Jean-Paul Brighelli : "Le niveau a baissé."
Jean-Paul Brighelli est Normalien, agrégé de lettres, auteur de nombreux
ouvrages scolaires, essais, romans. Professeur de Lettres à Montpellier, il
fait partie de l'association nationale "Sauver les lettres" (www.sauv.net) - Faut-il défendre l'orthographe ? - Que reprochez-vous aux méthodes pédagogiques dominantes ? - Comment sortir de cette situation ? - Et la dictée de Pivot ?
- Bien sûr, parce que l'orthographe fait partie de notre patrimoine. Dire
qu'elle n'a aucune importance, c'est priver ceux qui ont le moins accès à ce
patrimoine de toute chance d'y parvenir. C'est couper un peuple de son
Histoire, de sa mémoire !
Sous l'influence des nouveaux pédagogues et "didacticiens", l'école a
renoncé à jouer son rôle d'intégration, à pallier les insuffisances sociales
et familiales. Quand j'étais à Normale Sup', 5% des élèves étaient issus de
milieux modestes, et c'était déjà bien peu. Aujourd'hui, moins de 0,5%. Nous
sommes devant un monde d'héritiers. L'éducation ne favorise plus la
promotion.
- Au prétexte qu'il ne faudrait pas que les enseignants exercent de pouvoir
sur les enfants, l'école a renoncé à toute pédagogie coercitive.
Ce qu'on fait à nos enfants, on ne le ferait pas à une bête. L'enfant, c'est
"celui qui ne parle pas". Croire qu'il peut "produire" un texte spontanément
sans avoir effectué les apprentissages de base de la langue est une
imposture d'inspiration rousseauiste.
La gauche, en renonçant à combattre l'inégalité devant la langue, a détruit
le système éducatif français qui était l'un des meilleurs du monde.
Aujourd'hui le niveau a baissé dramatiquement et, dans les comparaisons
internationales, nous sommes devenu un pays de 15ème ordre. L'explosion de
l'édition parascolaire se nourrit des ratés du système scolaire, entretenant
l'angoisse chez les élèves et les parents.
Un modèle, c'est ce que l'on peut casser pour être libre. Encore faut-il
apprendre à le dominer. Sinon, on se résigne à ne pas former des citoyens
mais des consommateurs dont une bonne partie du cerveau restera disponible
pour Coca Cola, comme dit le pédégé de TF1.
- Il faut organiser des états généraux de l'école, hors des circuits
hiérarchiques ou syndicaux, parce que les enseignants, lorsqu'ils sont
encadrés, sont souvent tentés par le conformisme. Loin des rapports
officiels lénifiants, on entendra alors la vraie parole des enseignants.
L'une des mesures prioritaires serait de rétablir les horaires des matières
fondamentales, en particulier l'apprentissage du français. Et il faut se
préparer au départ à la retraite de 150 000 enseignants.
- C'est l'exhibition annuelle d'une espèce en voie de disparition, le bon
élève. Le téléspectateur applaudit d'autant plus volontiers à ces jeux du
cirque qu'il est déjà coupé de sa propre langue.