La dissertation, trop difficile ?
Montage de réflexions lues sur Lettres&Débats.
Christian, le 08/02/2000 :
Oui la dissertation peut être un excellent outil de formation de l'esprit
mais quels élèves, dans ce système, peuvent vraiment le maîtriser? Dans ma
classe de L, trois élèves sur 32 parviennent à dominer à peu près cet
exercice. Les autres compilent, paraphrasent, pataugent. Certes mon
incompétence est certainement en cause mais le fait est que l'exercice est
très difficilement accessible.
Oui on cherche à faire passer la réforme à la hussarde, au moindre coût, en
chargeant encore notre barque et il ne faut pas l'accepter mais pour ma
part je considère comme un immense ballon d'oxygène les points de la
réforme qui donnent place à des activités créatrices. Enfin on pourra au
grand jour viser d'autres objectifs que de transformer (souvent en vain)
les élèves en bêtes à examen ou à concours et donner peut-être un peu plus
de place à la sensibilité. Mais cela ne peut que déplaire à certains
d'entre nous, anciens premiers de la classe. Pour ma part, j'ai toujours
plus appris des artistes et des écrivains, que je tâche autant que faire se
peut de faire entrer dans mes classes, que des agrégés.
Francoise, le 10/02/2000 :
En revanche je ne m'associerai pas à des actions contre les nouveaux
programmes (ceux de seconde puisque ce sont les seuls établis), je les
trouve, certes, un peu mal fichus, pas très lisibles dans l'exposé des
contenus, mais je suis globalement d'accord avec les objectifs. (Tout-à-fait
d'accord avec Christian pour ce qu'il dit des activités créatrices et de la
dissertation. D'ailleurs honnêtement, je crois bien que moi aussi, quand
j'étais au Lycée (bac en 65!) je trouvais cet exercice beaucoup trop
difficile et je n'ai commencé à vraiment le maîtriser qu'en préparant les
concours, ce qui ne m'a pas empêché de les réussir!...)
Michel, suite aux textes précédents (le 10/02/2000) :
Eh bien je ne suis pas du tout d'accord avec cela. Je pataugeais, je
paraphrasais, et je suis certain que si je n'avais pas été frotté à
cette difficulté à 16-17 ans, je n'aurais pas su plus tard la maîtriser
un peu (j'étais un élève moyen, de ceux qui savaient à l'avance qu'ils
prendraient résumé-discussion). C'est une question d'exigence, si le prof de
français nous avait demandé + facile, nous aurions fait
+ facile (et sans doute encore moins), et nous n'aurions jamais connu pour la plupart ce truc impossible,
posé là, à faire : savoir organiser ses idées.
Christian dit "mais quels élèves, dans ce système"
1/ je ne pense pas que la proportion ait été beaucoup + grande avant
2/ la diminution existe, mais alors il faudrait peut-être s'interroger
sur le système qui la produit, plutôt que d'en prendre acte (et
d'invoquer sa propre incompétence ;-).
Et puis les trois élèves ? Ils vont faire quoi ceux-là ?
Et surtout des 9-10 élèves juste moyens, ceux qui à force de, et parce
qu'ils voient les trois qui réussissent à peu près, se disent ce n'est
pas impossible ? Il est où dans tt cela l'idéal de l'école républicaine
? La disserte on la réserve à ceux qui font lettres après le bac ? !
On peut casser le thermomètre, c'est vrai, ça soigne. Et c'est beaucoup plus
démocratique.
Claire, le 11/02/2000 :
Françoise a écrit :
(Tout-à-fait d'accord avec Christian pour ce qu'il dit des activités créatrices et
de la dissertation. d'ailleurs honnêtement, je crois bien que moi aussi, quand
j'étais au Lycée (bac en 65!) je trouvais cet exercice beaucoup trop difficile
et je n'ai commencé à vraiment le maîtriser qu'en préparant les concours, ce
qui ne m'a pas empêché de les réussir!...)
Non : je ne suis du tout d'accord : c'est comme cela que l'on en arrive au
nivellement par le bas. Certains dans mon lycée ont même cessé d'enseigner
la dissert aux séries technologiques sous prétexte qu'ils ne choisissent pas
ce sujet.
Or, c'est peut-être parce qu'on s'est battu avec (ou contre) la dissert
qu'on a réussi à la maîtriser en fac... et j'imagine d'avance la catastrophe
si les élèves ne découvrent cet exercice qu'en philo, voire en fac...
De plus, si l'on accepte d'y passer du temps avec les élèves, de les y
préparer c'est un exercice payant au bac et qui valorise le travail fourni
(il faut maîtriser l'oeuvre pour réussir, à la différence des sujets I et
II). Ce sont même généralement les meilleures notes et même pour des élèves
moyens qui voient payer leur travail.
De plus, je me rappelle avoir détesté le résumé/discussion et avoir adoré
les commentaires composés et les dissert : je pense vraiment que si le cours de français
s'était résumé au sujet I, je ne ferais pas ce métier
aujourd'hui... Supprimer ce qui fait l'aspect littéraire de notre
enseignement, c'est risquer de détourner les littéraires des lettres.
Christian, le 10/02/2000 :
Beaucoup de choses avec lesquelles je peux être d'accord dans le désaccord
de Michel. Non je ne suis pas l'affreux poujadiste démagogue qu'on
pourrait supposer et je ne crache pas sur un corps auquel j'appartiens mais
ce que je déplore dans notre système c'est la place très réduite qu'y tient
l'éveil de la sensiblité. je ne m'accommode pas de voir quelques petits
chien savants bien brieffés, avec des profils de futurs énarques, être les
grands gagnants du système éducatif alors que des personnalités riches et
créatrices se dégoûtent du lycée parce qu'ils ne maîtrisent pas les
protocoles rhétoriques. A nous précisément de leur donner cette maîtrise,
direz-vous. Mais on sait bien que ce n'est pas si simple et que de mutiples
facteurs socio-culturels entrent en compte. Pour être bref, je crois que la
dissertation n'est pas ce qui peut le mieux aider certains à accéder de
manière motivante à la culture littéraire. Ce n'est pas pour autant faire
l'hommage du devoir de type I comme fait semblant de le croire Claire.
Cette soupe est encore plus détestable. Pourquoi n'a-t-on pas pris la peine
de regarder de plus près les procédures d'écriture proposées dans les
nouveaux programme? Elles sont loin de manquer d'ambition et de contenu
formateur. Ce n'est pas forcément donner dans l'allégrisme que de le
reconnaître. Ce qui m'étonne par ailleurs, c'est qu'on ne parle jamais sur
cette liste des risques liés à l'importance croissante des nouvelles
technologies et au rôle de plus en plus envahissant que prennent les
"techno-Tice" qui débordent de plus en plus sur les champs disciplinaires et
les tritent avecla plus grande désinvolture. Au nom du "tout Tice", on est
près à passer allègrement sur les contenus qui sont vus parfois comme un
prétexte.
Montage de Jean-Baptiste
|