La rentrée en Seconde en 2010 : désinvolture, truandage, inégalité.


Texte publié dans le Bulletin de l'Ecole Emancipée 76-27, n°62, septembre 2010.
       

       Les élèves de Seconde subissent de plein fouet cette année, à la hussarde, la réforme Sarkozy-Chatel du lycée : la précipitation de l'application des nouveaux textes les livre pieds et poings liés à la brutalité gouvernementale : absence de manuels, baisse des horaires d'enseignement, restriction du choix des options, inégalité entre établissements.

       Premier scandale patent, les 500.000 élèves de seconde qui viennent d'entrer au lycée n'ont pas de manuels d’histoire, de géographie, de sciences physiques, d’économie, de gestion et de sciences de la vie et de la terre (SVT), matières soumises à des diminutions d'horaires (d'une demi-heure à une heure trente par semaine et par matière) et des changements de programmes. Après une pseudo « consultation » éclair des professeurs entre janvier et mars, les programmes ont été publiés fin avril pour application à la rentrée de septembre, ce qui contrevient à la règle fixant un délai de quatorze mois entre la parution des programmes et la publication des manuels correspondants par les éditeurs scolaires. Les manuels n'étant évidemment pas prêts en un mois, les professeurs n'ont pu les choisir en juin, et les élèves les attendront... jusqu'en novembre. Le ministre, carrément insultant, renvoie, une semaine avant la rentrée, professeurs et élèves aux expédients, photocopies et internet, comme si toutes les classes étaient connectées, et comme si le bricolage hâtif constituait un mode d'enseignement normal.

       Par ailleurs, selon les lycées, les collégiens n'ont pu obtenir les deux « enseignements d'exploration » de Seconde qu'ils devaient choisir en options. Les offres et les possibilités des établissements ont été fixées par les rectorats et non selon les besoins ou les désirs des élèves. Ainsi, nombre de ceux qui demandaient « économie » ont été reversés en « gestion », ceux qui demandaient « littérature et société » ou « méthodes et pratiques scientifiques » se sont heurtés aux numerus clausus imposés par les rectorats qui n'ont pas accordé les heures ni les professeurs nécessaires, et se retrouvent dans d'autres matières. Le choix promis s'est donc transformé en loterie et en tromperie manifeste, car jamais les moyens n'ont suivi les promesses et les rodomontades officielles. Le discours lénifiant du ministre, prétendant avec les options « d'exploration » faire «  découvrir [aux élèves] des champs disciplinaires ou des domaines intellectuels nouveaux, choisis par goût ou intérêt. Ces enseignements permettent de développer la curiosité des élèves et d'éclairer leur choix d'orientation » n'est qu'un artifice de communicant. La réforme n'existe que pour ceux qui y croient : les enseignements ''d'exploration » sont le mauvais masque de la réduction de moitié des options (passant de 3 h à 1 h 30 par semaine), et la réduction des choix d'options correspond à la fermeture programmée des postes de professeurs.

       Enfin, l'inégalité entre en force et officiellement en Seconde : 15 heures par semaine sur 28 h 30 du lycéen, soit 55 % de son horaire, échappent à une définition nationale : l'utilisation des moyens étant décidée localement, les élèves ne vont pas bénéficier des mêmes enseignements ni des mêmes horaires [1]. Ainsi, selon les lycées, l'horaire de français ou de mathématiques peut varier entre le minimum officiel, 4 heures, et 5 heures 30 en fonction des choix. Quant à « l'accompagnement » dit « personnalisé » (par groupes de 16 à 18 élèves !), il sera soit du soutien, soit de l'approfondissement ; tous les lycées ne choisiront pas le même système, et les différences de niveau vont s'accroître entre les classes ou les établissements. L'égalité de l'instruction sur tout le territoire, déjà bien mise à mal [2], sera définitivement lettre morte, et la concurrence, qui mine déjà l'égalité républicaine, devient la doctrine officielle qui détruit le service public.

Agnès JOSTE, lycée Claude Monet, LE HAVRE.


1. Cf L'autonomie au lycée : l'inégalité en kit (Rouen – SNES n°343 du 10 mai 2010, http://www.sauv.net/autonomielycee.php)

2. Ecole : les pièges de la concurrence (Sylvain Broccolichi, Choukri Ben Ayed et Danièle Trancart. La Découverte, septembre 2010).

09/2010