La tyrannie des minorités
Résultats en baisse constante dans les statistiques nationales, illettrisme préoccupant..., l'Education nationale prend l'eau. Pourtant, il est toujours des voix pour se récrier et affirmer que le fameux niveau n'a jamais été aussi élevé. S'il y a des ratés, ce n'est pas à cause des méthodes pédagogiques introduites depuis vingt ans, faites notamment de suppression des dictées et de la grammaire, mais bien au contraire parce que l'on n'est pas allé assez loin dans l'application de ces méthodes. La faute, bien sûr, aux épouvantables conservatismes à l'oeuve à tous les échelons de la grande maison. Ceux qui tiennent ce discours sont paradoxalement les mêmes qui, depuis les années 80, ont inspiré toutes les réformes, à commencer par la loi d'orientation sur l'école de 1989, et qui désormais s'ingénient à vider de leur contenu les directives ministérielles qui tenteraient de rétablir les méthodes syllabiques d'apprentissage de la lecture ou les leçons de vocabulaire. Le paradoxe s'explique cependant. le petit courant que l'on surnomme "pédagogiste", a bel et bien pris le pouvoir au début des années 80 et le tient fermement depuis. Minoritaire dans l'opinion, et même chez les enseignants, il a, comme tout mouvement qui se veut révolutionnaire, concentré ses efforts sur un point essentiel : la formation des futurs cadres. A travers les institut universitaires de formation des maîtres, comme à travers les directives de certains inspecteurs, les thèses et les méthodes inspirées du constructivisme se sont transmises aux jeunes générations de professeurs. "Rassurez-vous, leur explique-t-on, ces vieux profs vont bientôt partir à la retraite, et leurs vieilles méthodes disparaîtront" . La meilleure façon de devenir peu à peu majoritaires, tout en continuant à se clamer minoritaires et persécutés.
Lu dans Marianne du 5 au 11/4/2008, dans un dossier sur la "tyrannie des minorités".