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LES PROFESSEURS DE FRANÇAIS EXPRIMENT LEUR INQUIETUDE.

Novembre 1999.

Les professeurs de Lettres enseignant en classe de Seconde au lycée " Les Bruyères " se sont réunis afin de faire un bilan trimestriel et d'échanger leurs réflexions concernant la mise en pratique de la réforme des lycées dans sa phase actuelle. Ils jugent utile, bien que personne ne le leur ait demandé, de faire connaître le fruit de leur expérience.

Cette réforme se caractérise d'une part par une baisse des horaires de Français, c'est-à-dire du nombre d'heures pendant lesquelles il est possible d'apprendre quelque chose aux élèves, soit trois heures trente par semaine. Tous les professeurs présents constatent qu'ils ne voient pas assez leurs élèves en classe entière ou en demi-classe pour pouvoir avancer dans l'acquisition des techniques. Concrètement, au bout d'un trimestre, il n'a pas été possible d'achever l'étude d'une œuvre complète, il n'a pas été possible de mener à bien celle d'un groupement de textes cohérent et, plus grave encore, il n'a pas été possible de faire produire aux élèves des travaux écrits significatifs liés à l'application des techniques d'argumentation, alors que les élèves que nous accueillons ont de plus en plus de mal à s'exprimer correctement à l'écrit. Les professeurs sont convaincus que cette dérive qui consiste à vider progressivement l'enseignement de tout contenu ne peut aboutir qu'à un accroissement des inégalités socioculturelles : en effet, seuls les enfants de milieux privilégiés pourront faire dans de bonnes conditions les devoirs à la maison que les professeurs vont être obligés de multiplier pour compenser la diminution des heures de cours.

La répartition même de ces heures de cours réduites constitue un handicap à la progression pédagogique. Les cours par quinzaine sont difficiles à gérer, créent un déséquilibre dans les horaires nuisible à une progression harmonieuse et à un rythme régulier dans le travail. La réduction des modules à une heure/quinzaine pour les élèves est une véritable aberration. Il est impossible d'inclure un laps de temps aussi long dans une unité pédagogique cohérente. Les modules ne sont utiles que s'ils permettent de voir tous les élèves une fois par semaine. Ces horaires aboutissent à un morcellement de notre enseignement qui tient dorénavant du bégaiement et du zapping élevé au rang de pratique pédagogique. Le vrai problème, auquel cette réforme se garde bien de s'attaquer, est celui de l'effectif global des classes. Au lieu de morceler la classe en des hoquets successifs qui interdisent toute continuité dans l'enseignement, il serait préférable de renoncer à prétendre parquer trente-cinq élèves qui sortent de collège dans un même espace en leur demandant tout à coup de se comporter en individus responsables.

L'aide individualisée apparaît comme une innovation qui pourrait être intéressante si elle n'était pas prise sur l'horaire global mais ajoutée à cet horaire sans lequel nous avons constaté qu'il n'était pas possible de travailler. Dans l'état actuel des choses, les enseignants ont l'impression de materner au lieu d'instruire, d'aider ceux qu'ils ne peuvent pas faire progresser et de ne pas pouvoir travailler avec ceux qui ont besoin d'eux. Tragique paradoxe, dont les élèves moyens font finalement les frais.

Les vingt heures-années supplémentaires dans certaines classes de Seconde, accordées par le Rectorat, participent de ce constat d'échec. Ces heures sont l'aveu que l'enseignement du français est amputé et ne permet pas aux élèves des zones dites difficiles de réussir. Nous les avons évidemment acceptées pour cette année, dans l'intérêt des élèves, pour colmater un peu les brèches ouvertes par cette réforme. Ce n'est certainement pas une solution à long terme. Par exemple, les enseignants qui ont deux classes de Seconde n'ont évidemment pas pu placer quarante heures-années supplémentaires, réparties sur à peine plus d'un trimestre, dans leur emploi du temps. L'une de leurs Seconde n'a donc pas droit à ce supplément ! Cette gestion du temps et de l'argent n'est pas rigoureuse. Cette mesure contraint les professeurs à faire des heures supplémentaires à bas prix. Ils ne sont pas disposés à laisser se dégrader chaque année davantage leurs conditions de travail et à voir remise en cause la définition de leurs maxima de service. Pense-t-on que c'est en surchargeant les professeurs et en réduisant les horaires des élèves que l'on va faire progresser la qualité de l'enseignement ?

Enfin les enseignants ont entendu parler, par des voies bien sûr non officielles puisqu'il ne semble pas être question de les associer à une quelconque réflexion sur la meilleure façon d'exercer le métier qui est le leur, de l'extension de ce fléau au contenu même du baccalauréat. Il semblerait qu'on projette de les faire renoncer définitivement à enseigner la littérature en supprimant et le commentaire composé, et la dissertation littéraire. Que d'ambition ! Penserait-on que le nivellement par le bas constitue une réponse aux problèmes que rencontre le lycée ?

Les enseignants de Lettres sont donc à la fois inquiets et consternés. Ils souhaitent que leurs remarques, à défaut d'avoir été sollicitées, soient prises en compte et espèrent un réel débat sur l'avenir de l'enseignement du Français au lycée, persuadés que cette matière dont la maîtrise est à la base de toutes les autres doit être considérée avec un intérêt digne des enjeux qu'elle comporte.

Les professeurs de Lettres chargés des classes de Seconde au Lycée Les Bruyères à Sotteville-lès-Rouen


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