Coup de gueule d'un prof à l'ancienne
Ouest-France, 17 septembre 2005 Agrégé de lettres, Jean-Paul Brighelli a enseigné pendant douze ans en Zep. Il signe aujourd'hui un livre féroce(1) contre l'école à deux vitesses et ses "ghettos".
Les Zones d'education prioritaire, assure Jean-Paul Brighelli. " ne sont ni prioritaires, ni éducatives ". Une Zep " c'est un ghetto organisé de façon à ce que les meilleurs élèves étudient tranquillement dans les «bons» lycées du centre-ville, sans être dérangés par une «racaille» descendue de quelque banlieue louche. " Voilà le ton. Virulent. L'auteur enseigne aujourd'hui à des élèves de classes préparatoires, à Montpellier. Loin des Zep. Loin de la banlieue parisienne où il a exercé pendant douze ans. " La Zep, c'est l'apostolat contemporain, la terre de mission ultime. " Des enseignants s'y accrochent. L'autre moitié cherche à fuir au plus vite. Ils sont attachants pourtant ces mômes. " Ils veulent être traités comme leurs camarades des beaux lycées. Et ce droit, on le leur dénie depuis vingt ans. " Aux premiers, de grandes louches de culture. Aux seconds, un enseignement au rabais. Pas trop de littérature. Le Rap de préférence à la poésie. " Quel mépris ! Les élèves le sentent fort bien. Au fond de leur misère sociale, il n'y a pas forcément une misère intellectuelle, mais, par contre, le sentiment d'une injustice effroyable. " Fils " d'un flic " et d'une sténodactylo, enfant de l'école de la République, il s'insurge aujourd'hui contre un système éducatif qui plus que jamais reproduit les élites " Nous sommes dans un monde de fils et
de filles de. Désormais, l'ascenseur social est totalement en panne. " Pour lui, hors l'enseignement des disciplines classiques, point de salut. " On ne tient en Zep que si on accomplit sa tâche à grands coups de culture. " Retour à Corneille, Voltaire, Zola. À l'Histoire. À la chronologie. Aux Savoirs en majuscules. Son axiome favori : " Plus une classe est «difficile», plus difficiles doivent être les sujets traités. " La multiplication des filières professionnelles et le délitement des bacs généraux le désespèrent. Il agonise les néo-pédagogues, milite à l'association «Sauver les lettres». Il dénonce un système qui «formate» les élèves aux besoins de l'économie. " Le libéralisme a le système éducatif dont il rêvait. " Le voilà, le véritable crétin du livre. C'est le ministère, le grand «machin» et ses commissions d'experts, «confluence d'incompétences», qui ont bradé l'école. Il cogne le bougre, sans avouer sa nostalgie du passé et de ses vieux maîtres disparus. Bemard LE SOLLEU. 1) La Fabrique du crétin, éditions Jean-Claude Gawsewitch, 220 pages, 16,90E.