Le tutorat au collège
Montage de réflexions lues sur Lettres&Débats.
Philippe, le 24/01/2000 :
Dans mon établissement, il n'y a pas de tutorat.
Mon opinion est toute théorique. J'y suis opposé parce que j'y vois une
forme insidieuse de direction de conscience.
A force de dire et de redire que l'adolescent qui ne parle pas est un
adolescent à problème, on en oublie le droit des élèves à ne pas parler
d'eux.
Il me semble que le professeur n'est pas la personne la mieux qualifiée, ni
la mieux placée pour effectuer cette guidance.
Les professeurs ne sont pas psychologues de métier, donc ne sont pas aptes
à gérer des situations d'écoute où d'ailleurs ils sont trop impliqués en
qualité de transmetteur de savoir.
Plus généralement, la philosophie de "dame patronesse" professée par
Ségolène Royal, n'est pas du meilleur aloi pour des adolescents qui ont
besoin non pas d'être écoutés, mais instruits, et qui ont surtout besoin
qu'en face d'eux il y ait des Chefs d'Etablissement, des CPE et des Profs
qui aient le courage de jeter au feu toutes les utopies post soixante-huitardes
sur l'élève-partenaire et coacteur de son savoir, comme théorisait, toute
honte bue, certain IPR plus versé dans les pseudo sciences éducatives que
sa discipline d'Agrégation.
Ségolène a-t-elle songé un seul instant "aux risques du métier" qu'implique
le "face-à-face" avec un(e) seul(e) élève ?
Sébastien, le 25/01/00 :
Dans mon établissement se pratique le tutorat ! Voilà ce que j'ai pu
constater :
1. Le tutorat s'établit toujours sur la base du volontariat, sans rémunération.
C'est donc le principe du pied dans la porte : si l'on accepte de faire des
activités professionnelles qui ne soient pas rémunérées, on aura du mal à
en refuser d'autres du même type. On nous dira : vous avez bien voulu faire
cela sans être rémunéré, alors pourquoi refusez-vous de faire cette autre
activité pour l'amour des élèves ? Lorsque notre correspondant utilise le
terme de "dame patronnesse", il n'est pas très loin de la vérité.
2. Les élèves qui sont suivis en tutorat, ont des rapports privilégiés avec
leur tuteur, ce qui n'est pas sans poser de problèmes. Il arrive
quelquefois que les tuteurs reçoivent des confidences embrassantes et qu'il
ne savent plus comment gérer la situation. En plus, se crée une espèce de
secret comme dans la confession. Le tuteur reçoit des confidences mais se
sent très gêné de les utiliser en conseil de classe ou ailleurs. On sait
juste qu'untel a "beaucoup de problèmes".
3. Si l'on veut poursuivre la métaphore, je trouve extrêmement pervers
qu'un professeur joue le rôle de "directeur de conscience" et arrive à se
substituer aux parents. L'on devient alors tout sauf un professeur qui a
été recruté sur la base de ses connaissances spécifiques. Le collège n'est
plus alors le lieu de la connaissance mais la "maison collège" qui a pour
finalité de socialiser les élèves et de leur inculquer les normes de la
civilité. Pour faire bref, il me semble que toutes les réformes actuelles
vont dans le sens d'une école qui serait le dernier
rempart pour éviter que la violence ne se propage dans toute la société. Le
gouvernement paraît craindre l'implosion d'une société qui est devenue
folle. Si tel est le cas, il faut craindre la disparition de l'école
Républicaine au profit d'une école à l'américaine. Nous aurions d'un côté
des établissements (privés ?) où l'on dispenserait encore le savoir et
l'apprentissage de la culture qui mène à l'esprit critique et, de l'autre
côté, des établissements où l'on bricolerait tant bien que mal pour
fabriquer des hommes sans culture et mais acceptant leur triste sort sans
se révolter.
Alurnauer, le 28/01/2000, en réaction aux deux messages précédents :
- Si nous estimons que nous ne sommes pas aptes à écouter nos élèves, si
nous ne cherchons pas à les comprendre, comment voulons-nous être
véritablement écoutés et respectés d'eux ? Que devient la dimension humaine
de notre métier ? Ne devons nous être que des répétiteurs ? Je crois que
pour ma part, le discours qui tend à dire "nous sommes là pour transmettre
un savoir, un point c'est tout !" risque surtout de nous faire aller droit
dans le mur et me paraît faire preuve d'un aveuglement dangereux.
- Pour autant, je n'adopte pas le parti extrêmement opposé qui voudrait
faire de nous des assistantes sociales, des psychologues pour enfants, des
transferts parentaux, etc. Nous n'avons pas été formés pour cela, et ce
n'est effectivement pas notre métier.
- D'où la nécessité de re-définir notre métier, sans se retrancher derrière
des conceptions extrêmes et radicales, ce qui n'avancerait pas à
grand-chose... Il ne faut pas se voiler les yeux : notre métier est en train
de changer et des réformes sont nécessaires, qu'on le veuille ou non,
surtout depuis la "loi" des 80-20 : l'ensemble des élèves que nous avons
actuellement a changé, et il faut bien en tenir compte. Il n'y a pas que du
mauvais dans les réformes qui nous sont actuellement "proposées" (je
devrais plutôt écrire "imposées"). Le problème, c'est qu'elles se font dans
notre dos, et que l'idéologie sous-jacente qui les "dirige" n'inspire
aucunement confiance...
Montage de Delphine
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