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Ecole : la lutte doit continuer !


"L'ECOLE QUI RECULE"

Les présidents des deux fédérations de parents d'élèves (FCPE et PEEP), associés à quelques prix Nobel, ainsi qu'à l'état-major, au complet, des concepteurs de la politique menée pendant trois ans par M. Allègre (Dubet, Perrin-Naffakh, Meirieu, Morin, Touraine, etc.), viennent de lancer un vibrant "appel" à la poursuite de "réformes" qu'ils qualifient de "vitales", et que, pour certains, ils ont eux-mêmes élaborées.

On notera, d'abord, que la plupart des signataires enseignent à l'Université, ce qui revient à dire que leur connaissance des "pratiques d'enseignement" qu'ils dénoncent est, le plus souvent, de seconde main. On pourra, facilement, leur opposer les centaines de milliers d'enseignants du primaire et du secondaire qui ont, ces dernières semaines, dit haut et fort leur refus, non pas du principe de "réforme" (en tant qu'une "réforme" suppose un "progrès"), mais des "réformes" de M. Allègre, et qui savaient, eux, de quoi ils parlaient.

On s'étonnera, ensuite, et non sans un certain effarement, que des personnages aussi éminents apportent leur soutien à des mesures qui vont à l 'encontre des principes qu'ils affirment :
" DEFENDRE L'ECOLE PUBLIQUE
DEFENDRE L'EGALITE DES CHANCES
CONTRE L'IMMOBILISME ET LE CORPORATISME
POUR L'ECOLE QUI AVANCE "


On s'affligera, enfin, qu'en si haut lieu, l'on ne sache pas lire -surtout quand il s'agit de lire ce que l'on a soi-même écrit, ou fortement soufflé : "De nombreuses mesures concrètes ont été mises en place, quelques unes d'entre elles nous paraissent emblématiques :
  • L'aide individualisée pour les élèves des collèges et lycées
  • Des programmes mieux structurés et plus cohérents du primaire à l'université.
  • Un enseignement professionnel revalorisé du lycée à l'université en partenariat avec les milieux économiques pour faciliter là encore l'emploi des jeunes.
  • Un effort important en faveur d'Internet et des nouvelles technologies de l'école à l'université.
  • Une augmentation conséquente en matière de bourses pour les élèves et les étudiants en particulier avec le plan social étudiant."
Ces inepties devraient pouvoir se passer de réponse. Mais il convient, sans doute, de rétablir les faits, et, pour ce faire, de s'en tenir aux textes et aux chiffres.

1. Les "heures de remise à niveau" en 6ème et l' "aide individualisée" en 2nde, si le principe en paraît généreux, vont, de fait, à l'encontre de l'"égalité des chances".
  • Le "Collège des années 2000" précise que "les heures de remise à niveau (6h par semaine au maximum) sont incluses dans l'emploi du temps de 6ème elles ne peuvent augmenter cet horaire que de deux heures au plus. [...] La remise à niveau est dispensée pendant les heures d'enseignement du groupe classe, de façon à éviter le surenseignement." (p. 15) Il apparaît ainsi que la "remise à niveau" peut priver les élèves en difficulté de 6 - 2 =4 heures d'enseignement, dont bénéficieront leurs camarades. Ce qui est donné d'un côté, est deux fois repris de l'autre.
  • L' "aide individualisée" en 2nde a été présentée par MM. Allègre et Meirieu, comme la possibilité, donnée "à ceux qui n'en ont pas les moyens", de bénéficier de "cours particuliers". Comme le rappelle M. Meirieu, dans Libération du 29 mars 2000, cette mesure a été financée par l'allégement des programmes et la réduction des horaires d'enseignement (6 mois de cours en moins, sur trois ans). Conséquence : on apprendra moins dans les lycées.
Pourtant les connaissances sont plus que jamais nécessaires, à la fois pour le futur citoyen, et pour le futur salarié. Aussi les familles "qui en ont les moyens" ne manqueront pas de recourir à de vrais cours particuliers, moyennant finance, pour compenser les manquements de l'Ecole publique.

2. Sur la "structuration" des programmes, on constate que la "volonté de cohérence" du ministère se traduit par l'abaissement du niveau d'exigence. Deux exemples :
  • L'écriture d'un récit était, jusqu'ici, l'un des objectifs du collège (l' autre étant une première approche du raisonnement argumentatif et de la dissertation). Désormais, le récit est une épreuve du baccalauréat -tandis qu'il est question de réserver la dissertation, qui forme à l'esprit critique, et le commentaire composé, qui nécessite une capacité d'analyse et de synthèse, aux seuls "littéraires".
  • Le refus de l' "empilement des savoirs" se traduit dans les nouveaux programmes d'histoire de 3ème : au nom de l' "allégement", ont disparu la révolution russe de 1917 et l'Italie fasciste. Ce dernier cas est spécialement remarquable, comme illustration de la "volonté de cohérence" du ministère, puisqu'il convient désormais, en 3ème, d'étudier le nazisme sans avoir entendu parler du fascisme.

3. Quant à la "charte" sur l' "enseignement professionnel intégré", elle aura, certes, pour conséquence de "faciliter l'emploi des jeunes", mais pas au sens où cet "appel" paraît l'entendre. "Faciliter l'emploi des jeunes", c' est en fait donner plus de facilités aux entreprises pour employer les jeunes. C'est rendre les jeunes plus "employables", comme le dit si bien la Table ronde des industriels européens, qui ajouterait "plus fexibles". Ce n' est pas du tout la même chose.
  • La "charte" sur l' "enseignement professionnel intégré" précise que les entreprises pourront, gratuitement, "utiliser les plates-formes technologiques des lycées professionnels", non pas pour apprendre un métier aux jeunes, mais pour les former à un poste de travail précis, puisque chaque établissement sera doté d'un "projet" qui devra "prendre en compte" les intérêts de toutes les parties contractantes, c'est-à-dire, aussi, les "besoins" particuliers des entreprises particulières en main d'oeuvre. Conséquence : si les jeunes ne sont pas, au terme de leur formation, embauchés par l'entreprise qui les aura formés, ils devront repartir de zéro. Dans ce cadre, des diplômes nationaux, comme le CAP ou le BEP sont amenés à disparaître.

4. L'utilisation d'Internet, qui demeure, quoi qu'en dise le ministère, réservée aux élèves qui disposent d'un ordinateur chez eux, nécessite que soit développé, au préalable, l'esprit critique. On ne saurait, sans cela, s 'y retrouver dans la multitude des informations disponibles, et l'on risquerait, faute de recul, et d'habitude de soumettre ses lectures à une critique, de tomber sous les influences les plus néfastes.

5. Quant au "plan social étudiant" étudiant, il ne faudrait pas oublier que, depuis 20 ans, les ministères successifs ont supprimé des milliers de postes de surveillants, privant ainsi des étudiants issus de milieux modestes de la possibilité de poursuivre des études universitaires.

Julien Esquié

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