Le ministère condamne la méthode globale et recommande … la méthode globale !


Malentendu ou bien effet de propagande, ils disent que la méthode globale n'a plus cours depuis plus de 30 ans. C'est ce qu'a prétendu le ministre Jack Lang, par une réponse très sèche, à une interlocutrice nommée Mireille qui s'inquiétait des ravages de la méthode globale, sur France Inter , un matin de janvier 2002.

C'est ce que prétendent aussi les nouveaux programmes qui annoncent doucement : " La plupart des spécialistes considèrent aujourd’hui que le choix [de la méthode globale ou idéo-visuelle] comporte plus d’inconvénients que d’avantages. ". Cette affirmation leur permet plus loin, de promouvoir la méthode naturelle et la méthode phonétique qui ne sont en fait que deux avatars de la méthode globale. La méthode qu'ils condamnent, puisqu'ils condamnent, c'est la méthode "Decroly", XIXème siècle, l'intenable méthode globale pure. C'est de là qu'ils sortent même leur vocabulaire vétuste 'idéo-graphique', qui signifie 'un mot, un signe'. Ils condamnent une méthode qui n'existe effectivement plus depuis plus de 50 à 60 ans. Bien. Et ils font la promotion, juste derrière de ses deux principaux successeurs. Ils dénoncent enfin la bombe A pour mieux protéger l'exploitation de la bombe H et de la bombe à neutrons qui sont ses modernes et joyeuses descendantes.

Quand le ministre s'exprime sur le sujet, il commet un faux complet. Soit il ment, soit il n'y connaît rien et ferait mieux de se taire. Quand c'est le comité national des programmes (CNP) par contre, chaque mot a été pesé par des spécialistes : la méthode globale est destructrice, alors utilisez la méthode naturelle ou la méthode phonétique qui ne sont rien d'autre que l'inspiratrice pour l'une, et la version moderne pour l'autre, de la méthode globale.

Les membres de la commission de programmes prétendent que les méthodes prônées actuellement sous les noms de méthode phonétique ou de méthode naturelle n'ont rien à voir avec le global. J'affirme qu'elles en sont des pseudonymes. Et si cette affirmation là ne tenait pas -!-, j'affirmerais alors que les méthodes naturelle et phonétique qui ont cours actuellement sont responsables de la catastrophe culturelle actuelle : une grande partie de nos élèves ne sait plus lire. C'est le constat de la catastrophe, plus qu'alarmant, qui nous fait en chercher les causes. Si vous dites qu'on a arrêté la méthode globale depuis 40 ans, c'est que les méthodes qui ont eu cours depuis ne sont pas bonnes non plus.

Ma proposition est unificatrice. C'est une explication : les méthodes phonétique ou naturelle sont globales. Ces méthodes ont lamentablement échoué parce qu'elles sont globales.

Puisqu'il faut être plus précis, c'est une question de sens de travail.

Soit l'enfant qui ne sait pas encore lire part de textes pour y trouver les phrases puis les mots et dans ces mots des phonèmes qui sont composés de lettres. Du tout vers l'élément. La décomposition par l'enfant du complexe vers le simple. C'est de l'analyse autonome. Les méthodes analytiques sont globales parce qu'elles partent du tout. Ce qui est bien le système monstrueux responsable de l'actuelle catastrophe culturelle de la lecture.

Soit, l'adulte apporte à l'enfant les lettres et lui montre les différentes associations de lettres qui permettent de composer des syllabes. b et a font ba. b et ê font bê [be ] et plus tard a et i font [e ]. Et les syllabes font les mots. Du simple au complexe et la règle générale avant l'exception. C'est de la synthèse dirigée. C'est la méthode syllabique.

Les nouveaux programmateurs de 2002 ont dû entendre une partie du chœur de critiques auquel je me joins. Alors ils se présentent à la presse comme les héritiers de Jules Ferry. Ils se font passer pour ceux qui rétablissent la lecture et l'écriture, le calcul et la grammaire. A les entendre sans les lire, ils passeraient presque pour des dinosaures pédagogiques partisans de Jules Ferry et de la méthode syllabique. A les lire sans les entendre, les choses sont bien différentes. Grammaire : ½ heure par semaine. Orthographe, pas plus. Conjugaison non plus …

Il faut que ce scandale culturel cesse. Il ne suffira pas de changer un peu le plan de communication du ministère en dénigrant une méthode globale soi-disant abandonnée depuis des lustres, alors qu'elle a tout simplement toujours cours sous d'autres noms. Il y a un bilan à faire. Ce plan de communication -qu'on pourrait appeler plus justement mensonge organisé- s'applique aussi à la grammaire : ce ministère se présente comme le sauveur de la grammaire quand il en diminue encore les horaires déjà maigrelets. Mais on nous explique que si on fera désormais moins de grammaire en tant que telle (une demi-heure par semaine), on en fera plus toute la journée, pendant l'histoire de l'art, pendant le sport, pendant une de ces si nombreuses sorties organisées par l'école, pendant qu'on repeindra le mur du fond du préau …

Ben voyons ... plus de grammaire grâce à moins de grammaire : personne n'avait encore jamais osé ce genre de discours.

Marc Le Bris

04/2002