Les effectifs d'élèves étudiant le latin et le grec
au collège et au lycée
Cette page est une actualisation des chiffres précédemment publiés. Période 1999-2010 Sources : Ministère de l’Education nationale (RERS - Repères et références statistiques
sur les enseignements, la formation et la recherche, http://www.education.gouv.fr/stateval/rers/repere.htm, DGESCO - Division des Enseignements scolaires).
(ministères Allègre - Lang - Ferry - Fillon - Robien - Darcos - Chatel)
LATIN |
||||
Années |
Collège |
Lycée |
Total |
Variation /an |
1999 |
511 007 (21,9%) |
73 499 (6,4%) |
584 506 (16,82) |
|
2000 |
481718 (20,5%) |
68 361 (6 %) |
550 979 (15,78 %) |
- 33 527 |
2001 |
475 411 (19,6 %) |
66 719 (4,6 %) |
542 130 (13,90 %) |
- 8 849 |
2002 |
472 829 (19,5 %) |
65 397 (4,5 %) |
538 226 (13,80 %) |
- 3 904 |
2003 |
470 930 (19,5 %) |
61 559 (4,2 %) |
532 489 (13,70 %) |
- 5 737 |
2004 |
470 924 (19,7) |
62 654 (4,2) |
533 578 (13,8) |
+ 1 089 |
2005 |
464 641 |
64 731 |
529 372 |
- 4 206 |
2006 |
444 815 (19,4 %) |
67 421 (4,5 %) |
512 236 |
- 17 136 |
2007 |
439 660 (19,4%) |
70 396 (4,7%) |
510 056 |
- 2 180 |
2008 |
442 428 (19,4 %) |
70 419 (4,9 %) |
512 847 |
+ 2791 |
2009 |
439 578 (19,1 %) |
70 381(4,9 %) |
509 959 |
- 2 888 |
2010 |
435 408 (18,9 %) |
68 320 (4,8 %) |
503 628 |
|
Variation 2009-10 |
- 4 170 |
- 2 061 |
- 6 231 |
GREC |
|||||
Années |
Collège |
Lycée |
Total |
Variation /an |
|
1999 |
14 509 (2 %) |
13 068 (1,1%) |
27 577 (1,48 %) |
||
2000 |
14 731 (2 %) |
12 375 (1,1%) |
27 106 (1,45 %) |
- 471 |
|
2001 |
16 565 (2,1 %) |
12 704 (0,9 %) |
29 269 (1,30 %) |
+ 2 163 |
|
2002 |
17 794 (2,2 %) |
13 167 (0,9 %) |
30 961 (1,40 %) |
+ 1 692 |
|
2003 |
17 806 (2,1 %) |
14 122 (1 %) |
31 928 (1,40 %) |
+ 967 |
|
2004 |
19 069 (2,4 %) |
15 111 (1,0 %) |
34 180 (1,50 %) |
+ 2 252 |
|
2005 |
20 388 |
15 762 |
36 150 |
+ 1970 |
|
2006 |
19 355 (2,5 %) |
16 109 (1,1%) |
35 464 |
- 686 |
|
2007 |
18 625 (2,5 %) |
17 241 (1,2 %) |
35 866 |
+ 402 |
|
2008 |
18 562 |
17 202 (1,2 %) |
35 764 |
- 102 |
|
2009 |
18 753 |
17 469 |
36 222 |
+ 458 |
|
2010 |
19 013 (2 %) |
16 466 (1,1 %) |
35 479 |
|
|
Variation 2009-10 |
+ 260 |
- 1 003 |
- 743 |
LATIN + GREC |
||||
Année |
Collège |
Lycée |
Total |
Variation |
2009 |
458 331 (21,9 %) |
87 850 (6,1 %) |
546 181 |
|
2010 |
454 421 |
84 786 |
539 207 |
|
Variation 2009-10 |
- 3 910 |
- 3 064 |
|
- 6 974 |
Remarques :
Ces chiffres indiquent les effectifs de l'enseignement public et de l'enseignement privé, en France métropolitaine et DOM. Le latin s'étudie en option à partir de la Cinquième, le grec en option également, à partir de la Troisième. Les deux langues peuvent s'étudier en lycée dans toutes les séries générales, et donnent lieu l'une et l'autre au baccalauréat à une épreuve écrite ou une épreuve orale, selon la série où elles figurent.
Un tel tableau est malaisé à établir.
En effet, les effectifs de chaque rentrée scolaire sont fournis à deux dates différentes, par deux services distincts du ministère ; la DGESCO les diffuse en janvier ; la DEPP les communique, officialisés et affinés, c'est à dire parfois modifiés, à la rentrée suivante en octobre dans sa revue Repères et références statistiques.
Par ailleurs, le ministère indique l'effectif des élèves étudiant à la fois le latin et le grec (plus de 8 000 à la rentrée 2009, collège et lycée confondus) sans que la DGESCO les distingue dans ses chiffres.
En conséquence, il a été choisi sur ce site de travailler à partir des données de la DGESCO sur les deux dernières rentrées (ici 2009 et 2010), c'est à dire de comparer ce qui est comparable, au plus tôt dans l'année scolaire en cours.
Analyse :
Le grec a progressé, mais en onze ans le latin a perdu plus de 80 000 élèves. Si cette baisse est globalement parallèle à celle des effectifs totaux des établissements, elle est cependant plus forte. Le latin a perdu, entre 1999 et 2010, 3 % des élèves de collège, 1, 5 % des élèves de lycée.
Le discours habituel met en avant une désaffection supposée des élèves pour les langues couramment déclarées « mortes ». Il n'en est rien : au contraire, les mesures incessantes prises pour limiter les effectifs de latinistes et d'hellénistes démontrent leur pouvoir d'attraction. Tout a été fait en effet pour juguler leur expansion.
La rentrée 2000 a vu l’instauration d’un nouveau mode de calcul des dotations horaires globales, diminuant les moyens accordés aux matières optionnelles, et les mettant ainsi en concurrence selon les politiques choisies par les établissements. Un grand nombre de sections a fermé, les pourcentages d’élèves latinistes et hellénistes ont significativement baissé.
La rentrée 2003 a été l'occasion, avec la décentralisation, de fermer un grand nombre de sections optionnelles, toutes matières confondues. Le latin et le grec y ont perdu beaucoup d'élèves.
La rentrée 2005 a connu, par malthusianisme économique, un très grand nombre de fermetures de sections et de postes d’enseignants de langues anciennes, ou de regroupements de niveau, qui ont empêché ou découragé les élèves. La circulaire de fin 2004, encourageant les recteurs à soutenir les langues anciennes, est restée lettre morte dans les rectorats et inspections académiques.
La rentrée 2006 montre un nouvel effondrement du latin, concurrencé dans de nombreux collèges par les classes " bilangues " ouvertes en 6ème, dont la seconde langue vivante peut décourager les éventuels latinistes du choix de l’option supplémentaire de latin en 5ème, et par la création en 3ème de l’option " découverte professionnelle "qui nuit également au grec, en légère baisse pour la première fois depuis longtemps en collège.
Pourtant, les chiffres de 2004 ont montré ponctuellement une hausse légère des effectifs et une inversion de la tendance négative. On peut penser que la forte mobilisation du printemps 2004 en faveur des langues anciennes (Appel pour le latin et le grec lancé par huit associations) a porté ses fruits, et que les sections préservées ont légèrement augmenté leurs effectifs.
De même, les hausses de 2007 et 2008 montrent d’une part la permanence de la demande, d’autre part une meilleure connaissance des textes : en effet, les classes « bilangues » de collège sont compatibles avec l’étude d’une langue ancienne (cf la circulaire de rentrée 2005).
Les rentrées suivantes témoignent du regain d’intérêt pour les langues anciennes : à preuve les politiques académiques, qui restreignent à la baisse les groupes de latin de cinquième, instaurant des quotas visant à éliminer le surplus d’ élèves demandeurs.
Le nombre des élèves étudiant le grec au collège est globalement en hausse jusqu'en 2009, mais il faudrait des études plus fines pour savoir s’il a augmenté de façon autonome, ou au détriment du latin : en effet, les effectifs de grec au collège peuvent provenir de latinistes ayant abandonné la matière. Il ne s’agit donc pas le plus souvent d’un gain réel, mais d’un transfert. En revanche, un tel glissement montre bien l’intérêt que les élèves et leurs familles portent aux langues anciennes, en dépit de toutes les mesures visant à les décourager : au total à la rentrée 2009, près de 22 % des collégiens étudiaient latin ou grec, parfois les deux.
La hausse régulière des effectifs de lycée jusqu'en 2009 relève de la même analyse. De plus, cette demande sociale a été reconnue par des mesures politiques : l’instauration du coefficient 3 à l’épreuve orale facultative de latin ou de grec du baccalauréat depuis 2006 a valorisé l'étude des langues anciennes, et stimulé les effectifs.
Il fallait stopper une telle expansion. La politique nationale de suppression de milliers de postes publics et d'économies de fonctionnement, doublée par la volonté de dissolution des disciplines visible à travers la dénomination du latin et du grec, effacés sous le vocable dinosaurien de « langues et cultures de l'Antiquité » (LCA pour arranger l'affaire), s'est pleinement manifestée à la rentrée 2010, et menace la rentrée 2011.
En collège, les dotations horaires se sont considérablement réduites pour permettre les suppressions de postes de professeurs : les effectifs de latinistes de Cinquième ont été limités, les élèves et les horaires de Quatrième et Troisième couramment regroupés en dépit des conséquences pédagogiques du procédé. Le résultat n'a pas tardé : dans les collèges, 4 000 élèves latinistes et hellénistes en moins à la rentrée 2010 !
La réforme Sarkozy-Chatel du lycée, appliquée au même moment, a complété le dispositif d'étouffement. La baisse des dotations horaires, alliée à une réforme opaque et complexe mettant le latin et le grec en concurrence horaire et disciplinaire avec des enseignements dits « d'exploration », a mis à mal la volonté des familles et des élèves. De plus, de nombreux rectorats ont fermé ou s'apprêtent à fermer des sections de latin ou de grec à statut facultatif, prévu sur papier par la réforme mais sans financement en réalité.
Le résultat a dû combler les espérances officielles : les lycées ont enregistré une baisse de 3 000 élèves latinistes et hellénistes entre les rentrées 2009 et 2010, alors qu’une augmentation de 8 000 élèves avait été constatée entre 2005 et 2009. Le phénomène promet d'être indéfiniment productif, jusqu'à l'extinction totale : ce tarissement artificiel, provoqué par la réforme, sert maintenant d'argument spécieux pour de nouvelles fermetures, et la seconde langue, en effectif, de l'enseignement français (un élève sur cinq étudie une langue ancienne) est dorénavant proclamée « rare », l'idéologie prenant le pas sur la réalité.
Cette destruction programmée et opiniâtre, multiforme comme la résistance des élèves et des familles, prouve a contrario la vitalité des langues anciennes : les élèves intéressés et demandeurs sont là. L’avenir des langues anciennes est donc entre les mains des gouvernements, comme le disait Heinz Wismann, chargé de rapport sur les langues anciennes. La progression de l’étude du grec et du latin est le signe d’une demande moderne incontournable.
A. J.
03/2011