La mort programmée des lettres classiques ?


Le SOS des professeurs de latin et grec

Huit associations d'enseignants ont lancé, hier, un SOS pour sauver l'enseignement du latin et du grec dans les lycées. Dans plusieurs académies, au nom de la « rationalisation des moyens », ces options pourraient être « sabrées » à la rentrée 2004. Les langues anciennes au panier ? Vingt et une sections seront supprimées à la rentrée prochaine dans l'académie de Bordeaux. Dans celle de Limoges, seuls trois lycées, un par département, enseigneront encore le latin et le grec. Coupes sombres également à Versailles, à Brest et ailleurs, selon huit associations d'enseignants réunies, hier à Paris.

Les langues anciennes au panier ? Vingt et une sections seront supprimées à la rentrée prochaine dans l'académie de Bordeaux. Dans celle de Limoges, seuls trois lycées, un par département, enseigneront encore le latin et le grec. Coupes sombres également à Versailles, à Brest et ailleurs, selon huit associations d'enseignants réunies, hier à Paris.

« On brade la formation intellectuelle des élèves », déplore Agnès Joste, professeur au Havre, animatrice du collectif « Sauver les lettres ». Au nom d'une gestion à courte vue de l'Éducation nationale, dénonce-t-elle, les recteurs d'académie s'en prennent aux options offertes aux lycéens et, au premier chef, aux langues anciennes. « Leurs effectifs sont peu prévisibles, parfois restreints, et prêtent le flanc à l'accusation de coûter trop cher. »

Cet appel a reçu le soutien de l'académicien Bertrand Poirot-Delpech. « On va entendre dire, une fois encore, que le pays a davantage besoin d'ingénieurs et de techniciens que de rêveurs sur l'Acropole. Foutaise ! L'excellence en lettres classiques prépare aux concours scientifiques et aux réorientations en cours de vie aussi sûrement que les filières spécialisées. »

Frapperait-on des enseignements jugés élitistes, ? « C'est tout le contraire, assure Agnès Joste. On essaie de nous faire passer pour des profs archaïques. En réalité, on va réserver cet enseignement aux lycées prestigieux des centres-villes ou à quelques institutions privées. L'élitisme est du côté de ceux qui ferment ces options. »

« Pédagogie du zapping »

« Sauver les lettres » accuse Luc Ferry et Xavier Darcos, les deux ministres, de tenir double langage. Officiellement, « ils affichent leur volonté de renforcer, dès le primaire, l'étude des lettres. Dans la réalité, c'est tout le contraire ». Le collectif craint plus généralement la mort programmée des disciplines les plus exigeantes. « La philosophie, les langues anciennes, les mathématiques..., car elles ne se plient pas à la pédagogie du zapping, du ludique à tout prix. »

Ces enseignants décèlent dans ce décès programmé de l'enseignement des langues anciennes, une facilité de gestion de leurs carrières. « Les professeurs de lettres classiques n'enseigneront plus que le français. On supprime les langues anciennes sans avoir à les reconvertir tout en économisant des heures de cours. C'est tout bénéfice pour les gestionnaires. »

N'y a-t-il pas réellement trop d'options offertes aux lycéens ? Peut-on proposer partout du russe, du chinois, du portugais ou du grec ancien ? « La diversité de l'offre est une vertu, pas une tare de notre système d'enseignement », plaide Agnès Joste, persuadée, par ailleurs, que le petit nombre d'élèves annoncé dans certaines options est « trafiqué ». Ce que dément le ministère de l'Éducation nationale.

Bernard LE SOLLEU.

[Photographie d'une élève lisant un manuel de latin légendée : ] " Avec le latin et le grec, ce sont toutes les disciplines les plus exigeantes que le collectif « Sauver les lettres » craint un jour de voir disparaître. David Adémas"