MANIFESTE DE CHARBONNIÈRES

Paru dans " Le français aujourd'hui " *, septembre 1969

(* Revue de l’A.F.E.F. qui s’appelait alors A.F.P.F. Le mot " professeurs " est peu après devenu " enseignants " pour ne pas dissuader l’adhésion des instituteurs)

 

PRINCIPES ET OBJECTIFS
Déclaration préliminaire
Objectifs de l'enseignement du français

CONTENUS ET METHODES
Apprentissage de la langue
Textes et lectures

MAITRES ET ELEVES

FORMATION DES MAITRES
Trois principes de base
Problèmes spécifiques à chaque ordre d'enseignement

 

PRINCIPES ET OBJECTIFS

I - DÉCLARATION PRÉLIMINAIRE

Les difficultés que rencontrent les maîtres français dans leur travail quotidien,

- la complexité et l'étendue des connaissances désormais nécessaires à l'exercice correct de leur fonction.

- le faible développement, ou la diffusion insuffisante, des recherches pédagogiques sur l'enseignement du français,

- l'inadaptation aux besoins actuels des modes de formation et de recrutement des enseignants, ont conduit des maîtres de tous les degrés (1) à se réunir autour du Bureau de l'A.F.P.F. en trois journées d'étude au Château de Charbonnières (Eure-et-Loir) les 10, 11 et 12 septembre l969 pour faire l'inventaire des problèmes urgents et pour suggérer les cadres d'un programme de travail, dont les hypothèses, soumises à une expérimentation contrôlée à grande échelle, pourraient déboucher sur un plan pour la rénovation l'enseignement du français, rénovation indispensable, et qui n'a pas été jusqu'ici véritablement envisagée dans son ensemble.

Les objectifs, la matière et les modes de notre enseignement ont le plus souvent été définis fonction d'idées à priori ou par rapport à des résultats et à un état des connaissances aujourd'hui dépassés. Le progrès des sciences de l'éducation, le développement de la linguistique, le renouvellement des méthodes d'approche des textes permettent d'envisager aujourd'hui, sur des fondements plus scientifiques. des définitions de plus en plus pertinentes

• des contenus,

• des méthodes,

• des épreuves de contrôle nécessaires à l'évaluation de l'efficacité de la pédagogie du français.

L'AMPLEUR DES CONSEQUENCES PRATIQUES, LES INCIDENCES INSTITUTIONNELLES ET FINANCIERES NE NOUS ONT PAS ECHAPPE, NON PLUS QUE L'IMPOSSIBILITE POUR UNE ASSOCIATION DE SPECIALISTES DE MENER SEULE L'ENTREPRISE A SON TERME.

On trouvera donc ici, à côté d'un certain nombre de principes et d'hypothèses concernant

• les objectifs de l'enseignement du français,

• l'enseignement de la langue,

• l'initiation aux textes,

• la formation des maîtres,

des suggestions de mesures à court terme répondant à l'urgence des problèmes.

MAIS IL EST EVIDENT QUE LES MESURES A LONG TERME INDISPENSABLES NE POURRONT ETRE ETUDIEES QU'AU PLUS HAUT NIVEAU, AVEC LES REPRESENTANTS DE TOUS LES ORGANISMES INTERESSES.

En ce qui concerne l'ensemble de nos propositions, nous tenons à déclarer avec netteté :

1. L'école ne saurait à elle seule changer le monde et la vie. Il est établi que les handicaps, les blocages dont souffrent les élèves sont, pour l'essentiel, d'origine socio-économique et socioculturelle. Notre action pédagogique pour la liberté, l'authenticité, l'épanouissement des hommes ne saurait donc être dissociée du contexte économique, social et politique où elle s'inscrit.

2. L'école peut cependant, tout en aidant les élèves dans l'immédiat. contribuer aux prises de conscience nécessaires. L'école ne doit ni s'illusionner sur son pouvoir, ni se replier sur une formation qui préparerait exclusivement à la vie professionnelle.

LES CHANGEMENTS DONT IL VA ETRE QUESTION DANS LES PAGES OUI SUIVENT SUPPOSENT, POUR ETRE REALISES, LA MISE EN OEUVRE DE MOYENS MATERIELS IMPORTANTS. L'INITIATIVE, L'IMAGINATION, LA BONNE VOLONTE NE SUFFISENT PAS. SANS CREDITS ON NE SAURAIT ENVISAGER LA FORMATION INITIALE ET PERMANENTE DES MAITRES, LA REDEFINITION DES HORAIRES, DES SERVICES, LA REDUCTION DES EFFECTIFS DES CLASSES, CONDITIONS NECESSAIRES AU RENOUVELLEMENT DE L'ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS.

(1) Les écoles maternelles n'ont pu être représentées directement à Charbonnières, mais elles avaient participé aux travaux préparatoires.

 

 

II - OBJECTIFS DE L'ENSEIGNEMENT DU FRANCAIS

1. Maîtrise de la langue orale et écrite :

Apprentissage et maniement de structures syntaxiques et lexicales en fonction des " niveaux de langue " impliqués par les situations d'emploi. Ceci pour tous les cycles : l'enseignement de la langue ne peut plus s'arrêter en fin de troisième et n'être dispensé ensuite que par le canal des exercices traditionnels de dissertation et d'explication.

Tout maître de français, de la Maternelle à l'Université, est donc un professeur de langue et devrait recevoir la formation appropriée.

2. Apprentissage de la lecture.

Le maître de français est un maître de lecture; il facilite l'accès aux différentes formes de l'expression, sans les limiter aux formes écrites et sans limiter les formes écrites à la littérature, et met ses élèves en mesure de les apprécier sans céder aux pressions de la mode et du milieu.

Actuellement, il est difficile de prétendre qu'il soit particulièrement qualifié pour aborder avec ses élèves les œuvres ou l'information diffusées par le cinéma, la télévision, le disque, etc. Tant qu'il n'aura pas reçu pour cela une formation orientée dans une perspective différente de celle des études littéraires, son domaine propre reste celui du texte oral et écrit.

Reste qu'il lui appartient d'initier les élèves à la fois à la culture d'hier et à celle d'aujourd'hui en recourant à :

• une lecture littéraire portant sur des œuvres importantes des littératures française. ancienne et étrangère,

• un apprentissage de la lecture critique de documents écrits, parlés, filmés (presse. publicité, etc.).

3. Formation de l'homme et préparation à la vie. (Intelligence, sensibilité affective et esthétique, imagination, sens social).

A cet égard, l'enseignement du français ne peut désormais revendiquer le rôle exceptionnel que naguère on lui reconnaissait. Dans l'école, hors de l'école, d'autres disciplines de formation (mathématiques modernes, biologie, etc.), d'autres modes de communication contribuent à former ou à informer les enfants. Le maître de français n'est pas dépositaire d'une " culture " qualitativement supérieure à celle des autres disciplines.

Conscient de ces limites, le maître de français n'en reste pas moins un professeur de méthode. Pour préparer ses élèves à une meilleure compréhension du monde et d'eux-mêmes. il les aide à développer sens de la relativité, esprit de comparaison, sens critique, aptitude à l'analyse et à la synthèse. Il lui faut, simultanément et à tous les niveaux, stimuler l'imagination des élèves, éveiller leur sens esthétique, affiner leur sensibilité affective, entretenir en eux le désir de créer, leur donner l'occasion d'exprimer leur personnalité l'individu et d'être social.

N.B. - 1. L'importance prise par les " média ", les rapports entre la diffusion par l'image et le texte écrit, le type de " réception " par l'enfant de l'un et l'autre " message " font l'objet d'enquêtes et de travaux dont l'urgence est telle qu'il faut donner aux organismes compétents les moyens de les poursuivre et de les étendre.

2. Seule une étude interdisciplinaire pourrait déterminer les exigences minimales pour la formation d'hommes capables d'affronter le monde actuel. Des recherches interdisciplinaires à tous les niveaux devraient étudier l'harmonisation des différentes formations reçues concurremment par l'élève, afin qu'elles ne soient plus parallèles mais complémentaires.

 

 

CONTENUS ET METHODES

 

Il semble essentiel que, pour tout enseignement, soient définies et étudiées les conditions de la communication, à l'école et hors de l'école, tout autant que celles de la création. Ainsi pourra être dessinée une stratégie, à la fois une, rapportée aux objectifs définis plus haut, et diversifiée selon les types d'enseignement envisagés. S'il est hautement souhaitable en effet que soit proclamé le principe d'une- même école pour tous, il n'en reste pas moins inconcevable qu'on impose à tous un seul modèle.

Les progrès accomplis en psychologie. en sociologie, en linguistique permettent d'aborder plus scientifiquement un grand nombre de questions ; mais ils dévoilent aussi l'extrême complexité des problèmes. Il serait vain de croire que les recherches actuelles apportent dans l'immédiat des solutions complètes et définitives aux problèmes d'enseignement. Aucune d'entre elles ne doit être présentée comme un remède miracle. Mais ceci ne signifie pas pour autant qu'il faille ne rien changer et s'en tenir à des habitudes commodes : ainsi l'enseignement grammatical traditionnel est profondément mis en cause dans ses principes, ses contenus et ses méthodes. Il en va de même pour l'approche des textes. Sans qu'un corps de doctrine et une progression complète puissent être aujourd'hui scientifiquement recommandés ou imposés administrativement, l'application de théories plus satisfaisantes doit être systématiquement encouragée et donner lieu à des expérimentations contrôlées comme celle qui est tentée à l'école élémentaire. En conséquence, Il apparaît donc nécessaire que chaque classe, à l'intérieur d'un cadre commun de principes et d'objectifs, définisse elle-même ses démarches et ses buts immédiats. Une telle notion exige non seulement que le maître cherche à donner un style nouveau à la classe, mais qu'il y soit préparé, qu'il soit tenu au courant, année par année, du développement des innovations et des recherches, qu'il participe personnellement, seul ou, bien mieux, dans un groupe, à un immense effort de formation continue.

La création ou le développement d'organismes ayant pour mission d'informer, d'animer, de confronter et de coordonner, pourrait jouer un rôle essentiel dans la mise au point des principes et objectifs, la synthèse des innovations. Ainsi pourraient s'établir des liaisons vécues, entre les divers ordres d'enseignement d'une part, entre innovation et recherche scientifique d'autre part, de manière à préserver la nécessaire liberté du maître dans sa classe tout en tenant compte des exigences d'une efficacité plus grande.

 

I - APPRENTISSAGE DE LA LANGUE (2)

1° Nécessité de descriptions et d'enquêtes linguistiques

Il faut savoir, autant qu'il est possible, d'où l'on part. Il ne s'agit pas de vérifier les " connaissances " de l'élève dans un domaine déterminé (capacité d'analyser telle ou telle forme, correction de la graphie, etc.), mais d'esquisser un tableau du pouvoir d'expression de la - ou des classes - par l'observation directe, l'investigation, l'enquête (bandes enregistrées, etc.) (3). De telles enquêtes devraient sensibiliser l'esprit de tout enseignant et chercheur, à divers problèmes.

Voici ceux qui apparaissent les plus notables :

• dans les systèmes d'expression spontanés des élèves, ne comptent pas que les mots et les phrases, mais aussi toutes sortes de signes, intonation, mimique, geste, attitude, etc. On devrait s'efforcer de repérer et d'articuler entre eux les éléments constituant chacune de ces diverses organisations,

• aux différents types de situation correspondent différents types d'expression, qui constituent des ensembles. Par exemple, l’expression orale répond à toutes sortes de cadres, d'interprétation très différente : les échanges de la cour de récréation, l'exposé fait devant les camarades sur une émission de télévision, la lecture à haute voix d'un texte écrit, etc.,

• ici se pose un problème de progression, dont la complexité (facteurs sociaux, caractériels, linguistiques, etc.) n'échappe à personne et qui requiert la mobilisation de tous. En attendant de dépasser le stade embryonnaire actuel, on pourrait réfléchir sur certaines données : pour quelques enfants, au parler aisé, l'étude de telle ou telle forme relève surtout de l'approfondissement des mécanismes, d'un entraînement: pour d'autres, les plus déshérités, il s'agirait plutôt d'un apprentissage de tours inconnus ; certaines techniques éprouvées par les enseignants du français langue étrangère pourraient alors être essayées.

Conclusion

L'étude des inventaires confrontée à celle des finalités doit donc dicter ou - plus modestement - suggérer une stratégie pédagogique.

(2) La division retenue (" Apprentissage de la langue ", " Textes et lectures ") ne représente, bien entendu, qu'une commodité de travail et ne correspond à aucune réalité dans la pratique de l’enseignement du français dans une classe, où le maître est à la fois, à tous les niveaux du premier et du second degré, maître de langue et maître de lecture.

(3) On pourrait envisager cette pratique à trois niveaux : particulier (la classe). général (plan national pour lequel l'Association souhaite l'extension de. activités de l'I.P.N., mais aussi au niveau de groupes d'enseignants dont la création ou le développement nous paraissent déterminants : ces groupes pourraient mettre un pratique l’interdisciplinarité, agréger les expériences de tous ordres, adapter les efforts aux nécessités de populations scolaires spécifiques : ils s'intégreraient tout naturellement à une structure régional de type I.R.E.F. (Institut de Recherche pour l'Enseignement du Français), lieu d’échanges de toutes les réflexions.

 

2° Entraînement à la communication et à l'expression orale et écrite

LA LINGUISTIQUE SUBSTITUE A LA NOTION DE FAUTE CELLE DE CONVENANCE. ELLE INVITE DONC LES PEDAGOGUES A REMPLACER DES TECHNIQUES AU FOND REPRESSIVES PAR DES EXERCICES D'ENTRAINEMENT LINGUISTIQUE.

Les élèves seraient amenés à prendre conscience que la pratique de leur langue maternelle peut faire l'objet d'un apprentissage progressif. Celui-ci devrait contribuer à compenser les handicaps verbaux hérités du milieu socio-économique, socio-culturel, permettre ainsi au plus grand nombre d'accéder aux études secondaires longues et d'y réussir, permettre ainsi à chaque enfant de s'épanouir pleinement.

Il convient de créer dans la classe une dynamique éducative de libération et de structuration.

a) A partir de l'exercice motivé de la communication orale, écrite.

b) Dans une démarche "  ternaire " :

• de l'appréhension globale, intuitive des structures syntaxiques et lexicales,

• vers " l'analyse " : imprégnation par la langue adulte (imprégnation par les textes d'auteurs, exercices " structuraux ") - formalisations explicites dans des limites à étudier,

• vers la mise en œuvre synthétique des structures renforcées ou acquises, par transfert dans la communication, l'expression orale ou écrite spontanées.

L'entraînement à la communication, à l'expression orale, qui a ses fins propres, peut favoriser

• l'accès à la langue écrite,

• un maniement personnalisé de la langue écrite,

• un changement fondamental des relations maître-élève dans la classe.

De même, l'entraînement à la communication, à l'expression écrite qui a ses fins propres, peut avoriser la communication, l'expression orale (4).

Dans cette analyse d'ensemble, il est impossible d'énumérer les types d'exercices - au demeurant, les revues pédagogiques en proposent beaucoup d'excellents - impossible aussi d'entrer dans le détail et la diversité des applications. On tient cependant à rappeler que l'étude de la langue - ou mieux, des divers systèmes d'expression - doit être poursuivie tout au long des études et, en particulier, jusqu'à la fin du second cycle du second degré. On n'inscrira ici que quelques principes de base.

1. Des exercices systématiques sont nécessaires. Ils n'excluent nullement les techniques lites d'expression libre. Mais tout individu qui s'exprime, à quelque âge ou en quelque milieu que ce soit, le fait à l'intérieur de formes déterminées : on distinguera donc les canaux de transmission (oral/oral, écrit/écrit, oral/écrit, ; écrit/oral), mais aussi les formes de réalisation (au niveau de la phrase ou du discours : lettre, annonce, panneau-réclame, poème, émission télévisée, échange entre groupes d'enfants ou d'adolescents, contes populaires, etc.). Il n'y a aucune raison d'éliminer le texte " littéraire " ; c'est au naître - ou au groupe d'enseignants - à en juger. Ainsi la décomposition - et l'élaboration - de poèmes, rapprochés des formes de la réclame, des slogans, etc., seront très efficaces : de même, la contraction de textes - et de textes très variés - est généralement d'un rendement remarquable.

Deux remarques importantes

- Les formes non verbales intervenant dans les systèmes d'expression des élèves : gestes, mimiques, souvent pauvres, ou plutôt stéréotypés à l'état brut, pourraient devenir, dans les classes, . objet d'un entraînement permettant d'en approfondir et d'en nuancer la pratique. Le mime, le mimodrame, les exercices d'intonation, l'improvisation sont des techniques favorables à la fois a la communication et à l'expression personnelle.

- On retrouvera parfois des exercices familiers à l'enseignement traditionnel ; on n'en conclura pas que rien n'est changé sous le soleil et que les réformes proposées ne sont que vanité. Passant d'un système théorique à l'autre, tel exercice changera complètement de signification et son exploitation sera autrement infléchie. Ainsi ces exercices de substitution (exercices sur les synonymes, exercices " à trous ", par exemple), portant sur des éléments isolés et n'entraînant aucune modification du système de la chaîne parlée ou écrite répondent dans l'enseignement traditionnel à une certaine conception classique de la rhétorique ; dans la pédagogie moderne. ils correspondent à la formalisation de systèmes d'expression, dans lesquels chaque élément n'intervient qu'en fonction des autres. Dans un cas, ces exercices établissent des séparations, dans l'autre des rapprochements.

2. La conduite d'exercices systématiques suppose évidemment un intense effort de systématisation et donc de normalisation : les enseignements de la linguistique moderne, eux-mêmes insérés dans la conception contemporaine de . effort scientifique. sont arrivés à un point de développement qui en autorise l'exploitation pédagogique ; il sera utile de montrer que l'expression de la langue répond à un système aussi rigoureux que celui de la logique ou des mathématiques. Il serait fâcheux que les sciences seules apparaissent aux yeux des enfants comme exactes. Oppression ? Au contraire, on ne maîtrise bien que ce qu'on connaît, on n'exerce son esprit critique que dans ce qu'on peut décomposer. Ajoutons que les récents développements de la linguistique établissent d'une façon prometteuse une collaboration féconde des grammairiens et des mathématiciens ; les diverses expériences tentées ces dernières années avec des enfants du premier degré annoncent des développements spectaculaires (établissement de graphies, procédures de formalisation, etc.)

Mais cette formalisation se manifestera de façon très différente : implicitement d'abord. pour ceux dont l'expression spontanée est la plus rudimentaire (et c'est demander au maître un effort supplémentaire de lucidité), puis explicitement, pour que la perception des règles en rende plus aisé le maniement ou pour que l'adolescent réfléchisse aux règles qui organisent un système de signes. Les recherches en cours ne permettent pas encore de déterminer avec précision les étapes d'une progression dans ce domaine.

Conclusions

Un appareil aussi rigoureux ne se justifie que dans la mesure où il peut donner aux enfants, aux adolescents, les moyens d'une plus grande maîtrise de l'instrument linguistique et par conséquent d'une plus grande liberté de parole, c'est-à-dire d'une utilisation créatrice de la langue.

Reste qu'on risque toujours de tomber dans une scolastique, dans un néo-formalisme. dont le maître devra sans relâche se défier.

(4) Ces questions sont encore largement ouvertes et débattues. Nous reprenons ici les hypothèses de travail qui fondent l'expérimentation en cours à l'école élémentaire ("Projet Rouchette").

 

II - TEXTES ET LECTURES

Il convient d'accorder une grande importance aux formes d'expression non écrite (théâtre, cinéma. télévision) : mais on se limite ici volontairement à l'emploi de textes écrits, passés ou présents.

REMARQUES PRELIMINAIRES

1° Sans prétendre définir ce que pourrait être aujourd'hui la culture, nous posons en principe le refus d'une culture-somme, ou organisée selon des normes chronologiques et nationales. Nous considérons la culture comme une capacité, non seulement de goûter les œuvres littéraires, mais de comprendre, à travers ces œuvres, et le monde, et soi-même. Non pas repli sur un " trésor culturel ", mais préparation à affronter la complexité de la réalité moderne.

Dans cette perspective, l'étude des textes apparaît comme un moyen privilégié pour l'acquisition et la confirmation progressive des attitudes et aptitudes intellectuelles et esthétiques définies plus haut.

Le texte écrit assume en effet plusieurs fonctions : fonctions d'évasion et de rêve, d'éveil de la sensibilité, de représentation du monde et de soi-même, de document historique, d'objet esthétique, de document linguistique. lesquelles justifient différents types d'approche, selon l'âge et les capacités des élèves.

2° Pour être efficace, toute réflexion sur le choix des textes et des méthodes nous semble devoir être articulée non sur un programme chronologique (présupposant la culture-somme que nous refusons comme irréaliste) mais sur une progression des objectifs, qui devrait être établie en fonction des intérêts et des aptitudes des enfants de chaque âge, afin que celles-ci ne soient plus ni sous-employées (imagination, créativité), ni forcées (d'où désintérêt et blocages).

Nous proposons donc des suggestions pour l'établissement d'une telle progression, à partir de notre expérience pratique, en souhaitant que les études psycho-génétiques (auxquelles seraient associés des enseignants) établissent dans un proche avenir des bases scientifiques propres à assurer à une telle progression le maximum d'efficacité.

 

1° Grandes lignes d'une progression des objectifs

Les objectifs correspondant aux possibilités des enfants peuvent, nous semble-t-il, s'organiser selon le schéma qui suit. La division entre le niveau élémentaire et les premières années du second degré correspond plus, en l'état actuel des choses, à une réalité institutionnelle qu'à un changement important dans la définition des objectifs.

Niveau élémentaire

Au premier plan, l'apprentissage de la technique de la lecture, systématiquement poursuivi. La lecture doit toujours avoir, et dès le début, une signification double : information personnelle (lecture silencieuse), communication (lecture à haute voix).

En ce qui concerne le développement de la sensibilité esthétique, le choix des textes doit répondre surtout aux pouvoirs d'imagination, d'appréhension immédiate du monde qu'il faut respecter et développer chez les enfants : il doit aussi permettre un exercice fécond de la mémoire, reposant d'abord sur la qualité formelle des textes.

Premières années du Second degré

Poursuite des entraînements commencés :

- respecter les besoins d'évasion et d'action,

- nourrir le besoin d'exprimer, de créer,

- développer l'aptitude à percevoir, à sentir, à exprimer l'objet esthétique,

- initier l'enfant, implicitement et par la pratique, à un certain sens du relatif, à un esprit de comparaison.

Second cycle

Le choix des textes peut désormais répondre aux nouvelles formes d'une sensibilité qui répugne souvent à s'extérioriser, permettre l'utilisation plus précise des aptitudes critiques et l'initiation à diverses méthodes d'approche du texte littéraire (abordé maintenant dans son contexte historique, culturel, etc.). concourir à développer simultanément sens critique, sens esthétique, sens du relatif.

C'est le progrès dans l'acquisition des méthodes qui déterminera, à ce niveau. le choix des œuvres, et non le déroulement d'un programme chronologique suivi.

On réservera pour le premier cycle de l'Enseignement Supérieur, l'étude systématique de l'histoire littéraire, indispensable pour des étudiants désormais spécialisés, et pour eux seuls.

L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE FRANÇAIS N'EST PAS DESTINE A FORMER DE FUTURS PROFESSEURS DE LETTRES OU DE FUTURS CRITIOUES LITTERAIRES.

REMARQUES

1° Il importe au plus haut point d'assurer la continuité entre les différents niveaux. Cela implique des rencontres systématiques entre les maîtres du Premier et du Second degré, puis du Premier et du Second cycle du Secondaire, comme entre ceux-ci et les maîtres du Premier cycle du Supérieur.

2° Les vues générales ci-dessus ne doivent pas dissimuler le fait que chaque classe a son caractère propre, résultant d'un complexe de conditions matérielles, géographiques, sociales, culturelles, psychologiques où la personnalité du professeur et ses méthodes jouent également un rôle considérable.

C'est une des contradictions de notre métier qu'une réflexion théorique générale y soit indispensable. alors que les conditions " hic et nunc " sont pratiquement déterminantes.

2° Applications aux différents cycles

A. - PREMIER DEGRE

A l'école élémentaire, Il est bon que les enfants lisent, jouent, disent, illustrent, miment, chantent. créent des textes poétiques.

Si le sens du rythme, le goût du mot, le plaisir des sons n'ont pas été éduqués dès cette époque, ils risquent de n'être jamais éveillés, non plus que le sens et les capacités de création plastique. L'esprit globaliste qui inspire les maternelles devrait pénétrer et animer l'école élémentaire, et le premier cycle du Second degré.

La représentation du monde, prise entre l'image inactuelle et faussement séduisante des " livres de lecture ", et la vision traumatisante, dans les œuvres contemporaines, d'une réalité brutale, peut être proposée aux enfants par la médiation du conte et du récit mythique comme par des collections documentaires à leur portée. Dans cette perspective, chaque classe devrait avoir sa bibliothèque où les enfants auraient la liberté de puiser parmi des ouvrages très divers.

Il va de soi que l'accès aux textes n'a de sens que si l'apprentissage matériel de la lecture est suffisamment assuré. Actuellement, un nombre important d'élèves du second degré et d'adultes n'ont pas le goût des livres pour la seule raison qu'ils ne savent pas lire couramment.

On ne saurait trop insister sur la nécessité de créer chez l'enfant le désir de lire, d'autant moins spontané aujourd'hui que d'autres moyens de communication à l'accès plus facile captent son intérêt et satisfont ses besoins. Il faut imaginer des exercices qui rendent évidente la nécessité de la lecture. Il convient en particulier de motiver avec soin tout exercice de lecture à voix haute : résumé d'un livre, d'un document, appuyé d'extraits significatifs, rapport d'enquête sur documents, présentation d'un poème, etc.

Le désir de lire devient alors aussi désir de bien lire. Pour la correction de la lecture à haute voix, l'usage du laboratoire de langue, au minimum du magnétophone, est d'un grand secours. Ce matériel trouve aussi son emploi pour aider à la mémorisation du texte qui répond à la fois à un goût et à une aptitude des enfants de cet âge.

L'exercice écrit à caractère artificiellement littéraire est à proscrire. Les exercices d'entraînement à la pratique de la langue prennent ici une très grande place. Les activités de la classe (journaux de classe, correspondance, compte rendu d'observation, jeux romanesques, poétiques ou dramatiques, etc.), les créations individuelles entraîneront les élèves à la rédaction plus motivée de textes plus naturels.

B. - SECOND DEGRE (PREMIER CYCLE)

Une répartition

- 6e, 5e, 4e, (imprégnation et spontanéité).

Une répartition

- 3e, 2e, (approches plus méthodiques).

Une répartition

- 1re, T (enseignement différencié suivant les sections)

serait plus conforme à l'évolution des enfants actuels que la division traditionnelle, accusée récemment par la séparation des C.E.S. et des lycées. Mais il est raisonnable de réfléchir aussi dans le cadre des institutions existantes, d'où la division maintenue dans l'analyse qui suit.

a) Dans le cycle d'observation (6e et 5e).

Continuité indispensable avec le premier degré. Les textes littéraires gardent en priorité leur fonction d'évasion et de rêve : le plaisir à la poésie, aux beaux textes. plutôt lus, dits, joués, montés sous diverses formes, qu'expliqués systématiquement, demeure au premier plan ; liaison avec les professeurs de disciplines artistiques, très favorables à la créativité. La mémorisation, motivée par des exercices actifs, est facile. Magnétophone et laboratoire de langue aident à la recherche de la qualité. La lecture à haute voix donne l'occasion d'introduire, de façon vivante, des textes du passé qu'une explication systématique rendrait ennuyeux (théâtre comique), les éclaircissements nécessaires prenant place lorsqu'on en a besoin.

Certaines œuvres (ou de larges extraits suivis) peuvent introduire à une représentation relativement historique du monde. Ainsi le récit épique qui satisfait le goût du concret et le goût du mythe. Par la lecture de plusieurs récits, d'époques différentes ou bien interprétant différemment un même thème, l'habitude de comparer s'ébauche, sans qu'on en fasse mention explicite, comme on pourra le faire en quatrième et troisième.

Le travail oral gardant la première place, des comptes rendus écrits de lecture forment à l'exactitude et à la brièveté ; d'autres exercices prolongent les activités de l'école élémentaire.

b) Dans le cycle d'orientation (4e et 3e).

Cet âge semble favorable à un début de réflexion plus systématique. On fait prendre conscience aux enfants qu'à travers les textes, on peut :

1. appréhender le réel quotidien : étude de documents contemporains, étude de journaux, satisfaisant le goût du concret, encore vif, et de l'actuel.

2. comprendre le passé : documentation historique - textes - recherches en bibliothèque - synthèse de références.

3. se comprendre soi-même : lecture et étude de textes où les élèves retrouveront l'écho de leurs préoccupations, de leur sensibilité.

4. goûter le plaisir esthétique : lecture et explication de beaux textes, présents et passés, en prose et en vers.

• Il est très important de préciser explicitement dans ces classes la notion du relatif, en systématisant, par exemple, la comparaison, ébauchée au niveau précédent, d'œuvres sur un même thème. ou d'œuvres de même genre à des époques différentes.

• On établira fortement la distinction

• compréhension du texte,

• jugement sur le texte,

étape fondamentale dans la formation du sens critique.

Ainsi donc, si, à ce niveau, il ne saurait y avoir de programme imposé, on peut prévoir que se précise l'initiation à la diversité des formes de l'expression écrite : genres non littéraires : article le journal, reportage, rapport, etc., genres aux structures relativement simples, pratiqués déjà dans les classes précédentes : contes, épopées, théâtre comique, formes peu élaborées du roman policier ?).

En ce qui concerne la présentation des textes, si, en sixième et cinquième, le recueil de morceaux choisis semble acceptable (textes courts, faciles, œuvres présentées par de bons extraits reliés par un résumé) et garde peut-être à ce niveau son intérêt (éveil de la curiosité, incitation à la lecture, surtout pour des enfants de familles où l'on ne lit pas) il convient d'encourager le désir qu'ont les élèves de lire des œuvres dans leur ensemble. Seul d'ailleurs le texte intégral permet la pratique d'exercices tels que l'établissement le fiches de lecture et les premières recherches de structures simples.

L'explication détaillée de certains passages vient étayer une étude plus générale de l'œuvre ; elle n'est jamais fin en soi, mais liée au contexte l'un problème, d'une époque, d'un auteur. Ainsi se renforcent, par la pratique, le sens de la relation d'une œuvre littéraire avec ses différents environnements et la perception du caractère organique d'une grande œuvre, prélude à toute approche esthétique sérieuse.

Exercices écrits en liaison avec les lectures

• formes techniques précises : comptes rendus ; fiches de lectures, rapports, contractions, résumés.

En quatrième, on peut faire prendre conscience les lois spécifiques de chacun de ces " genres ". De même pour les travaux de création collectifs (romans, scénarios, jeux dramatiques) ou individuels (essais, poèmes, lettres ...).

Le délicat problème de la " correction " et de la périodicité des travaux écrits devra faire l'objet l'études ultérieures approfondies, en particulier pour cet âge où les blocages sont les plus graves, et la relation maître-élève la plus difficile.

C. - SECOND DEGRE (DEUXIEME CYCLE).

Nous tenons à rappeler que c'est en l'état actuel des choses une erreur que de consacrer tout l'horaire de français à l'étude des œuvres littéraires. S'il est vrai que cette étude peut, par une certaine imprégnation, favoriser l'épanouissement linguistique - à condition que les élèves soient en état de profiter de cette leçon implicite, et ce n'est pas le cas du plus grand nombre, il ne faut pas pour autant renoncer aux exercices systématiques d'entraînement à la pratique de la langue. La majorité des élèves va, après la terminale, soit quitter le monde scolaire, soit entamer des études spécialisées dans lesquelles la langue n'aura plus aucune place, mais où l'on exigera d'eux la maîtrise de l'expression écrite ou orale. Il importe donc d'étudier aussi la progression à ce niveau et d'élaborer des exercices appropriés.

L'essentiel dans le second cycle réside dans les ASPECTS NOUVEAUX DE L'ETUDE DES TEXTES.

Les œuvres plus riches. plus significatives. plus complexes qu'on peut désormais aborder progressivement répondent à la fois à toutes les fonctions énumérées plus haut. Mais le rêve, l'évasion, l'émotion esthétique semblent vécus plutôt hors de la classe ; par contre, la représentation du monde passe au premier plan des intérêts manifestés.

Nous insisterons seulement sur les acquisitions d'ordre méthodologique qui nous paraissent faire l'originalité de cette étape, tant comme base de futures études de Lettres que comme une préparation à l'entrée dans la vie active.

Il s'agit maintenant pour l'élève d'apprendre à lire pleinement, c'est-à-dire à prendre possession d'une œuvre dans ses différents aspects, en allant aussi loin que ses aptitudes et le soutien de méthodes précises le lui permettent.

Les grandes œuvres sont désormais considérées :

1. Dans leurs différents contextes

• au plan synchronique

- relativement à l'auteur

- au milieu

- à l'époque, historique et littéraire, artistique ;

• au plan diachronique

- comme situées dans l'évolution d'un genre, d'un thème, d'un mouvement d'idées (littéraires, politiques, artistiques, etc.), et comme liées à d'autres œuvres, précédentes ou postérieures.

Ici, une véritable méthode d'analyse historique peut se constituer sur les bases précédemment ébauchées : sens du relatif, attitude critique, esprit de rapprochement et de synthèse, compréhension du présent à la lumière du passé, et inversement. Mais ce serait fausser la nature même de l'œuvre que de ne pas l'étudier simultanément.

2. En soi, comme objet esthétique, dans ses différentes architectures :

- structures thématiques

- structures fonctionnelles

- structures stylistiques (jeu des figures, nature du vocabulaire, symbolique, etc.).

Tous ces différents points de vue, dont chacun implique une méthode d'approche, loin de s'exclure, puisque les réalités qu'ils envisagent sont solidaires, doivent être associés et dosés dans un mouvement dynamique que seule l'œuvre elle-même peut imposer, selon sa nature. Dans tous les cas, l'organisation du travail part du texte, et par une série d'études concentriques, essaie d'en approfondir les multiples valeurs, toujours liées à des phénomènes objectifs. L'explication de texte s'insère naturellement dans cette démarche, comme une focalisation, jamais comme une fin, et associée à des études d'ensemble (individuelles ou collectives).

La forte mobilisation des intérêts entraîne beaucoup de lectures périphériques :

• documents d'ordre historiques (contexte, auteur),

• autres œuvres en rapport avec la première, mouvements littéraires et historiques,

• ouvrages critiques,

toutes dûment motivées par les exigences de l'étude centrale.

Ces approches répondent à l'esprit de recherche des élèves de cet âge : ils sont capables de se passionner pour les techniques de fabrication d'une œuvre, et découvrent, par ce biais, le caractère rigoureux d'une analyse littéraire qu'ils croyaient condamnée à un bavardage impressionniste.

Elles supposent

• une bonne bibliothèque, accessible aux élèves,

• le temps pour le professeur d'y travailler avec eux, les initiant à des techniques nouvelles - fiche de documentation - prise de notes - toujours motivées par la recherche en cours.

Elles excluent, par la nature du travail en profondeur, toute perspective encyclopédique.

Il appartient aux professeurs et aux élèves de faire un choix suffisamment judicieux pour que différents genres, différentes époques, différents mouvements d'idées ou tendances littéraires soient rencontrés ou étudiés à partir d'œuvres classiques ou contemporaines, françaises ou étrangères. A titre de suggestion, on pourrait envisager un type d'organisation qui pour l'ensemble d'un établissement prévoirait pour chaque année :

• l'étude d'un genre, sous une forme adaptée à chaque classe,

• l'étude d'une période littéraire dans son environnement historique, artistique, etc.,

• l'étude approfondie d'une très grande œuvre (analyse critique, sources, affinités avec d'autres œuvres, etc.),

• l'étude d'un thème à travers plusieurs œuvres de la même époque ou de périodes et de pays différents.

Dans les sections destinées à former les futurs étudiants de Lettres, une initiation progressive aux méthodes de la critique classique et contemporaine devrait accompagner l'étude des œuvres.

N.B. - Dans toutes les sections, l'analyse critique de films importants nous paraît devoir figurer, en relation avec les lectures en cours, au programme des classes de français.

En résumé, Il y a lieu d'opérer un renversement de perspective : au lieu d'organiser la classe de français comme une revue de l'histoire littéraire nationale par la lecture d'œuvres chronologiquement abordées et de morceaux choisis, il nous semble que la fonction principale du professeur de français dans ces classes est de donner une capacité d'accès méthodologique aux grandes œuvres littéraires. L'étude approfondie de quelques grands textes permet de larges aperçus sur des mouvements d'idées, des périodes historiques et littéraires, en même temps que la prise de conscience du caractère spécifique de l'écriture et de la production littéraire.

Certes, tous les élèves n'arrivent pas au second cycle en état d'aborder Racine ou Balzac, par quelque méthode que ce soit. Le maître, dans bien des classes, doit encore consacrer beaucoup de temps au seul entraînement à la langue. Il convient. en ce cas, de faire, dans un premier temps, un appel particulièrement large à la littérature contemporaine, même dans des formes peu élaborées, ou qualitativement inférieures (romans sentimentaux ou " série noire ", magazines) sur lesquelles les élèves peuvent aisément S'exercer à trouver structures et " lois du genre ". à démonter les procédés de fabrication, à démythifier les succès dus à la mode ou à la publicité. Si la formation du sens esthétique se fait alors surtout a contrario, l'entraînement méthodologique est parfaitement valable et l'ouverture critique sur le monde moderne assurée. D'autre part, l'accès relativement facile aux grands textes contemporains (langue connue, idées " dans l'air ") permet d'attacher des élèves très sollicités par ailleurs (cf. horaires Terminales C, D, E et classes de techniciens supérieurs), et des références aux œuvres du passé, soulignées au cours des recherches, peuvent les amener à des lectures qui ne seraient pas acceptées (ou mal faites) si on les proposait directement.

Si, dans ces dernières remarques, on a surtout insisté sur l'importance de la littérature actuelle pour des élèves moins disposés ou moins bien préparés au travail sur des textes classiques, il va de soi que, dans toutes les classes, les textes contemporains peuvent autant ou mieux que d'autres faire l'objet des études approfondies dont la méthode a été définie plus haut.

Conséquences pratiques

1. - pas de manuels de morceaux choisis trop dirigistes (questions, textes de présentation) et déversant une information prédigérée,

- des œuvres nues, du type " poche "

- peut-être des dossiers à constituer, auxquels l'élève se reporterait (grands mouvements des idées, des arts, des techniques),

- d'excellentes bibliothèques partout, où se ferait, avec l'aide du professeur, une grande partie du travail.

2. - une collaboration étroite des disciplines (arts, philosophie, histoire, langues) selon la nature de l'œuvre étudiée.

 

Exercices en liaison avec l'étude des textes.

La dissertation doit être maintenue pour l'effort de raisonnement logique. de synthèse auquel elle invite : à condition toutefois

- qu'elle porte sur un problème véritable, présenté en termes directs, et soit le point d'arrivée de l'étude d'une œuvre ou d'un thème,

- qu'elle cesse de conduire. dans une fatidique troisième partie, à d'illusoires et rassurantes synthèses et qu'elle serve à une authentique mise en question.

- qu'elle ne soit jamais exercice de mémoire, mais mise en œuvre de documents.

Ces trois conditions l'excluent des examens du second degré (5).

L'essai se distingue de la dissertation en ce qu'il est un engagement immédiat sur un sujet précis. Il répond à l'intérêt des élèves pour la littérature d'idées, au désir d'expression personnelle.

La contraction, exercice très efficace, est un véritable test d'intelligence synthétique. Les modalités seraient à préciser (distingue-t-on résumé et contraction ? Comment fonder cette distinction ? Ne peut-on contracter que les " textes d'idées " ?).

Le commentaire composé ne devrait porter que sur un texte long constituant un ensemble et ne jamais se réduire à la rédaction d'une explication de texte.

La fiche de lecture peut donner l'occasion de bons exercices de synthèse.

La composition libre s'exerçant à l'intérieur d'un genre (y compris des genres tels que reportages, articles de journaux) favorisera une prise de conscience active des techniques et des contraintes propres à chacun.

Les exercices oraux continueront d'être pratiqués dans le second cycle ;

- d'une part. commentaires directs du texte, exposés individuels ou collectifs, comptes rendus divers correspondant au type d'étude des œuvres que nous proposons plus haut, et entraînant une discussion des résultats de chaque recherche;

- d'autre part, débats sur des sujets sans rapport direct avec l'étude proprement littéraire.

(5) Le style actuel, en général atténuatif, faussement conciliant, ne donne que les apparences de l'objectivité, révèle une indifférence profonde, " académique ", correspondant à une absence d'engagement personnel, voire de pensée, et n'a aucune application hors de l'école. Il faudrait admettre le style discontinu (celui des rapports), quand il suffit à exprimer faits et idées, le vocabulaire de la sociologie, de la psychologie, etc., quand il s'impose, quitte à initier les élèves à ces différents vocabulaires concurremment usités de nos jours.

 

D) ENSEIGNEMENT SUPERIEUR (Premier cycle).

Les notions et les méthodes dont la mise en place avait commencé dès l'école élémentaire, par les premiers contacts avec les textes, et s'était poursuivie dans le second degré, avec l'apprentissage du relatif puis de l'historique, sont ici consolidées. Il importe désormais d'aborder l'étude systématique de l'histoire de la littérature, tout en poursuivant une initiation sérieuse aux analyses stylistiques et structurales, aux approches psychanalytiques, sociologiques, etc. Un étudiant à la fin du premier cycle doit pouvoir entreprendre les études plus spécialisées de licence et de maîtrise avec de solides connaissances historiques. On peut à cet égard se demander à quel moment faire intervenir un enseignement du type " histoire de la civilisation -, qui permettrait de situer les œuvres littéraires dans une perspective diachronique et évolutive par rapport aux autres œuvres d'art et aux idéologies.

Pour favoriser cette initiation historique et méthodologique, il est nécessaire de chercher une unification des deux types de formation actuellement en place :

- travail fortement encadré et suivi (mais parfois aussi plus traditionnel dans la solidité même de ses méthodes) pour les classes préparatoires,

- travail plus ouvert sur la recherche et la science vivante dans le premier cycle des Facultés.

Il serait souhaitable d'envisager un remodelage du premier cycle dans le sens d'un enseignement assurant, à la fois avec rigueur et ouverture, une transition entre les Terminales et le second cycle du Supérieur.

En tout état de cause. l'enseignement du français dans le premier cycle de l'enseignement supérieur relève, pour l'essentiel, de la formation des maîtres. C'est pourquoi, on retrouvera plus loin les problèmes de méthodes propres à ce niveau d'enseignement.

 

 

MAITRES ET ÉLÈVES

Dans tous les ordres d'enseignement, on constate ce qu'on pourra désigner sous le terme global de " blocage " ; quelles que soient la nature et la qualité des exercices, ils n'ont plus de sens s'ils ne sont pas reçus par plusieurs élèves. Ce phénomène est particulièrement contrariant lorsque ces exercices sont conçus comme l'exercice même de la liberté. individuelle et surtout collective.

Nous n'insisterons pas ici sur les cause sociales, politiques, psychologiques du blocage, mais le problème posé doit rester constamment présent, doit informer toute tentative d'amélioration de la communication.

A cette fin, le maître de français doit posséder et développer en lui, susciter et développer chez les autres une véritable aptitude à communiquer.

Il lui faut en effet :

• Au niveau des relations maître-maîtres

être capable de travailler en équipe, à l'intérieur de sa discipline, avec des maîtres d'autres disciplines, d'autres niveaux, d'autres ordres d'enseignement [voire d'autres pays, d'autres cultures) ;

• Au niveau des relations maître-élèves

en tenant le plus grand compte du conditionnement antérieur de l'élève (par l'environnement social et les conditions de la vie quotidienne, par le milieu scolaire) et des fréquents blocages qui en résultent ;

- créer, par un effort constant de disponibilité entre l'élève et lui, le groupe et lui, les élèves entre eux, une situation favorable à la communication,

- adapter son attitude aux différents individus-moments-besoins, en se gardant de toute position monolithique,

- apprendre aux élèves à écouter (attitude de la collectivité [6]), respecter certains silences,

- respecter le rythme individuel, accepter la diversité des rythmes d'acquisition et de travail et se défier des accélérations fallacieuses.

Il lui faut ne jamais oublier que le travail de l'élève ne saurait être fécond s'il n'est justifié par ses intérêts profonds (à explorer), des motivations que lui fait découvrir le professeur. un sentiment d'efficacité et de progrès (pédagogie de la réussite).

PLUS QUE TOUS SES COLLEGUES, LE MAITRE DE FRANÇAIS EST NECESSAIREMENT PRIS ENTRE DES CONTRADICTIONS QU'IL NE DOIT PAS NIER NI TRANCHER MAIS QU'IL PEUT ESSAYER DE SURMONTER.

a) Créativité / systématisation.

Il est impossible de sacrifier l'une à l'autre.

Il faut :

• entretenir le besoin et le désir de créer bien au-delà du cycle d'observation,

• éviter de cantonner l'élève, à partir du deuxième cycle, dans des exercices de critique, d'analyse ou même de synthèse,

• lui donner l'occasion d'exprimer sa personnalité.

Inversement, il faut faire admettre par l'élève la nécessité d'un entraînement systématique :

• pour assurer la maîtrise de la langue,

• pour se préparer à toutes les formes de communication requises par la vie de l'homme moderne.

b) Directivité / non directivité.

Il n'est plus possible de ne pas tenir compte des motivations des élèves.

Mais l'environnement socio-culturel peut être tel que les motivations à la lecture, par exemple, soient nulles.

Il appartient au maître de les faire naître. et pour cela de bien discerner, d'une part les données complexes de la " situation - éducative et l'extrême difficulté pour des enfants et des adolescents de dégager leurs véritables besoins, d'autre part les objectifs qu'il se propose.

c) Réception immédiate / réception médiate.

Il s'agit de cultiver chez les élèves une attitude d'accueil à la fois spontanée et sans intervention du maître (immédiate) et plus guidée, plus élaborée, plus critique aussi (médiate).

Aujourd'hui, ces deux attitudes se succèdent dans la scolarité ; or, à tout âge, un même objet d'étude ou des objets d'étude différents permettent de les entretenir simultanément, même si elles doivent bien entendu être inégalement " dosées " selon les âges et les personnes (par exemple : pas d'analyse littéraire prématurée).

En somme, le maître de français est principalement exposé à la contradiction entre souplesse et rigueur. La diversité des situations pédagogiques, si elle ne met pas en cause la nécessité d'un cadre commun de principes et d'objectifs, entraîne la condamnation des programmes abusivement unificateurs et suppose une plus grande souplesse dans la définition des contenus (surtout quand il s'agit du choix des textes à étudier). Elle rend indispensable l'acquisition de méthodes rigoureuses dans la façon de traiter la matière à enseigner, et la maîtrise de conduite pédagogique, qui, pour faire d'abord appel à des qualités humaines, n'en exigent pas moins une formation appropriée.

(6) Ceci se fera plus aisément si l'on a distingué plusieurs types de discours, comme le discours polémique où l'on échange des discussions entre gens d'information égale, le discours didactique entre gens d'information inégale, etc.

 

FORMATION DES MAITRES

En l'état actuel des choses. il nous parait impossible de légiférer à propos d'institutions qui échappent à notre compétence formelle et de proposer un plan d'ensemble précis d'une refonte des institutions - encore que la nécessité nous en semble évidente. Il nous revient, par contre, de dégager une plate-forme théorique et pratique minimale (7).

 (7) Une commission de l'A.F.P.F. travaille à préciser les indications données dans le chapitre.

 

I - TROIS PRINCIPES DE BASE

1. Tous les ordres et tous les degrés d'enseignement ont une égale importance et une égale dignité. Tous les maîtres devraient donc recevoir la même formation théorique.

2. L'enseignement, de la maternelle à l'université, ne saurait être coupé de la recherche pédagogique.

3. La formation des maîtres ne peut plus être envisagée comme terminée lorsqu'ils ont acquis les diplômes qui leur donnent accès à l'enseignement.

Ces principes impliquent, pour les enseignants de tous les degrés, une formation théorique et méthodologique de niveau élevé, constamment ouverte aux progrès des recherches dans les divers domaines qui intéressent l'enseignement du français. Cette formation assurerait à tous les maîtres une qualification égale, différenciée selon les caractères propres à chaque ordre d'enseignement, mais reposant sur une définition commune du rôle du maître de français. Nous distinguerons :

- formation initiale,

- formation permanente.

 

FORMATION INITIALE.

1. Pour tous les maîtres de français, elle comporterait de nombreux points communs.

A. - Le futur maître devrait :

• poursuivre et approfondir son étude de la langue,

• s'initier à la linguistique contemporaine,

• acquérir une bonne connaissance des grandes œuvres de la littérature, en les considérant non seulement comme des objets de langage, mais en faisant leur place aux diverses approches méthodologiques (historique, psychanalytique, sociologique. esthétique... ),

• se familiariser avec d'autres formes de communication ou systèmes d'expression :

a) une autre langue vivante ou ancienne,

b) un langage mathématique,

c) d'autres types de langage (visuels, sonores).

Pour b et c, il s'agirait moins de la pratique d'un contenu que de la prise de conscience d'une organisation.

B. - Simultanément, le futur maître reçoit une formation pédagogique théorique, mais, et dès le départ, pratique

- psychologie de l'enfant,

- psychologie de l'apprentissage,

- animation des groupes,

- docimologie,

- principes de la pédagogie expérimentale, etc.

Cette formation permettrait de déceler d'éventuelles contre-indications et d'opérer les réorientations nécessaires en cours d'études. Elle assurerait au maître un choix plus motivé du type et du niveau d'enseignement vers lequel il s'orienterait.

2. Selon l'ordre et le degré où le futur maître devra enseigner, l'importance relative de diverses disciplines énumérées en 1° variera ; l'accent sera mis dans la formation pratique sur les problèmes et les méthodes pédagogiques propres à cet ordre ; une initiation complémentaire à d'autres disciplines et à d'autres méthodes sera nécessaire.

 

FORMATION PERMANENTE

CETTE FORMATION INITIALE NE PEUT SE CONCEVOIR SANS UNE FORMATION PERMANENTE QUI DEVRA NON SEULEMENT L'ENTRETENIR ET LA PROLONGER, MAIS L'APPROFONDIR ET EVENTUELLEMENT LA REMETTRE EN QUESTION.

CONSEQUENCES

Ces prises de position impliquent

1. QUE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR PRECISE COMME IMPERIEUSE SA VOCATION A LA FORMATION DES MAITRES EN COLLABORATION AVEC LES ORGANISMES CHARGES ACTUELLEMENT DE CETTE FORMATION ET LA DEFINISSE COMME INSEPARABLE DE SA MISSION DE RECHERCHE, ET D'EGALE IMPORTANCE.

2. Que soit réorganisé à court et à long terme l'ensemble des modes de formation et de recrutement des maîtres des différents ordres et degrés. Les études supérieures des futurs maîtres devraient être longues de manière à :

- assurer la formation initiale pluridisciplinaire définie ci-dessus ;

- donner assez tôt la formation pédagogique pratique permettant la réorientation en cas d'inaptitude caractérisée.

3. Que soient mises en place des institutions nouvelles (instituts de Recherche pour l'Enseignement du Français) qui permettent la collaboration de maîtres de différents niveaux et assurent une liaison permanente entre théorie et pratique en harmonie avec les organismes chargés de la recherche, de la formation et de la documentation des enseignants.

4. Que soient mis à la disposition des maîtres en exercice les moyens nécessaires à la formation permanente :

- bibliothèque d'établissement où l'on trouverait l'actualité en pédagogie, psychopédagogie, linguistique, critique littéraire, sociologie, etc. ;

- stages théoriques et pratiques d'initiation à l'évolution des disciplines ;

- participation (institutionnelle) à des groupes de travail dans l'établissement ;

- diffusion systématique du progrès des recherches en cours.

5. Que le statut des enseignants

- corresponde à ce type de formation largement homogène ;

- intègre dans le service d'enseignement toutes les activités correspondant à la formation permanente et à la recherche pédagogique (participation à des stages et rencontres, congé sabbatique, etc.) .

 

II - PROBLÈMES SPÉCIFIQUES A CHAQUE ORDRE D'ENSEIGNEMENT

Bien qu'il paraisse souhaitable que tous les maîtres reçoivent la même formation, il est nécessaire de raisonner dans le cadre des réalités actuelles (formation de plus en plus longue pour les maîtres, du premier degré au supérieur).

1. Premier degré.

La formation minimale doit être de trois ans après le baccalauréat (deux ans de formation théorique, un an de formation pédagogique), étant entendu qu'il n'y aurait pas séparation abrupte entre les deux formations mais interpénétration.

Les deux premières années pourraient être consacrées à la préparation soit d'un D.U.E.L. comprenant comme unités hors dominante, des unités scientifiques, soit d'un D.U.E.S. comprenant, comme unités hors dominante, des unités littéraires.

Ce D.U.E.L. ou D.U.E.S. devrait pouvoir permettre de poursuivre des études en vue de préparer la maîtrise.

2. Second degré.

La formation minimale, théorique et pédagogique, doit être de cinq ans (selon le même principe que pour le premier degré), aboutissant à une maîtrise comprenant (dominante) des unités assurant la formation théorique de base nécessaire à l'exercice du métier et (hors dominante) des unités spécialisées articulant la maîtrise sur la recherche et ménageant la possibilité de préparer une thèse de troisième cycle (8).

8. Note annexe.

Place et Importance du français dans la formation des maîtres de français : Formation classique et formation moderne.

1) L'apprentissage du métier de professeur de français ne passe pas nécessairement par l'apprentissage du métier de professeur de langues anciennes. Le français est une discipline majeure et autonome.

2) L'apprentissage des langues anciennes est une option au même titre que l'apprentissage des langues vivantes ou celle des autres disciplines connexes.

Conséquences pratiques :

a) Mise en place de structures et méthodes pédagogiques pour un enseignement du français indépendant de celui des langues anciennes dès la sixième.

b) Tant que les concours actuels subsistent, épreuve de grammaire et stylistique française à tous les concours destinés à recruter des professeurs de français.

c) D'une manière générale, allégement du poids des langues anciennes dans l'ensemble des études littéraires à option classique et par un jeu d'options et de coefficients, augmentation de l'importance du français.

3) Pour les études des littéraires à option moderne, il est indispensable de renforcer la formation en langues vivantes. D'autre part, il est nécessaire que les étudiants - modernes - aient une connaissance élémentaire du latin considéré comme science auxiliaire du français et permettant d'aborder dans de bonnes conditions l'étude de l'ancien français et du français classique. Le niveau souhaitable et suffisant est celui de la fin de l'ancienne classe de quatrième. Un étudiant n'ayant pas appris le latin au cours de ses études secondaires peut très normalement acquérir les connaissances structurelles nécessaires en un temps assez court.

Conséquence pratique :

Il ne saurait être question d'imposer aux étudiants - modernes - des exercices de type traditionnel et de niveau trop élevé (par exemple version à l'actuelle agrégation) qui ne donnent lieu qu'à un bachotage stérile et sont ressentis comme une brimade. La possession des connaissances doit être vérifiée par des exercices de type grammatical.

Les maîtres du second degré ont vocation pour enseigner de la sixième aux terminales. Cette unification de formation et de vocation aura pour conséquence une unification du mode de recrutement.

En ce qui concerne ce mode unique de recrutement, il devra absolument éviter les deux défauts des concours actuels :

- insuffisance de la formation professionnelle,

- insuffisance ou [inexistence] des liens avec la recherche.

 

3. Enseignement supérieur.

La formation minimale théorique et pédagogique doit être de sept ans, aboutissant à la thèse de troisième cycle.

Pré-recrutement, formation et recrutement seraient notamment assurés par des Instituts de préparation à la recherche et à l'enseignement supérieur (9).

Les maîtres d'enseignement supérieur ont vocation pour enseigner de la première année du premier cycle jusqu'au troisième cycle.

9. L'A.F.P.F. approuve, dans son principe, le projet du Syndicat National de l'Enseignement Supérieur, étant entendu qu'il reste soumis à des aménagements de détail.

 

CONCLUSION

Dans un domaine aussi complexe que celui des études de français, qui touche à tant d'habitudes, à tant de valeurs, à tant de problèmes, dans un domaine bien différent de celui des sciences exactes, il n'est pas facile d'avancer des idées, de faire des suggestions sur tous les points, avec une égale clarté, avec une égale précision, avec une égale pertinence. Une perspective toutefois semble pouvoir se dégager : les études de français tendent à relever de plus en plus des sciences humaines. Le rôle personnel du maître y demeure et y demeurera certes de la plus grande importance. Mais on ne saurait plus se contenter d'un enseignement de type charismatique, à la limite toujours guetté par un double péril :

- ignorer que le monde change autour d'un enseignement dépositaire d'une parole ;

- ignorer que la science évolue et s'enrichit par-delà des formations dépassées.

Les propositions qui précèdent, inégales en précision, tiennent compte aussi bien des possibilités que des incertitudes qui résultent aujourd'hui du progrès scientifique et de la mise en cause de positions et certitudes traditionnelles. Ce texte n'est pas une Bible. Il est lui-même sujet à être complété, modifié, précisé. Dans l'immédiat, il peut servir de point de départ à un effort commun en faveur d'une mise à jour de l'enseignement du français. C'est à ce double travail :

- réflexion permanente.

- combat

pour faire entrer les idées dans les faits, que l'A.F.P.F. convie tous ceux qui ont choisi, comme forme de leur action, l'enseignement du français.

[Scanné par M.B. 03/2002]