" 13 % des élèves ne savent pas lire à leur entrée en 6e. Un chiffre officiel. En réalité, c'est plus de 3 sur 10. " Les chiffres de Marc Le Bris, directeur d'école à Médréac et auteur de Et vos enfants ne sauront pas lire... ni compter, sont alarmants. Mais tristement vrais : même le ministère de l'Éducation nationale les reconnaît. Réformes, changement des programmes, réduction des classes, rien n'y a fait. Fatigués, certains enseignants se sont regroupés dans un collectif, " Sauver les lettres ", qui se réunissait pour sa quatrième université d'été à Médréac. " Au début, il s'agissait surtout de professeurs de collèges et de lycées, raconte Gaëtan Cotard, professeur de lettres au lycée Lamartine, à Paris. Puis, on s'est aperçu que le problème se trouvait bien en amont, dès l'école primaire. Elle ne remplit plus son rôle : on n'y apprend plus à lire ou à compter. Le déficit de connaissances devient un phénomène plus que préoccupant, jusque dans les grandes écoles. "

Leurs chevaux de bataille ? Outre la défense des langues anciennes au collège et lycée (synonymes de culture d'excellence), le collectif s'attaque aux méthodes d'apprentissage de la lecture, de l'écriture et du calcul, totalement inadaptées selon Marc Le Bris. " Le programme consiste à observer et manipuler, mais absolument plus à apprendre. Les mots " transmission de connaissances " sont devenus des insultes. L'enfant doit découvrir tout seul. Mais comment, si on ne lui montre pas ? " Le collectif tente tant bien que mal de se faire entendre dans les méandres de l'Éducation nationale. Lettre ouverte au ministre, pétition, livres... Rien n'y a fait. Comme l'explique Marc Le Bris, " Luc Ferry a soi-disant réformé la méthode globale, qui consiste à apprendre à lire par une visualisation des mots. Il a mis en place une méthode semi-globale : la même chose, mais par syllabe. Deux échecs toutes les deux. On se fait traiter de réactionnaires parce qu'on voudrait revenir à la méthode syllabique, où on associe deux lettres pour faire des sons. Mais elle avait fait ses preuves. "

Résultat : des enfants qui ne savent pas lire en arrivant en 6e et qui accumulent les retards. Et à la clé, un bac qui perd de sa valeur. Robert Wainer, un professeur de lettres modernes au lycée Robert-Cassin de Gonesse, dans le Val-d'Oise, témoigne : " On nivelle par le bas. D'abord en admettant en 1re des élèves qui n'en ont pas le niveau. Ensuite, en supprimant le redoublement. Enfin, on simplifie les épreuves du bac et on rend la notation plus laxiste : dans les circulaires, on a compté six fois " on valorisera dans les copies " mais jamais de " on sanctionnera ". Sans commentaire... Le mot de la fin pour Marc Le Bris : " sous prétexte qu'on a de l'ambition pour tout le monde, on nous traite d'élitiste. On préfère " élitaires " : on pense que le haut niveau est possible pour tous les élèves, à condition de leur en fournir les moyens. Et d'écouter les instituteurs de la base : eux voient des enfants régulièrement, contrairement aux différents ministres... "

Pratique : Collectif " Sauver les lettres ", www.sauv.net

Caroline ANGELI