit, une culture impossible à acquérir. Si le professeur veut faire travailler tous les objets d'étude et les six oeuvres intégrales dans l'année, il va être contraint de retourner à la pratique qu'on lui reproche de toujours vouloir retrouver ( depuis que le monde est monde le savoir se transmet, et il est difficile pour les dinosaures de la culture que nous sommes de renoncer totalement à cette pratique honteuse de la transmission qui nous a tout de même permis d'arriver là où nous sommes).

- L'écriture d'invention, quant à elle, semble dans la logique démagogique de l'air du temps qui veut voir en tout élève un écrivain potentiel et à qui tout est donné naturellement. Quel professeur, même doué, est capable de rédiger en prose poétique un récit onirique où seront utilisées deux phrases de Max Jacob : "Il y a des nuits qui finissent dans une gare ! Il y a des gares qui finissent dans les nuits." ? Sommes-nous capables, nous, professeurs, de rédiger "un éloge vibrant, passionné et lyrique de la foule ou de la vie citadine" ? Surtout après avoir essayé de comprendre et d'étudier un corpus de textes difficiles ? Il me semblait que cela relevait de l'honnêteté intellectuelle élémentaire de ne pas demander à nos élèves de faire ce que nous aurions du mal à réaliser.

- Face à la difficulté, notre niveau d'exigence baissera et nous donnerons des bonnes notes à tout le monde. Encore un moyen d'abaisser l'importance de la discipline.

En ce qui concerne l'oral, la même académie nous révèle, au bout de x versions que le texte proposé à l'oral aura été étudié en classe mais que le candidat ne devra pas faire une explication. Que fera-t-il alors ?!

Je vois dans tout cela la mort de l'explication de texte, fierté de notre discipline, véritable propédeutique à l'art de penser. A cause de l'inflation des objets d'étude à propos desquels il nous est demandé d'aider à la construction du savoir par l'acquisition d'outils réutisables, nous ferons disparaître petit à petit de nos cours l'explication de texte qui prend trop de temps et ne sera plus utile pour l'oral du Bac. De temps à autre nous pratiquerons des "écritures de commentaire" (qui paraîtront de plus en plus inaccessibles aux élèves) pour préparer à l'écrit, mais le bachotage tant décrié et qui rentre par la grande porte nous interdira de faire plus. Le sujet d'invention qui semblera (à tort) plus facile aux élèves sera souvent choisi parce que ne nécessitant pas, apparemment, de méthodologie à appliquer consciencieusement.

Tout le monde est beau, tout le monde est gentil, tout le monde est écrivain !

De quoi nous plaignons-nous ? !

 

Martine

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