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Une bonne raison pour tout celaBibliographie et liens
Un rôle de l'apprentissage des algorithmes opératoires dans l'enseignement
L'allégement … du "sens"
Nous avons reçu, par courrier électronique, les commentaires
suivants de Dominique Pernoux. Il s'agit du premier commentaire critique
un peu global que nous avons reçu, aussi nous permettrons-nous
d'y répondre en reprenant certaines des questions les plus importantes
qu’il soulève. Cependant, je dois ajouter, et je le fais volontiers,
que par rapport aux différents responsables qui ont manifesté
en privé leur irritation contre la pétition ou ont
fait des critiques "en coulisse", Dominique Pernoux est le seul à
avoir eu l’honnêteté de les présenter de manière
cohérente et publiquement. Qu'il en soit sincèrement remercié.
From: "Dominique Pernoux" dpernoux@calixo.net
To: <prim@sauv.net> Date: Fri, 16 Nov 2001 17:50:23 +0100 : :Subject: [prim] Signature pétition sur le primaire
Bonjour,
De mon point de vue cet appel, pré-signé par des enseignants de collège, de lycée et du supérieur et non par des enseignants du primaire, est un texte polémique excessif qui propose une lecture des projets de programmes du primaire trop partisane et qui risque de susciter de vives réactions parmi les enseignants du primaire.
Voici par exemple un extrait d'un message publié sur listecol.fr : "Désolé messieurs les "profs" de collège, à bien peu de choses près, le collège est resté dans son fonctionnement bien souvent encore l'image fidèle de ce qu'il était dans les années 60 ...et l'innovation y reste structurellement difficile. Vous ne pouvez raisonnablement proposer pour l'école d'y rétablir le fonctionnement d'hier ... Parce que l'argument d'opposer collège et primaire est éculé, vieillot et stérile, je ne signerai pas et parce que si ce n'est pas ce que vous vouliez dire, il ne fallait pas commencer votre appel sur ce thème!."
Pour ma part, je prendrai un seul exemple.
Dans l'appel figure la phrase suivante, concernant l'école primaire: « le refus de la mémorisation et du par coeur au nom du libre exercice de l'intelligence ». Or, dans le paragraphe du projet de document d'application (pour les maths) au cycle 3 intitulé "Différentes formes de travail" on trouve un sous-paragraphe intitulé "Compréhension et mémorisation" dans lequel on peut lire : "La plupart des connaissances se construisent sur la durée, avec des phases où elles sont élaborées et utilisées sans être encore explicitées, des phases où elles sont reconnues et nommées, des phases où elles sont entraînées dans le but d'être mémorisées et rapidement disponibles. A condition de ne pas intervenir prématurément, de prendre appui sur une compréhension suffisante, la phase de mémorisation est essentielle pour que les élèves puissent avoir recours efficacement aux connaissances. Il en va ainsi, par exemple, pour : .des résultats de calcul (notamment les tables) : la table d'addition doit ainsi être maîtrisée au début du cycle 3, c'est- à- dire disponible aussi bien pour donner une somme, une différence qu'un complément, et la table de multiplication maîtrisée au cycle 3, c'est- à- dire disponible aussi bien pour donner un produit, déterminer le rapport entre deux nombres ou décomposer un nombre sous forme de produits ; ces compétences sont absolument indispensables pour la scolarité au collège ; .des techniques de calcul posé, avec des nombres " simples " ; .des procédures de résolution " expertes " de certains problèmes ; .les relations entre unités usuelles du système métrique pour les longueurs et les masses."
Peut-on parler de "refus de la mémorisation" ?
Pour ce qui est du projet de programme de mathématiques les quelques lignes figurant dans l'appel me semblent critiquables et le «passage à la trappe de l'aire et du périmètre du cercle », qui semble être effectivement le seul véritable nouvel allégement, ne me semble pas confirmer l'impression d'un allégement continu des programmes.
Je ne dis pas qu'il n'y pas d'idées intéressantes dans l'appel (et je ne nie, évidemment, pas non plus l'intérêt de ce qu'écrivent par ailleurs certains signataires de l'appel sur l'enseignement des mathématiques). Ce qui me gêne dans l'appel c'est que l'argumentation développée pour critiquer le projet de programme de mathématiques est bien légère alors même que tout ne me semble pas inintéressant, bien au contraire, dans ce nouveau projet :
Pour la première fois, on propose aux enseignants du primaire un document d'application dans lequel figurent non seulement une liste de compétences mais des commentaires détaillés permettant, comme au collège, de mieux fixer ce qui est attendu (je n'ai pas dit que j'étais d'accord avec l'ensemble des contenus mais je tiens à souligner ce point ; ce sera toujours aussi bien que de se référer au sommaire du manuel utilisé dans la classe d'autant plus que certains rappels de didactique figurant dans ces documents, aussi bien pour le cycle 1 et le cycle 2 en ce qui concerne la construction du concept de nombre et la numération que pour le cycle 3, ne me semblent pas du tout inintéressants). On parle à côté du calcul « mental » et du calcul « posé » de calcul « instrumenté ». Bien sur, il faut apprendre les techniques opératoires mais n'est-ce pas aussi le rôle de l'école que d'apprendre à utiliser de façon critique et intelligente des instruments de calcul et de démystifier un certain nombre d'idées fausses ? L'utilisation de ces instruments, à certains moments bien choisis, peut, par ailleurs, permettre de travailler plus efficacement certaines notions. Dans les projets de nouveau programme on insiste aussi sur la nécessité d'apprendre à argumenter. Est-ce vraiment inintéressant ? etc. etc.
En bref, le contenu de cet appel me semble excessif, partial et inexact. Il n'est pas de nature à faire avancer certaines idées (par ailleurs pas inintéressantes) et ne peut que provoquer une réaction de rejet de la part de pas mal d'enseignants du primaire qui ne comprennent pas les critiques excessives et sans nuances qui, d'une manière ou d'une autre, sont faites à leur manière d'enseigner par des collègues qui enseignent en collège, au lycée ou à l'université.
Voilà pourquoi je n'ai pas signé cet appel et ne le signerai pas.
Dominique Pernoux Professeur certifié de mathématiques dpernoux@calixo.net www.calixo.net/pernoux (liens enseignement)
Dominique Pernoux écrit et nous ne
répondrons que sur ce point dans l'immédiat:
"Pour ce qui est du projet de programme de mathématiques les quelques lignes figurant dans l'appel me semblent critiquables et le «passage à la trappe de l'aire et du périmètre du cercle », qui semble être effectivement le seul véritable nouvel allégement, ne me semble pas confirmer l'impression d'un allégement continu des programmes."Effectivement, si l'on analyse la période allant du programme de 1995 ou de la publication du dernier projet de programme en 1999 au projet actuel, bien qu'il y ait des allégements comme l’admet Dominique Pernoux, l'essentiel n'est pas "l'allégement". Ce n'est d'ailleurs pas ce que dit l'Appel qui centre sa critique sur "LA DESTRUCTION DE L'ENSEIGNEMENT D'UNE PENSÉE STRUCTURÉE", que l'on peut constater au cours de ces 40 dernières années : il suffit justement de relire l’Appel sur le Primaire pour voir que les références à « l'allégement » ne portent pas seulement et essentiellement sur les trois dernières années. Par exemple, : en mathématiques, on reporte la non maîtrise des opérations sur les décimaux à 1995 et, en français, figure une référence explicite à l'allégement du programme de CP en 1967. Car les allégements ne sont pas récents : la seule chose qui l'est est la riposte aux allégements. Un exemple:
" Il n'est pas inutile de rappeler ici que la division de deux nombres décimaux ne relève pas des programmes du Cycle Moyen et est donc mise en place au cours du premier cycle de l'enseignement secondaire. Cette décision est de notre point de vue pleinement justifiée dans la mesure où l'on sait que, s'il est assez aisé d'inculquer aux élèves une technique efficace pour cette division, les enseignants savent d'expérience que l'apprentissage raisonné pose de sérieux problèmes théoriques et pédagogiques, qu'une infime minorité d'élèves peut réellement dominer à l'âge de onze ans."Ceci est extrait d'une des références de la pédagogie des mathématiques en France, la collection Ermel, co-éditée par l'Institut National de la Recherche Pédagogique : mais il s'agit de la page 145 du Tome II de l'édition de 1982 . Et parmi les auteurs se trouvent notamment M. Brissiaud que nous retrouverons à la fin de ce texte et surtout M. Roland Charnay, spécialiste mathématique de la commission Joutard.
En ce sens, la principale critique que l'on peut adresser à la commission Joutard, est qu’elle qu'elle rationalise la possibilité d'un enseignement intégrant les allégements précédents et justifie les errements catastrophiques des trente dernières années. En bref, la commission Joutard justifie la possibilité d'un apprentissage réel de "programmes en gruyère", c'est-à-dire comme le dit l'appel, un programme dans lequel "on est censé comprendre la division sans la pratiquer, écrire un récit sans connaître les temps du passé, étudier la densité de population sans la calculer ". Ce faisant, elle prépare les meilleurs à pratiquer la "langue de bois" et, chez tous, détruit toute possibilité de construction d’une pensée cohérente. On en connaît quelques-uns des effets désastreux présents dans de larges couches de la population : voir, par exemple, le dernier livre de Colette Ouzilou, signataire de l'Appel, "Dyslexie: une vraie fausse épidémie "( Presses de la Renaissance, Paris, 2001,212 p.).
Si Dominique Pernoux n'avait lu que l'Appel sur le primaire, texte non exhaustif, on pourrait admettre qu’il fasse une erreur d'analyse. Mais nous fréquentons les mêmes listes de discussion depuis plusieurs années, il sait parfaitement les tenants et les aboutissants de ma position, alors .. ?
Pour expliquer une fois de plus à Dominique
Pernoux en quoi consiste cet " allégement continu des programmes",
on va considérer, de manière non exhaustive, deux cas en
arithmétique : celui portant sur l'enseignement des opérations
et celui portant sur les calculs de périmètres, d'aires et
de volumes .
Programmes de 1882, 1902, 1925, 1945
[P1902], [P1925], [P1945]
(d'ailleurs très peu différents
applicables jusqu'aux années 60)
CP : les quatre opérations
sur les nombres entiers, au fur et à mesure de l'apprentissage de
la numération jusqu'à 100 : la division se limitait à
la division par 2 et 5 (Les Instructions Officielles de 1945 du Cours
Préparatoire disaient explicitement :"La multiplication et
la division sont limitées au cas d'un multiplicateur ou d'un diviseur
2 ou 5, alors que l'ancien programme [celui de 1925 - MD] prévoyait
aussi le calcul par 3".)
CE : les quatre opérations sur
les entiers étaient maîtrisées ( limitation de la division
à la division d'entier quelconque par un entier à deux chiffres).
CM : Toutes les opérations sur
les décimaux sont maîtrisées en fin de CM.
A partir de 1970
( Arrêté du 2 Janvier 1970 – BOEN N°5 du 29 Janvier 70 )
CP : "Somme de deux nombres" ( page 347).
CE : "Somme et différence de
deux nombres; pratique de l'addition et de la soustraction.
Produit de deux nombres; pratique de la multiplication.
Quotient exact.
Division avec reste : quotient entier.
Pratique de la division par un nombre d'un
chiffre" ( page 348).
CM : la multiplication des décimaux
reste au programme, mais ne figure plus que la "division exacte d'un
nombre décimal par un nombre décimal" ( page 376) pour
laquelle "l'on se limitera dans les exercices à des nombres simples"
( page 377). Le quotient approché ne sera plus traité que
dans les exercices :
" 7.2 2.5. Quotient approché :
Le sens des expressions quotient à 1; 0,1; 0,01 près pourra être précisé à l'occasion d'exercices " (page 377).
Donc , à partir de 1970, la soustraction,
la multiplication et la division ne sont plus pratiquées au
CP et la division en CE se limite à la division d'un entier par
un nombre d'un seul chiffre.
Programme de 1985
CP : "Construction et utilisation de
la technique opératoire de l’addition, en particulier avec retenue."
CE : "Reconnaissance de problèmes
relevant de la division; détermination du quotient et du reste par
une méthode empirique de calcul." . C'est-à-dire que
l'opération de division sur les entiers n'a plus à être
maîtrisée au CE.
CM: "Problèmes relevant de l’addition,
de la sous-traction, de la multiplication et de la division; élaboration,
dans l’ensemble des décimaux, des techniques opératoires,
mentales ou écrites, et des procédés de calcul approché
(ordre de grandeur et encadrements).
Reconnaissance et utilisation des fonctions
numériques : n ? n + a et n ? n x a, et leurs réciproques,
définies dans l’ensemble des nombres décimaux."
Plus rien n'est précis, c'est l'auberge
espagnole : les baisses de capacité de calcul sur la division se
renforcent fortement à partir de cette date malgré le fait
que de nombreux "vieux" instituteurs continuent à enseigner correctement
l'algorithme de l'opération. Il faut dire que nous sommes à
l'époque où la COPREM, Commission Permanente de Réflexions
sur l'Enseignement des Mathématiques, affirme, dans un texte
soutenu par l'Inspection Générale : " La maîtrise
parfaite des “ quatre opérations ” effectuées sur papier
n'est plus de nos jours une nécessité absolue en soi, puisque
le cas échéant la machine peut jouer un rôle de “prothèse
pour le calcul”. Il n'est donc pas très important d'atteindre une
grande fiabilité dans l'exécution sur papier des opérations:
en cas d'urgence, on pourrait se procurer pour une somme modique (quelques
paquets de cigarettes) une calculette à la boutique du coin."[Coprem].
Donc, l'heure n'était pas aux algorithmes humains…
Programme de 1995 :
CP - CE1 : "dans le domaine du calcul
réfléchi, à partir de résultats mémorisés,
savoir élaborer (mentalement ou avec l’aide de l’écrit) le
résultat de certains calculs additifs, soustractifs et multiplicatifs,
sans recourir nécessairement aux techniques opératoires usuelles
";
« maîtriser la technique
opératoire de l’addition (seule technique dont la maîtrise
est exigée à la fin de ce cycle)."
Ici apparaît clairement la conception déjà
présente dans la réforme des mathématiques modernes,
opposant de manière mécaniste les différents aspects
des opérations et notamment la technique opératoire
de la compréhension des opérations : on va pouvoir dire
que l'élève de CP-CE1 utilise la multiplication alors …..
qu'il ne sait pas faire une multiplication. Quoi qu'il en soit, à
partir de 95, l'élève n'a plus à maîtriser la
multiplication en CE1.
CE2 – CM1 – CM2 : "maîtriser les
techniques opératoires usuelles :
- addition et soustraction des entiers ou
des décimaux,
- multiplication des entiers ou d’un décimal
par un entier,
- division euclidienne (avec quotient et reste)
de deux entiers, division d’un décimal par un entier (le calcul
du produit ou du quotient de deux décimaux n’est pas un objectif
du cycle) ;"
1) Division d'un nombre entier par un nombre entier (division euclidienne)
La formulation peut sembler claire :
" division euclidienne de deux entiers" et pourrait laisser supposer
que les élèves de CM2 doivent savoir faire une division euclidienne,
c’est-à-dire, au sens classique, toutes les divisions euclidiennes.
Il n'en est rien puisque le programme de sixième de 1995 explicite
les "Compétences exigibles" en fin de sixième : "Calculer
le quotient et le reste de la division euclidienne d’un nombre entier par
un nombre entier d’un ou deux chiffres."
Les compétences exigibles en fin de sixième
sont donc celles qui étaient exigées d'un élève
de CE2 en 1960. De plus, dans aucun des programmes de niveau supérieur
à la sixième est avancée la nécessité
d'apprendre à faire des divisions "plus compliquées" qui
relèvent donc prétendument de la "virtuosité" .
2) Opérations sur les décimaux
Disparition de la multiplication et de la
division des décimaux. Et en fait, disparition complète pour
toute la scolarité de l'apprentissage de la division des décimaux
puisque le programme de sixième de 1995 proclame de manière
tout à fait explicite : "Aucune compétence n’est exigible
quant à la technique de la division à la main de deux décimaux"
et que les programmes des classes supérieures ne parlent plus
de la nécessité de l'apprendre.
Les compétences maximales exigibles d'un
élève en fin de sixième sont : "Effectuer, dans
des cas simples [!!!] , la division décimale d’un nombre
entier ou décimal par un nombre entier" (P6)
Et il faut ajouter que les programmes des classes supérieures ne
parlent plus de la nécessité de l’apprendre sous le prétexte,
d’ailleurs faux, que l'apprentissage de la division de deux décimaux
peut être entièrement traité par le calcul sur les
fractions : en ce sens , maîtriser la division de 2,45 par 1,7 au
1/1000 serait équivalent au fait de savoir que 2,45/1,7 = 245/170
(mais il est vrai que nous sommes entrés depuis longtemps dans une
époque où l'on confond allègrement quotient d'une
division, rapport, fraction…, le mot rapport n'ayant d'ailleurs plus aucun
sens défini puisqu'il fait partie du calcul sur les grandeurs strictement
considérées comme non-mathématiques depuis les années
70, c'est-à-dire que ces calculs sont tout simplement interdits.
).
Projet de Programme 1999 [P99]
Cycle 3 ( CE2, CM1, CM2)
1) Division d'un nombre entier par un nombre entier (division euclidienne)
"C'est pourquoi, à seule fin de mieux mémoriser le rôle de chaque élément, on proposera encore la disposition classique, mais en restant dans le champ de la table de multiplication liée au diviseur (si on divise par 6, le dividende ne dépassera pas 60) :26 | 6 dividende | diviseur
2 | 4 r e s t e | quotient"
Donc, la division de 43 par 3 est hors programme
du primaire : c'est à dire que la division est globalement hors
programme du primaire puisque savoir faire une division signifie
justement se servir "du champ de la table multiplication" ….. pour
faire une division.
2) Opérations sur les décimaux
" Calculs
- calculs écrits : addition et soustraction
de deux décimaux ; multiplication d'un décimal par un entier;
- calcul mental : …………
- usage de la calculette pour les autres opérations."
Pas de changement par rapport à 95 mais
une nouveauté de taille : jusque là, les divers concepteurs
de programmes prétendaient que l'utilisation de la calculette ne
devait pas remplacer la connaissance des opérations et était
au contraire une aide à leur apprentissage : on ne devait faire
à la machine que le type d'opérations que l'on savait faire
à la main ou lorsqu'il s'agissait d'opérations portant sur
des "grands nombres". Il est vrai que le fait de savoir faire strictement
les opérations sur les "petits nombres " sans en préciser
la taille peut signifier que l'on peut ne savoir les faire que sur les
nombres inférieurs à 10, c'est-à-dire que l'on ne
sait plus les faire. N’est-ce pas l’aveu que les "autres opérations",
celles que l'élève ne sait pas faire, dont il ne comprend
pas l'algorithme… sont faites à la calculette : le tout bien sûr,
an nom de la "défense du sens du opérations ", sens
dont se trouve exclu l'algorithme. La formulation employée dans
le programme d'accompagnement de sixième de 1995 signifiait la même
chose mais était moins grossière : "En revanche, l’utilisation
de la calculatrice s’impose pour effectuer certaines opérations
comme les multiplications ou divisions de grands nombres ou de nombres
décimaux ."
Alors que le B.O. H.S. n° 3 du 29 Juin 2000
expliquait que " Dans l'ensemble, le document d'application des programmes
de mathématiques [ du cycle 3] est bien reçu par les enseignants",
ce projet de programme passe à la trappe sans que la commission
Joutard explique pourquoi. Mais nous avons ici une raison de ce passage
à la trappe : ils exprimaient trop grossièrement le fait
qu'il est inutile de savoir faire une opération à la main.
Nous pouvons ajouter que la définition donnée de la proportionnalité
était mathématiquement fausse : " Les situations de proportionnalité
sont les seules situations pour lesquelles un seul couple de données
détermine toute l'information." [ P99,
page 21]
Commission Joutard 2001
Le programme affirme :
"- Calculer, par écrit, la somme et
la différence de deux nombres (entiers ou décimaux), le produit
de deux nombres entiers ou d’un nombre décimal par un nombre entier,
le quotient entier et le reste dans la division euclidienne d’un nombre
entier par un nombre entier.
……
- Utiliser, à bon escient, une calculatrice
ordinaire et certaines de ses fonctionnalités." [JP,
page 20]
A-t-on déjà vu un programme préconisant
une utilisation à "mauvais escient" de quoi que ce soit ?
Or, et voilà qui est ahurissant, la commission recommande
une utilisation à « mauvais escient de la calculatrice
» : " Les élèves doivent être capables d’utiliser
une calculatrice, lorsque son usage est pertinent, par exemple, dans un
problème où les calculs ne peuvent pas être traités
mentalement" [JD, page 16].
L'habitude de la lecture "entre les lignes" des
anciens programmes nous conduit à la plus grande prudence.
Il en est ainsi des expressions " produit de deux nombres entiers " semblant
vouloir dire que l'élève est censé savoir faire une
multiplication ; ou de celle « calculer, par écrit, … le quotient
entier et le reste de la division euclidienne d'un nombre entier par un
nombre entier" semblant vouloir dire que l'élève sait faire
une division euclidienne. Il n'en est rien, puisque le document d'accompagnement
explicite ainsi ce point du programme :
"- Calculer le produit de deux entiers ou le produit d’un décimal par un entier (3 chiffres par 2 chiffres), par un calcul écrit.
- Calculer le quotient et le reste de la division euclidienne d’un nombre entier (d’au plus 4chiffres) par un nombre entier (d’au plus 2 chiffres), par un calcul écrit." [JD, page 17]
Il faut donc considérer que le produit
de 4537 par 128 n’est pas un produit de nombres entiers ce qui est une
grande nouveauté mathématique aussi remarquable que la définition
donnée de la proportionnalité dans le projet de programmes
de 99 !
Tout ceci confirme que l'élève ne sait pas faire une division ou bien qu'il fait une division comme on l'apprenait au tout début de l'apprentissage en CE1 de 1880 à 1960, en posant les multiplications et les soustractions :
"Le calcul de divisions doit être limité à des cas “raisonnables” : dividende ayant au plus 4 chiffres, avec pose effective des soustractions intermédiaires et exécution de produits partiels annexes pour déterminer certains chiffres du quotient. L’algorithme de la division est repris dans le programme de 6 e ."Programme définitif – B.O.E.N HORS-SÉRIE N°1, 14 FÉVR. 2002
[JD, page 17]
"4 - CALCUL
4.1 Résultats mémorisés, procédures automatisées
…
- calculer des sommes et des différences de nombres entiers ou décimaux, par un calcul écrit en ligne ou posé en colonnes ;
- calculer le produit de deux entiers ou le produit d’un décimal par un entier (3 chiffres par 2 chiffres), par un calcul posé ;
- calculer le quotient et le reste de la division euclidienne d’un nombre entier (d’au plus 4 chiffres) par un nombre entier (d’au plus 2 chiffres),par un calcul posé.
….
4.3 Calcul instrumenté
- utiliser à bon escient sa calculatrice pour obtenir un résultat numérique issu d’un problème et interpréter le résultat obtenu;
- utiliser une calculatrice pour déterminer la somme, la différence de deux nombres entiers ou décimaux, le produit de deux nombres entiers ou celui d’un nombre décimal par un entier, le quotient entier ou décimal (exact ou approché) de deux entiers ou d’un décimal par un entier;…"
[JPP, page 85]
Il est donc clairement établi que,
à la sortie du primaire :
- un élève n'a à connaître
ni l'algorithme de la multiplication des nombres entiers ni celui de la
division, c'est-à-dire savoir faire une multiplication ou une division
dans tous les cas.
- que l'on recommande qu'il fasse à
la calculette les opérations qu'il ne sait pas faire à la
main et explicitement "le quotient entier ou décimal (exact ou approché)
de deux entiers ou d’un décimal par un entier".
Résumons:
- les compétences demandées en fin de CM2 pour les opérations sur les entiers sont inférieures à celles demandées en fin de CE2 jusqu'aux années 70 ( multiplication et division).
- Par rapport au CM2 lui-même : disparition du quotient approché d'un entier par un entier, disparition du produit et du quotient de deux nombres décimaux.
- On pourrait objecter que le report de l'apprentissage de la multiplication et de la division au niveau du cycle 3 ( CE2, CM) alors que les 4 opérations étaient apprises auparavant dès le CP n'est qu'un simple ajournement. Or, il n'en est rien ; c’est la liaison que les quatre opérations entretiennent du point de vue de leur sens et de leurs algorithmes qui en facilite l'apprentissage. La commission Joutard prétend produire des programmes ayant l’ambition de conduire les élèves sur le chemin de la résolution des problèmes. Résoudre un problème, c'est rechercher quelles sont les opérations à utiliser pour parvenir au résultat (De nombreux "pédagogues" considèrent cette affirmation comme une monstruosité). Mais, le report de trois ans pour la mise en place de la soustraction, de la multiplication et de la division ( programme de 1995) produit cet étrange résultat : pendant ces trois ans, l'entraînement hautement productif de l'élève à la résolution des problèmes se limite au choix entre l'addition… et l'addition. Il est donc inutile d’entreprendre de vastes recherches didactiques pour savoir pourquoi les élèves confondent opération et addition ou choisissent très souvent comme opération pour résoudre un problème la dernière qu'ils ont étudiée. Le recours explicatif à des "déficits d'images mentales", des "problèmes de conflits cognitifs" ne sert qu'à masquer le déficit intellectuel des programmes.
"Calcul des surfaces : rectangle, carré, triangle, cercle.
Calcul des volumes : prisme droit à base rectangulaire, cube, cylindre. "
Programmes 1945
[P1945]
( applicable sans grandes modifications jusqu'en
1970)
"Mesure du temps : heures, minutes, secondes, années commerciales de douze mois de trente jours. Problèmes simples sur le mouvement uniforme et les placements à court terme.
Unités de longueur. Mesure de longueur à l'aide des instruments usuels (chaîne ou ruban d'arpenteur, mètres en bois ou en métal, règles graduées ou réglets).
Unités de surface. Calcul de la surface ou superficie d'un rectangle, d'un triangle et d'un trapèze rectangles, d'une figure simple décomposée en rectangles, triangles et trapèzes rectangles.
Surfaces latérales de volumes géométriques simples (peintures ou tapisseries).
Unités de volume. Calcul du volume d'un parallélépipède rectangle, d'un prisme droit. Correspondance des unités de volume, de capacité et de poids.
Longueur de la circonférence. Surface d'un cercle. Surface latérale et volume d'un cylindre droit."
A partir de 1970
( Arrêté du 2 Janvier 1970 – BOEN
N°5 du 29 Janvier 70 )
"Mesures : exercices pratiquesProgrammes 1995
Longueur, aire, volume.
Temps, masse.
Expression d'un résultat avec une unité convenablement choisie"
MesureProjet 1999 [P99]
"Dans le domaine des mesures de longueur, de masse et de temps, l’élève saura :
- effectuer des calculs simples ;
- utiliser les instruments de mesure usuels ; il aura une bonne connaissance des unités usuelles et des liens qui les unissent ;
- donner un ordre de grandeur et utiliser l’unité appropriée dans certaines situations familières.
Il maîtrisera la notion d’aire et connaîtra les unités les plus couramment utilisées (cm2, m2). Il saura mesurer un volume en litres.
Il sera capable de calculer le périmètre et l’aire d’un carré, d’un rectangle, le périmètre d’un cercle et saura utiliser un formulaire."
" M e s u r e
- Mesure de diverses grandeurs: longueur, masse , durée, surface, capacité (en litres).
- Distinction entre périmètre et surface du rectangle.
…
- Unité de mesure :
- pour les longueurs et les masses, unités du système métrique ;
- pour les surfaces et les capacités : cm2 , m2, hectare, km2 ; cl, d1, l ;
- pour les durées, unités usuelles et relations entre ces unités (h, min, s).
- Ordre de grandeur pour longueur, masse, surface, volume, durée ; choix de l'unité appropriée.
- Conversions d'unités entre unités usuelles de longueur et de masse.
La notion d'encadrement sera liée à la notion de m e s u r e .
Seule la surface d'un rectangle est au programme, en liaison avec la multiplication. Les deux dimensions d'un rectangle sont données dans la même unité et on se borne à associer l'unité de surface correspondante (le cm2 comme surface d'un carré de 1 cm de côté).
La notion d'encadrement de la surface d'une figure à frontière courbe n'est pas au programme.
La conversion d'unités d'aire sera vue au collège, en liaison avec le produit des décimaux.
A propos du rectangle, le maître insiste sur les opérations associées au calcul du périmètre et de la surface (addition pour le périmètre ; multiplication pour la surface). L'utilisation de formules littérales est prématurée à l’école, aussi une forme intermédiaire est utilisée : périmètre du rectangle = 2 longueurs + 2 largeurs ; surface = longueur x l a r g e u r .
On habitue l'élève à proposer lui-même une unité adaptée à ce qu'il veut mesurer. Les multiples peu utilisés dans la vie courante (décamètre, hectomètre, décalitre, hectolitre) ne seront plus nommés".
Commission Joutard [
JP]
"Longueurs, masses, contenances, duréesProgramme définitif – B.O.E.N HORS-SÉRIE N°1, 14 FÉVR. 2002
?Mesurer en utilisant les instruments et en choisissant l’unité appropriée.
?Estimer des mesures.
?Connaître les unités du système métrique et les équivalences entre unités usuelles.
?Calculer le périmètre d’un polygone.
?Calculer une durée.Aires
?Comprendre la notion d’aire et la distinguer de celle de périmètre.
?Utiliser les unités usuelles : cm2 , dm2 , m2.
?Calculer l’aire d’un rectangle de dimensions entières."
"6 - GRANDEURS ET MESUREOn peut remarquer que, alors que la commission Joutard prétend s'attacher au sens et refuser les apprentissages mécaniques, le non enseignement de la logique du SI ( Système International de mesure) et la réduction de l'apprentissage des unités aux unités " usuelles" fait que les "quelques équivalences (1m2 = 100 dm2 , 1dm2 =100 cm2 , 1 km2 = 1000000 m2 )" devront être apprises "par cœur" de la manière la plus mécanique possible.
6.1 Longueurs, masses, volumes (contenances), repérage du temps, durées
….
- connaître les unités légales du système métrique pour les longueurs (mètre, ses multiples et ses sous-multiples usités), les masses (gramme, ses multiples et ses sous-multiples usités) et les contenances (litre, ses multiples et ses sous-multiples usités),
- utiliser les équivalences entre les unités usuelles de longueur, de masse, de contenance, et effectuer des calculs simples sur les mesures, en tenant compte des relations entre les diverses unités correspondant à une même grandeur ;
…
6.2 Aires
…
- mesurer l’aire d’une surface grâce à un pavage effectif à l’aide d’une surface de référence (dont l’aire est prise pour unité) ou grâce à l’utilisation d’un réseau quadrillé (le résultat étant une mesure exacte ou un encadrement) ;
- calculer l’aire d’un rectangle dont les côtés au moins [?? MD] sont de dimensions entières ;
- connaître et utiliser les unités usuelles (cm 2, dm2, m2 et km2) ainsi que quelques équivalences (1m2 = 100 dm2 , 1dm2 =100 cm2 , 1 km2 = 1000000 m2 ). …"
Donc, depuis 1970, on assiste à la perte :
- de la cohérence des systèmes d'unité pour tous les systèmes d'unité puisque seules les unités "usitées" sont au programme
- de l'enseignement des conversions d'unités induite par la précédente
- des unités de volumes : seule une partie des unités de contenance est au programme
- du calcul du périmètre du cercle
- du calcul de l'aire des figures usuelles ( parallélogramme, triangle, cercle ) et des l'aire latérale ou non des solides simples ( pavé droit, cylindre) puisque la seule aire au programme est celle du rectangle .. s'il a des dimensions entières
- de tout calcul de volume des solides usuels ( cube, pavé )
C'est tout !
Restons tout d'abord dans le "quantitatif",
important bien que secondaire. Donc, question à Dominique
Pernoux, posée dans ses propres termes : Peut-on trouver quelques
indices qui lui semblent "confirmer l'impression d'un allégement
continu des programmes " ? La réponse est assez simple : en
50 ans , on a considérablement allégé, de manière
continue, les programmes ( et nous n'avons pas abordé tous les domaines
où cette réduction est encore plus drastique : suppression
de la majorité des problèmes de "proportionnalité"
directe et de toute la "proportionnalité inverse", suppression du
calcul fractionnaire : la multiplication des fractions disparaît
en 69…). La commission Joutard apporte sa petite pierre à cette
déstructuration – dans le domaine que nous avons défini par
exemple en réduisant le calcul de l'aire d'un rectangle à
un rectangle à dimensions entières – mais l'important est
justement qu'elle confirme donc cet allégement historique.
Une
bonne raison pour tout cela :
"La diffusion maintenant généralisée des calculatrices rend moins nécessaire la virtuosité des élèves dans les techniques opératoires (calcul posé) dont on attend seulement qu’elles permettent de renforcer la compréhension des opérations." [ JPP, page 82] ce qui est tout à fait dans la suite logique et récurrente depuis le début des années 80 et le projet de programme de 99 indiquait déjà "L'existence des calculettes oblige à reconsidérer globalement l'apprentissage de la division."
D'une part, il est assez comique, si ce n'était pas odieux, de critiquer
le risque de "virtuosité dans les calculs" alors que la majorité
des élèves ne sait plus faire correctement une opération
et que la majorité des élèves de lycée prennent
une calculatrice pour trouver que 4/5 vaut 0,8. Cette attitude n'est pas
nouvelle non plus car le programme de sixième de 1995 donnait comme
"compétences exigibles" :
" Addition, soustraction et multiplication
: savoir effectuer ces opérations sous les trois formes de calcul
(mental, à la main, à la calculatrice), dans des situations
n’exigeant pas de virtuosité technique".
Si, avant, on déplorait encore un peu le fait que les élèves ne sachent pas faire les opérations, la nouveauté est que le programme de 95 "exige" des "situations n'exigeant pas de virtuosité technique" !!!!
D'autre part, ce simple petit paragraphe est remarquable
:
- Parler de " diffusion maintenant généralisée des calculatrices" comme d'un fait "objectif" revient à confondre la société et l'école et à oublier le fait que les calculatrices n'ont pas envahi d'elles mêmes l'école mais que cette diffusion a été elle-même chaudement encouragée pédagogiquement depuis des années sans aucune vision critique : il n'existe aucune directive émanant de l'Education nationale expliquant qu'il y a des situations où l'utilisation de la calculette n'est pas souhaitable. Or, comme le dit Rudolf Bkouche, maîtriser un instrument suppose de connaître les situations dans lesquelles il ne faut pas l'utiliser .- Au lieu de l'affirmer comme allant de soi, il faudrait prouver que cette diffusion rend moins nécessaire la maîtrise scolaire des techniques opératoires : c'est exactement le contraire qui est vrai. Dans la mesure où l'école n'est pas soumise au "laissez faire, laissez aller" mais dispose d'une certaine maîtrise de ce qui se passe à l'intérieur de ses murs, la constatation réelle que les calculatrices envahissent la société devrait encourager l'enseignement à renforcer la connaissance du "calcul posé" .
Un rôle de l'apprentissage des algorithmes opératoires dans l'enseignement
La
problématique utilitariste, strictement technique et par là
même anti-scientifique définissant le rôle de
l'enseignement des techniques opératoires par le rôle
que ces techniques ont dans la société est faux car il réduit
le rôle de l'enseignement des opérations à l'école
au seul exploit auquel peut prétendre une calculatrice :"trouver
un résultat". Il est vrai que c'est la seule chose que "sait faire"
la calculatrice mais, même dans cette optique réduite, la
calculatrice "ne sait pas" faire les opérations comme un être
humain et recommander que les élèves effectuent à
la calculatrice " le quotient entier ou décimal (exact ou approché)
de deux entiers" sans savoir le faire à la main est un véritable
non-sens produisant des catastrophes en chaîne.
Soyons
plus précis : si l'élève tape 2:3, il voit affiché
sur sa calculette, suivant le modèle, 0,666…66 ou 0,666…67.
Tous ceux qui savent faire une "division à virgule" – mais pas les
élèves justement - savent que le résultat est un résultat
approché, c'est-à-dire que 3x0,66…66 et 3x0,66…67 n'est pas
égal à 2 et qu'il n'existe pas de nombre décimal qui,
multiplié par 3 donne 2. Par contre, si l'élève qui
ne le sait pas, - et comment le saurait-il puisqu'on ne le lui pas appris
– multiplie le résultat affiché par 3, il trouvera effectivement
2 . Et de plus, oh! surprise, s'il recopie ce qu'il a vu à l'écran,
c'est-à-dire 0,66…66 ou 0,66…67 et qu'il le multiplie par
3, il trouvera, selon les cas : 1,99…98 ou 2,00…01 ( quelquefois 2 !) puisque,
dans ce cas là la calculette a multiplié par 3 le nombre
tapé par l'élève alors que, dans le cas précédent,
elle avait multiplié par le 3 le nombre en mémoire dans la
calculatrice qui était différent de celui affiché,
le résultat de la multiplication étant arrondi pour affichage.
Passons sur le fait – qui doit assurément clarifier leur conception des nombres décimaux ! - qu'il existe ainsi pour l'élève deux nombres différents écrits en écriture décimale qui, multipliés par 3, donnent le même produit 2 – et nous ne parlons pas de 0,66… et 0,69999… - pour aller directement à la conclusion : la compréhension de ces phénomènes suppose la compréhension de la différence entre le mode de calcul de la calculette et le mode de calcul humain …que l'élève n'est pas censé connaître pourtant indispensable et prioritaire pour comprendre le fonctionnement de la calculatrice. Et il suppose précisément de connaître justement l'algorithme de la division des nombres décimaux et pas seulement sur des "petits nombres": il faut en effet comprendre la différence entre l'écriture d'un nombre rationnel et d'un nombre décimal et ceci ne peut être obtenu avec aucune calculatrice. De toute façon, cela n'a plus aucune importance puisque l'enseignement de la différence mathématique de nature entre nombres décimaux, rationnels , irrationnels ne figure plus au programme du cursus de mathématiques au lycée.
En outre, même si la calculette était capable de simuler exactement le calcul humain pour trouver un résultat numérique, ce qui n'est pas le cas, il n'en demeure pas moins que l'apprentissage des algorithmes des opérations demeurerait capital pour une simple raison qui est la parenté structurale qu'entretiennent les algorithmes opératoires sur les nombres "arithmétiques" et l'algèbre des polynômes et des fractions rationnelles. En effet, la numération de position et la structure même de polynôme formel fait que la suite (1,2,0,3,…) représente aussi bien le nombre entier 3021 qui est égal à 3x10 3+0x102+2x101+ 1 que le polynôme 3X3+ 0X2+2X1 +1 . Cette ressemblance se poursuit – avec quelques différences secondaires tenant à la nature des coefficients et au fait que l'on ne fait pas de "retenues" en calcul polynomial – jusqu'au domaine justement des algorithmes opératoires puisque le produit
Dans ces conditions, on
peut "poser" la multiplication (3X3+0X2
+2X1+1) x ( 2X2+0X1+
1) exactement comme l'on pose 3021 x 201. Il est donc
bien évident que la non maîtrise des opérations arithmétiques
( Je ne m'étends pas sur le cas de la division qui est moins simple
à présenter mais pour laquelle les mêmes isomorphies
existent ) est un handicap pour la maîtrise de l'algèbre.
Mais en prenant cet exemple, il y en a d'autres,
manifestement ignoré par les "pédagogues" qui "pensent" les
programmes depuis plusieurs années, il peut être utile de
faire quelques remarques complémentaires :
i) l'apprentissage du calcul polynomial au niveau du collège utilisant directement la connaissance de la multiplication arithmétique permet :
- d'obtenir une compréhension bien meilleure à la fois de la cohérence globale des opérations et de leur sens, aussi bien pour les élèves rencontrant des difficultés car il intègre directement de manière mécanique les propriétés de multiplication des puissances et permet, a posteriori, une meilleure compréhension de ces propriétés.
- l'introduction facilitée de la notion de polynôme, qui est tout à fait accessible à ce niveau bien qu'elle ne soit plus au programme depuis plus de vingt ans
- l'introduction des prémisses de la notion de polynôme formel dans sa différence avec la fonction polynôme : le secret de l'affaire tient en ce que la notion de polynôme formel est tout à fait comparable avec celle de nombre entier écrit dans une numération de position puisque tous les deux sont basés sur la notion de suite infinie n'ayant qu'un nombre fini de termes non nulsii) les remarques précédentes n'ont aucun sens pour les programmes actuels puisque les polynômes ne sont plus au programme ni du collège ni du lycée : au lycée , on ne rencontre que les fonctions polynômes présentées d'une manière assez hasardeuse et mal définie. Il est difficile ici de dire si c'est l'abandon de l'apprentissage des opérations arithmétiques qui a entraîné l'abandon de la notion de polynôme ou si c'est le désintérêt pour une mathématique ayant un minimum de cohérence et de "mathématiques" qui fait que l'on ne perçoit plus les rapports entre arithmétique et algèbre. Il est donc quasiment inutile de faire remarquer le lien existant entre les opérations arithmétiques sur les nombres décimaux et l'algèbre des fractions rationnelles : il existe aussi une correspondance étroite entre par exemple 20,3 et 2X+ 3/X qui s'étend jusqu'aux opérations puisque 10 x 20,3= 203 correspond aussi à X(2X+ 3/X ) =2X2+3.
iii) les méthodes d'investigation des sciences de l'éducation et de la didactique ont depuis longtemps oublié d'avoir une vision cohérente du cursus "de la maternelle à l'université" et se concentrent sur les études de cas : il est bien évident qu'elles ne peuvent même pas appréhender, malgré ou à cause de tout l'appareillage statistique utilisé comme écran, le fait que l'enseignement des opérations arithmétiques en primaire entretient un lien avec l'algèbre des polynômes formels. Ce n'est pas en étudiant une cohorte d'élèves même sur quatre ans du CE1 au CM2 – ce qui est extrêmement rare et même n'existe plus à ma connaissance – que ces liens pourront être mis en évidence.
Depuis une trentaine d'années,
une des marottes des « pédagogues » est de justifier
les réformes au nom de la "défense du sens", en mettant
au centre des mathématiques la "résolution des problèmes"
et "l'interdisciplinarité". Cette réforme n'y échappe
pas et l'on nous dit : "La résolution de problèmes est
au centre des activités mathématiques et permet de donner
leur signification à toutes les connaissances qui y sont travaillées
: nombres entiers et décimaux, calcul avec ces nombres, approche
des fractions, objets du plan et de l’espace et certaines de leurs propriétés,
mesure de quelques grandeurs." [ JPP, page 82].
Nous ne nous intéresserons
pas à la validité complète de ces affirmation qui
ne sont vraies que très partiellement mais simplement au fait que,
en prenant au mot les concepteurs des programmes justement sur la question
qui nous intéresse ici, c'est-à-dire l'enseignement des opérations,
des unités des aires et des volumes, l'enseignement proposé
détruit l’idée même de « sens » comme il
empêche la possibilité même de ce qu’il préconise
: la résolution des problèmes. La commission Joutard a complètement
oublié, le "sens" algébrique du "calcul posé". En
même temps, elle nie la possibilité de toute interdisciplinarité
au moment où elle la réclame. Faire faire par la machine
les opérations que l’élève ne sait pas faire à
la main est probablement une forme particulièrement élevée
de "défense du sens".
Il faut également observer
que la réduction de l'apprentissage des unités aux unités
"usitées" repose sur une conception du "sens" qui n'entretient
aucun rapport avec la cohérence, basée sur une réduction
de celui-ci à une pratique aveugle, à "l'expérience
immédiate" confondue allègrement avec l'expérimentation
raisonnée alors que cette dernière est toujours expérimentation
d'une théorie. Lorsque que cette réduction de l'enseignement
des unités de longueur et d'aire aux unités usitées
se double du refus d'apprentissage des unités de volume (remplacées
par des unités de contenances), il ne reste plus rien :
- du sens de l'apprentissage des bases de la physique qu'est le SI. On ne peut plus énoncer la propriété fondamentale unifiante et en quelque sorte canonique qui dit que le produit de l'unité d'aire par l'unité de longueur est l'unité de volume, par exemple, 1m x1m2= 1m3, qui est la seule permettant d'expliciter le volume d'une boite rectangulaire. En effet , le fait que le volume d'une boite dont la base mesure 5 cm par 6 cm et la hauteur 10 cm contient 5x6x10 cm3 = 300 cm3 repose sur le fait qu'elle contient 10 couches de 30 cubes de 1 cm de coté, c'est-à-dire 10 couches de 30 cm3. Mais le fait que chaque couche compte 30 cm3 repose justement sur le fait que l'unité est un cm3, c'est-à-dire un cube dont toutes les faces sont égales ce qui permet de dire qu'il y a autant de cm3 dans une couche que de carrés d'un cm de coté, c'est-à-dire de cm2, sur le fond de la boite. Donc "l'apprentissage du volume", en utilisant des unités de contenance tels que le litre, non seulement rompt la logique du SI, mais empêche même d'apprendre le simple volume d'une boite en le liant à ses dimensions, et plus encore, l’idée même d’idée de volume, c’est-à-dire, d’espace et d’homogénéité de l’espace cartésien. Si l'on s'intéresse de plus près à la logique implicite induite par ce refus de l'utilisation des unités fondamentales (des invariants), la règle induite par les "nouveaux apprentissages" permet d'écrire : la longueur d'un double décimètre est ….. 200L/m2.- de la logique qui lie la cohérence du SI aux bases d'apprentissage de l'algèbre : si l'écriture en numération de position d'un nombre entretient des liens étroits avec le calcul polynomial, l'écriture des égalités liées au système métrique entretient des rapports étroits préparatoires au calcul sur les monômes : un élève qui s’est approprié très tôt des habitudes d'écritures du type 2m+3m=5m, 2mx3m=6m2, ne sera pas dépaysé lorsqu'il devra écrire 2X+3X=5X et 2X*3X=6X2 . On évite ainsi facilement les erreurs du type 2X+3X=5X2, 2X+3X=6X , etc. Mon expérience de près de trente ans de "remédiation" montre que la référence au système métrique, pourtant fort efficace, peut être de moins en moins employée puisque l'on n'a plus enseigné aux élèves les connaissances de base nécessaires.
- de la préparation d'une notion de dimension qui apparaît beaucoup plus tard dans l'enseignement : celle de dimension d'un espace vectoriel. Mais là, comme pour les conséquences de la disparition de la division sur l'enseignement ultérieur des différences entre nombres décimaux et rationnels, ceci n'a plus aucune importance puisque les espaces vectoriels ne sont plus au programme.
On peut donc dire que, pour ce qui est du
sens lié à l'apprentissage des unités, la commission
Joutard ne brille pas vraiment non plus, ni par sa cohérence ni
par sa perspicacité. Il nous reste donc à voir ce qu'elle
est capable de faire dans ce qu'elle-même met au premier plan, c'est-à-dire
la "résolution des problèmes".
Lorsque l'on a à "résoudre
un problème", la réponse à ce problème, surtout
au niveau primaire, est le plus souvent un prix, une aire, un poids, un
nombre de places… et la résolution du problème consiste à
comprendre le phénomène étudié jusqu'à
saisir quelles sont les opérations à utiliser pour trouver
la réponse. Il faut remarquer que l'on a là, et nous sommes
justement dans le domaine du "sens" des mathématiques qui concerne
le rapport qu'elles entretiennent avec la réalité qu'elles
modélisent, un aspect non strictement numérique des opérations
: on s'en aperçoit lorsque l'on dit que le produit d'une aire par
une longueur est un volume, que le quotient d'une distance par une durée
est une vitesse ou lorsque l'on remarque que les 4 opérations 2x3pommes=6pommes,
2x3Fr=6Fr, 2mx3m=6m2, 2mx3m2=6m3 sont
différentes bien qu'elles aient le même substrat numérique
2x3=6.
Un des outils les plus puissants
pour trouver la "bonne opération", celle qui permet de trouver le
résultat demandé est d'utiliser les bases de ce que l'on
appelle le calcul dimensionnel qui permet de déterminer cette opération
à un coefficient multiplicatif près.. Prenons un exemple
simple: si l'on connaît la longueur 6m et la largeur
2m d'un rectangle et que l'on cherche son aire, on sait que l'on doit trouver
un résultat exprimé en m2 : l'addition 6m+2m
et la soustraction 6m-2m sont éliminées puisque, sans effectuer
aucun calcul numérique, on sait qu'elles auront pour résultat
des mètres qui n'est pas une aire. La division l'est également
puisque 6m : 2m donne 6m/2m = 6/2 = 3 qui est le "nombre
de fois" 2m dans 6m, c'est-à-dire un nombre sans dimension ni unité
qui ne peut donc pas être une aire. Il ne reste donc plus qu'une
possibilité qui est la multiplication 6mx2m=12m2.
Si le raisonnement permettant de parvenir à ce résultat tient du calcul dimensionnel qui est une des bases de la physique (lire, pour en avoir une vision simple mais suffisante, l'introduction du Cours de Physique de François Lurçat, Edition Ellipses, 1993), une traduction dans les différentes opérations que nous avons écrites ( 2x3 pommes = 6 pommes, 6mx2m=12m2... ) fait partie de ce que l'on appelle le calcul sur les grandeurs... explicitement rejeté hors-programme par l'Education nationale depuis 1970. Cette interdiction encore confirmée récemment, fait donc partie des allégements de programmes depuis cette date, allégement sur lequel la commission Joutard n'est pas revenue malgré sa soi-disant volonté de "donner du sens aux mathématiques", de centrer l'enseignement sur la "résolution des problèmes" et de pratiquer "l'interdisciplinarité" …en coupant les mathématiques de la physique et des sciences de la terre.
Reprenons :
a) Le calcul sur les grandeurs est interdit depuis 1970 :
Le B.O.E.N. du 2 Janvier 1970 qui introduit officiellement les mathématiques modernes en primaire dans un programme dit "transitoire", écrivait :" Les phrases telles que 8 pommes +7 pommes = 15 pommes n’appartiennent [pas] au langage mathématique ".
L'A.P.M.E.P., Association des Professeurs de Mathématiques de l'Enseignement Public, dans le numéro spécial consacré à cet événement confirmait la chose en disant que c'était bien là la question fondamentale de la réforme au primaire : « L’abandon des " opérations sur les grandeurs " est bien la mutation fondamentale apportée par les programmes transitoires, c’est lui qui transforme profondément les démarches de la pensée dans l’enseignement élémentaire » [ APMEP 72, "Un nouvel état d’esprit", Marguerite Robert, page 17].
L'affirmation que le calcul sur les grandeurs "n'est pas mathématique" est bien évidemment une imbécillité complète fausse mathématiquement puisque dès 1968, soit trois ans avant la publication du B.O. de 70 -mais il faut dire que les Américains subissaient la réforme des mathématiques modernes depuis le début des années 60 -, le grand géomètre Whitney Hassler publiait un texte qui donnait un cadre mathématique axiomatique, "moderne", au calcul sur les grandeurs. Il s'agit de "The Mathematics of Physical Quantities. Part I: Mathematical Models for Measurement, Part II: Quantity Structures and Dimensional Analysis" que l'on trouve dans le volume 75 de l'American Mathematical Monthly. Il y déclare notamment – et démontre en donnant la structure mathématique sous-jacente- qu'il est tout à fait "mathématique" d'écrire :
Ceci prouve essentiellement l'incompétence
en "mathématiques modernes de l'époque", c'est-à-dire
tout simplement en mathématiques, des défenseurs des "mathématiques
modernes" dans l'enseignement primaire. La pratique du calcul sur les grandeurs
est bien plus "moderne" que la réduction du calcul au calcul numérique
qui a, elle, fait le lit de l'utilisation abusive et même exclusive
des calculettes.
b) Cette interdiction a encore été confirmée officiellement récemment :
Trente ans après, les concepteurs des programmes
persistent et l'on trouve dans l'actuel "Document d'accompagnement des
programmes de troisième" l'antienne : «En mathématiques,
on ne travaille pas sur les grandeurs» [DAP3,
page 13]
D'autre part, mais cela sortirait du cadre de
cet article et fera l'objet d'un article ultérieur, on peut montrer
facilement la prégnance actuelle quasi exclusive de ces thèses
non seulement dans les organismes centraux de l'éducation nationale,
dans les commissions chargés de la rédaction des programmes
mais encore dans l'enseignement donné dans les IUFM, dans les manuels
du primaire, chez les didacticiens et comme idéologie dominante
chez une écrasante majorité de professeurs des écoles
(il suffit pour cela de fréquenter les grosses listes de discussion
d'instituteurs et j'en donnerai des exemples éloquents).
Ceci n'est pas étonnant car :
- la réduction du calcul au numérique et le refus du calcul des grandeurs n'est même pas mentionnée dans les histoires des réformes de l'enseignement des mathématiques : on peut consulter par exemple aussi bien l'article de B. Charlot dans " Histoire d'une réforme : idées directrices et contexte" [ PDS , page 25-46] que dans les articles par exemple de l'ouvrage collectif "Les Sciences au lycée. Un siècle de réformes des mathématiques et de la physique en France et à l'étranger" ( INRP et Vuibert, Paris, 1996, 330 p.). Le rapport sur le calcul de la commission Kahane [KC] mentionne la question des grandeurs et parle de "réduction au numérique" mais ne parle pas du calcul sur les grandeurs.
- le caractère central de cet abandon revendiqué pourtant par ses promoteurs n'est lui, jamais relevé. Il peut sembler admissible de dire que les hommes ne font pas leur propre histoire consciemment, mais il y a des limites.
Nous sommes dans une situation curieuse :
bien que l’on prétende être sorti de l’enseignement
des mathématiques modernes, nous y sommes encore complètement
plongés, et sur des questions non secondaires présentant
ce que les mathématiques modernes avaient de pire. Comme le dit
Rudolf Bkouche, il nous reste les "mathématiques modernes " … sans
les mathématiques, c'est-à-dire que tout le fatras constructiviste
[Cogn] règne sans partage. Les thuriféraires
de la première période, sans qu’ils s’en expliquent, sont
devenus aussi mécaniquement empiristes qu'ils avaient été
mécaniquement formalistes. Ce n'est donc probablement pas par hasard
si la commission Kahane a une position ambiguë sur l’apprentissage
des grandeurs et que l'on n'y trouve aucune critique du parallélisme
piagétien entre le développement cognitif de l'enfant et
la structuration axiomatique des mathématiques, mais au contraire,
une référence positive à Piaget dans le rapport sur
la géométrie [KG].
Si l'on veut redonner une cohérence à l'enseignement des mathématiques, au lien entre la physique et les mathématiques, entre l'arithmétique du primaire et l'algèbre, on ne peut pas faire l'économie d'une critique des positions réelles qui ont été successivement développées par les différents acteurs, car une conception fausse perdure tant qu'elle n'a pas été explicitement analysée. Ce n'est donc pas par purisme que ce débat est nécessaire. Au moment où la question de l'enseignement du calcul sur les grandeurs essaie d’être posée, la plus grande confusion règne :
- les textes officiels sur le programme de troisième louent l'emploi des grandeurs mais disent que le "travail sur les grandeurs" n'est pas des mathématique [DAP3]- la commission Joutard, qui se prétend exhaustive, évite le sujet
- la commission Kahane nous dit : "Les grandeurs ont joué jusqu’à l’époque des mathématiques modernes un rôle fondamental dans l’enseignement des mathématiques et le calcul. Elles en ont alors disparu brutalement, ont été depuis réintroduites à l’école élémentaire et au collège, mais sans que le rôle que l’on souhaite leur faire jouer soit toujours clairement explicité.[KC]" Cet extrait, comme tout le reste du texte, évite la question du calcul des grandeurs et ne peut donc répondre à l'objectif qu'elle semble se fixer, que le rôle des grandeurs soit "clairement explicité". En fait, les grandeurs n'ont pas "disparues brutalement" en 70 mais ont seulement été définitivement supprimées puisque même les I.O. de 45 étaient très "méfiantes" à propos de l'apprentissage du calcul des grandeurs puisqu'elles précisaient : " Le signe × comme le signe + et le signe - n'indique que l'opération à faire sur les nombres et non sur les grandeurs " [P1945]. En ce sens , les Instructions de 70 ne faisaient que systématiser la perte de sens précédente en prétendant, bien sûr, s'opposer au caractère mécanique de l'enseignement précédent. Enfin ce texte ne fait aucune référence explicite à l'enseignement des bases du calcul dimensionnel en particulier en primaire ni, puisqu'il ne parle pas du calcul sur les grandeurs, de l'influence de celui-ci sur l'apprentissage du calcul algébrique.
- l'A.P.M.E.P. n'a pas de position officielle sur le sujet mais a laissé passer dans un de ses deniers numéros un article de Rémi Duvert, « Faut-il mettre les unités dans les calculs ? », qui traite cette question en l'instrumentalisant comme le montre le titre. L'auteur évite donc toutes les questions théoriques et surtout les plus embarrassantes comme celle de la liaison entre l'enseignement de la multiplication des grandeurs et la commutativité de la multiplication. Pourtant, dès 1972, l'A.P.M.E.P. justifiait la suppression de l'enseignement des grandeurs car cet enseignement "a porté grand tort à la commutativité de la multiplication"[APMEP 72, page 63, in P. Jacquemier, Promenade au long du programme du 2 Janvier 1970 et des commentaires qui l'accompagnent]. Cette idée n'est pas abandonnée puisque des figures renommées de la didactique comme Rémi Brissiaud, Pierre Clerc, André Ouzoulias viennent, en 2000, au bout de trente ans, apparemment de découvrir que la multiplication est une addition qui se répète. Ils présentent la multiplication " d'avant 70 " – en évitant de poser la délicate question : "Est-elle mathématique ou non ?"en disant " qu'il fallait longtemps spécifier les « unités » dans les égalités ". Ils concluent : "Les réformateurs de 1970 ont critiqué avec raison ce choix ; en effet il fait obstacle à la compréhension de la propriété de la multiplication qu'on appelle la «commutativit »"[LMCE1, page 40]. Après avoir fait remarquer, dans une rhétorique parfaite du pour et du contre que l'on peut "omettre les unités dans les calculs ? D'abord ... parce qu'on peut s'en passer ! ", Rémi Duvert se déclare favorable à l'idée de "mettre des unités dans les calculs" et conclut par un "Pourquoi ne pas habituer nos élèves à ce genre de raisonnement ?" en faisant semblant de ne pas avoir remarqué que ce "genre de raisonnement et d'écriture" a été explicitement condamné pendant 30 ans, que les programmes actuels soit ne le mentionnent pas soit déclarent qu'il n'est pas "mathématique".
A certains égards, la position de Dominique
Pernoux semble surprenante : sur les différentes listes de discussion
où nous sommes conjointement, il soutient le combat que nous
sommes quelques-uns à mener pour la remise en place du calcul sur
les grandeurs mais, simultanément, il n'assimile pas son absence
à un allégement des programmes comme le montre sa lettre.
Ce n'est pas une contradiction, mais la conséquence d'une problématique
propre à la didactique et aux sciences de l'éducation qui
séparent le sens et le contenu de l'enseignement à dispenser,
coupant ainsi le sens de toute pensée organisée pour le faire
résider dans le "faire", dans une pratique empiriste aveugle.
Ceci ne fait, une fois de plus, que confirmer la position défendue
dans l’Appel qui considère
la séparation entre "l'intelligence conceptuelle" et ses manifestations
concrètes comme dépourvue de sens.
Michel Delord
Professeur de mathématiques
(33)5 56 68 71 16
Mail : michel.delord@free.fr
[APMEP 72] : La mathématique à l’école élémentaire, Paris, Supplément au bulletin APMEP n° 282, 1972, 502 pages.
[Cogn] John R. Anderson,
Lynne M. Reder, Herbert A. Simon : Applications and Misapplications of
Cognitive Psychology to Mathematics Education
http://act.psy.cmu.edu/ACT/papers/misapplied-abs-ja.html
Une anecdote sur cet article qui montre qu'il
n'y a pas qu'en France les opposants à la "réforme" ont du
mal à se faire entendre :
"Let me illustrate with one recent incident. The premier journal of educational research is Educational Researcher. Recently, an article was submitted that refuted the claims of situated learning. (Situated learning is the supposed scientific basis of such teaching methods as project learning, integrated learning, and thematic learning). The article also refuted the claims of constructivism, which is a supposedly scientific foundation for such teaching methods as inquiry learning, discovery learning and hands-on learning. After a so-called peer review, Educational Researcher turned down the article, and agreed to print only a section of its critique of situated learning. This decision would have been unremarkable except that the three authors of the article happened to be among the most distinguished cognitive scientists in the world, John Anderson and two other colleagues at Carnegie Mellon, Lynn Reder, and Herb Simon. The latter happens also to be a Nobel prize winner."
E.D.Hirsch in Address to California State
Board of Education, April 10, 1997
http://ourworld.compuserve.com/homepages/mathman/edh2cal.htm[Coprem] Michel Delord, Commentaires sur les positions de la COPREM in "Calcul humain, calcul mental et calculettes : Questions pédagogiques"
http://www.sauv.net/delord/calcul/1_opinions.html
[DAP3] : Document d'accompagnement
du programmes de troisième
http://www.cndp.fr/textes_officiels/college/programmes/acc_prg3/acc_prg3_maths.pdf
[DAP6] : Document d'accompagnement
du programme de sixième :
http://www.ac-nancy-metz.fr/enseign/maths/Programmes/6_accompagne.htm[KC] Rapport de la commission Kahane sur le calcul
http://smf.emath.fr/Enseignements/CommissionKahane/RapportCalcul/RapportCalcul.pdf[KG] Rapport de la commission Kahane sur la géométrie
http://smf.emath.fr/Enseignements/CommissionKahane/RapportEnseignementGeometrie/html/RapportEnseignementGeometrie.html[JP] : Projet de programme de la commission Joutard
http://www.eduscol.education.fr/D0048/prim-Cycle-3.pdf[JPP] : Programme définitif issu des travaux de la commission Joutard
http://www.education.gouv.fr/bo/2002/hs1/default.htm[JD] : Document d'accompagnement de la commission Joutard Cycle 3
http://www.eduscol.education.fr/D0048/docamath.pdf[LMCE1] : Rémi Brissiaud, Pierre Clerc, André Ouzoulias, Livre du maître CE1, Edition Retz-Nathan, Paris, Octobre 2000.
[P6] : Programme de sixième de 1995:
http://www.ac-nancy-metz.fr/enseign/maths/Programmes/6_programme.htm[P99] : Projet de Programme de 1999 - BO Special N°7 du 26 Août 1999N°7
http://www.education.gouv.fr/bo/1999/special7/default.htm[P1902] Programmes de 1902
http://membres.lycos.fr/sauvezlesmaths/Textes/IVoltaire/prg1902.htm[P1925] Programmes de 1925
http://membres.lycos.fr/sauvezlesmaths/Textes/IVoltaire/prg1925.htm[P1945] Programmes de 1945
http://membres.lycos.fr/sauvezlesmaths/Textes/IVoltaire/prg1945.htm[PDS] Rudolph Bkouche, Bernard Charlot, Nicolas Rouche, Faire des mathématiques : le plaisir du sens, Armand Colin, Paris, 1991, 256 p.
Liens utiles :
- Quelques données sur la position des opposants américains à l'abandon de la division dans
"Extension de l'appel primaire aux USA"
http://smf-cgi.emath.fr/Forum/?mss:64:ionkjpfinppmlkgbkgci
- Le "tout numérique" dans
"NTIC à l'école : un pas de
plus dans l'enseignement tayloriséd'une pensée taylorisée"
http://www.sauv.net/nticd.htm