Le rapport qui tape à côté de la plaque

Marianne du 20 octobre 2003


COMMENT VA L’ÉCOLE  ?

LE RAPPORT QUI TAPE A CÔTÉ DE LA PLAQUE

Par Natacha Polony

Un état des lieux du système scolaire français établi par des "experts venus du ministère de l'Education nationale. Quand le système défend le système... Cela laisse mal augurer du fameux "grand débat sur l'école".

Imaginons que l'on décide de confier la rédaction du Gault-Millau aux principaux chefs français, ou encore un rapport sur l'état de Vivendi à Jean-Marie Messier... Quelle que soit la qualité du travail, n'y aurait-il personne pour s'interroger alors sur l'objectivité dudit rapport et mettre en doute la validité de son diagnostic ? Pourtant, le ministère de l'Education nationale n'hésite pas une seconde : voulant dresser un état des lieux du système scolaire, afin de servir de base au" grand débat national " sur l'école, il a demandé un rapport à quatre experts du Haut Conseil de l'évaluation de l'école (HCEE). Celui-ci a été convié, à partir de ce rapport, à donner un " avis " plus politique sur la question.

 

Photographie critique

Intitulé, non sans modestie, " Eléments pour un diagnostic de l'école ", ce texte de 111 pages a été diffusé vendredi 10 octobre, alors qu'il n'en est encore qu'au stade du document de travail, destiné à être amendé. Il se présente sous la forme d'une photographie plutôt critique du système scolaire, agrémentée de statistiques, de comparaisons avec les autres pays européens et aussi, parfois, d'ébauches de propositions. L'avis du HCEE, lui, a été publié le 17 octobre. Rappelons simplement que le Haut Conseil est présidé par Christian Forestier, dont le moins qu'on puisse dire est qu'il connaît bien la maison, puisqu'il en arpente depuis vingt ans les couloirs. Recteur d'académie, nommé dans la foulée de la vague rose de 1981 inspecteur général, directeur des collèges et lycées, puis chef de cabinet de Jack Lang en 2000, Christian Forestier est l'un de ces insubmersibles " de gauche mais apprécié à droite " (ou l'inverse) dont l'Education nationale a le secret. Bref, il a présidé aux destinées de ce système qu'il est chargé aujourd'hui même d'évaluer.

 

Les "évaluateurs" peuvent-ils juger objectivement
d'une institution dans laquelle ils jouent déjà un rôle ?

 

Voilà qui provoque quelques ricanements dans l'entourage du ministre délégué à l'Enseignement scolaire, Xavier Darcos. D'autant que, parmi les quatre experts auteurs du rapport, deux d'entre eux, André Hussenet et Georges Septours, des inspecteurs généraux, font également partie du sérail. Le débat ne risque pas d'être trop iconoclaste ou décoiffant. Dans ce contexte, on s'étonnerait presque que le document ose murmurer ce que tout le monde dit tout haut depuis quelques années déjà – à savoir que " l'école n'a pas réussi à corriger les inégalités mais les a, au contraire, amplifiées ". Nos experts poussent même l'audace jusqu'à affirmer, à propos du collège unique, que " l'extrême hétérogénéité des élèves conduit les professeurs à baisser leur niveau d'exigence " ! Un bon point, quand on sait que les sondages montrent, depuis quatre ans, que 75 % des enseignants considèrent le collège unique comme un échec... On sort enfin du déni de réalité. Mais va-t-on, pour autant, dans le bon sens ?

Poser un diagnostic, c'est apporter déjà, en partie, des réponses. Cela revient, à tout le moins, à en écarter d'emblée certaines. Dans le cadre de la réflexion sur la future loi d'orientation, l'enjeu est, au demeurant, stratégique. Une évidence pour les organisations syndicales qui tiennent à marquer leur scepticisme. " Il ne saurait s'agir d'un diagnostic partagé, déclare Gérard Aschieri, secrétaire général de la FSU (Fédération syndicale unitaire), dans la mesure où ce texte résulte d'un travail fait dans des conditions particulièrement acrobatiques, en un mois et demi, et par une demi-douzaine de personnes qui ont leurs a priori, leurs préjugés. " Le secrétaire général de l'Unsa-Education, Patrick Gonthier, s'interroge, pour sa part, sur la nature et le but des fuites qui ont permis au texte d'être diffusé avant même sa version définitive.

Le rapport du HCEE repose tout entier sur un présupposé : l'augmentation du nombre de diplômés signifierait obligatoirement une augmentation du niveau d'éducation. D'où cette affirmation à propos de la décennie 1985-1995, qui a vu un accroissement " spectaculaire " du taux d'accès au bac et que les auteurs qualifient généreusement de " Dix Glorieuses ". " C'est tout le système qui évolue dans la bonne direction, puisque, durant cette décennie, le pourcentage de jeunes quittant le système éducatif sans qualification s'est trouvé divisé par deux. "

 

Il y a beaucoup moins d'élèves en retard dans le primaire ?
Normal, on y a quasiment banni le redoublement.

 

Mais comment, dès lors, expliquer le " retournement" de 1996 et la stagnation du nombre de bacheliers à laquelle on assiste depuis maintenant sept ans ? Comment expliquer, par ailleurs, que les élèves de troisième, à qui on a fait passer en 2000 le brevet des collèges de 1988, aient eu, pour un tiers d'entre eux, au-dessous de la moyenne et, pour un autre tiers, zéro ? Que dire encore du faible taux de réussite dans l'enseignement supérieur : 45,5 % pour un Deug en deux ans et 66,7 % en trois ans ? Dans le même ordre d'idées, les experts considèrent la forte baisse du pourcentage d'élèves en retard en CP et en CM2 (passé respectivement de 22,3 à 7,1 % et de 52 à 19,5 % entre 1960 et 2000) comme un indicateur de réussite scolaire. Comme si ne s'exprimait pas dans ces chiffres, d'abord et avant tout, la conséquence des réformes successives, qui ont quasiment interdit le redoublement à l'école primaire...


Un château de cartes

Qu'on remette en cause ces bases, et c'est tout l'édifice du rapport qui s'effondre, en dépit de remarques justes (sur le coût de l'enseignement ou la force du déterminisme social, par exemple) et de statistiques aussi lumineuses qu'inutiles (comme le fait de savoir que 59 % des parents se déclarent " satisfaits " du lycée). Les auteurs déplorent, par exemple, que les sections STT (sciences techniques et technologiques) créées en 1992 pour succéder à l'ancien bac G ne permettent ni l'insertion professionnelle, ni l'adaptation facile dans l'enseignement supérieur, alors même qu'on oriente vers ces sections un nombre croissant d'élèves.

L'explication de cette faillite, un professeur enseignant dans ces sections la donne volontiers : " Le problème vient des coefficients accordés aux différentes matières au baccalauréat. Celui des matières générales (français, maths, histoire) a été réduit comme une peau de chagrin en STT, afin de permettre à des élèves très faibles d'avoir ce bac. Quant aux disciplines professionnelles, les consignes sont claires: indulgence totale. Les entreprises ne sont pas folles ; elles hésitent à recruter des jeunes dont elles savent qu'ils éprouvent de réelles difficultés avec la langue, malgré la formation professionnelle correcte. Dans le supérieur, c'est pire : ces élèves sont irrémédiablement coulés. "

Les rectorats exigent cependant des établissements qu'ils remplissent ces filières, au lieu d'orienter les élèves vers des BEP. Ce sont autant de jeunes qui se retrouvent floués, titulaires d'un diplôme qui ne vaut pas grand-chose.


"C'était mieux avant"

Un même non-dit imprègne l'ensemble du rapport du HCEE, quelles que soient les questions considérées. Les élèves ont des difficultés en sixième ? Il faut, expliquent nos experts, leur donner le temps de s'adapter au collège ; et, pour cela, remettre en service les bons vieux PEGC (professeurs d'enseignement général au collège), des instituteurs assurant plusieurs matières en sixième ou en cinquième.

Aujourd'hui disparu, ce système se justifiait sans doute au moment de la brusque démocratisation du collège, quand on manquait de professeurs du secondaire. Le rétablir ne servirait aujourd'hui qu'à prolonger un primaire inefficace, pour cause de méthodes d'apprentissage aberrantes. Même chose à l'autre bout de la chaîne : augmenter le nombre de bac + 2, tout en gardant le baccalauréat en l'état, reviendrait à prolonger le lycée de deux ans.

A l'heure où les écarts se creusent entre fils d'ouvriers et fils de cadres, où le système craque de toutes parts, le rapport du Haut Conseil de l'évaluation de l'école évite une fois de plus les questions de fond.

Le grand débat sur l'enseignement est décidément mal parti ...

 

 

 

ÉCOLE : LE RAPPORT QUI TAPE Á CÔTÉ DE LA PLAQUE

C'EST AINSI QU'ILS ECRIVENT VRAIMENT


Le niveau des collégiens n'a pas baissé", assurent en choeur les experts du Haut Conseil de l'évaluation de l'école. Certes, ils font deux fois et demi plus de fautes de grammaire et d'orthographe que leurs grands-parents, mais ils sont " meilleurs en rédaction ". Eternel poncif des admirateurs de l'école " ouverte sur le monde " ! Pour affirmer cela, les experts s'appuient, entre autres, sur les tests d'évaluation nationaux pratiqués à l'entrée en sixième en français et en mathématiques. Mis en place par Claude Thélot, qui dirige aujourd'hui la commission chargée de piloter le grand débat sur l'école, ces tests se veulent à la fois un outil pédagogique pour les professeurs et un point de repère pour le ministère. Les résultats sont rendus publics chaque année (sauf quand ils marquent une forte chute et que le ministère attend donc le cru suivant pour les publier...).

Marianne s'est procuré des copies d'une classe de sixième, afin de comprendre comment fonctionnent ces tests. Résultat édifiant. Les tests de français sont pratiqués sur une semaine entière, et composés de divers exercices, dont le dernier est une rédaction. Il s'agissait cette année, pour les élèves, de raconter la découverte d'un trésor par un petit garçon et son chien, et l'inquiétude des parents pendant leur absence. Les copies retranscrites viennent d'un collège de ZEP, près de Lille. Elles ne sont pas les plus mauvaises de la classe...

Bien sûr, on nous dira qu'il s'agit là d'une classe de ZEP, que tous les enfants n'écrivent pas ainsi, que ce n'est pas représentatif. Un point reste cependant clair : l'évaluation ponctuelle de "compétences " isolées les unes des autres ne peut pas rendre compte de l'absence complète de cohérence, du naufrage de la syntaxe et du massacre de l'orthographe. Et que dire des élèves qui répondent à côté sur tel ou tel exercice, tout simplement parce qu'ils n'ont pas réussi à lire l'énoncé ? Pour Estelle Courrère, qui enseigne les lettres dans les Hauts-de-Seine, ces copies ne sont, hélas ! pas des cas limites : "Je n'interviens pas en ZEP, mais dans un collège qui recrute dans les classes moyennes. Je rencontre des copies du même genre. Confusions entre les homonymes, orthographe phonétique, incapacité à distinguer les niveaux de langue... "

Désespérant ? Sans doute, mais pas étonnant si l'on considère ce qu'est devenue l'école primaire en vingt ans. " L'autre jour, explique une enseignante en collège, je discutais avec une jeune institutrice de CP. Elle me raconte ce qu'elle fait faire aux élèves, cette année: les crêpes, les feuilles mortes et, aussi, Cézanne... Je lui ai demandé quand est-ce qu'elle comptait leur apprendre à lire..." Dira-t-on encore que le " maillon faible " est le collège, et que l'école primaire, elle, remplit son rôle ?


Copie 1 (intégralité du texte)

Bob en le suivant sait perdue. Il trébuchas sur une espespese de grosse pier lourde. En nalent en nariere il retenbas une fois de plus. Mors en se de ment de quoit peut-il sagire. Il dessidat de crese. En cresent il tapa sur une botte en baie, Il la sorta du trous, la pousa et louera. Setait si brient qil ne voyé pas les couleurs. Il plonga la main dedent et retira des bijoux en or des colle, des boucle d oreile et meure des dament il dessida de lait riens la poubelle pour prendre des plastique. Il en prena 3 et met tout le tresore dans le plastique, Coudin, il entendie un haboiment tout prés. ll cria " banbou, banbou " et bonboux revena à lui. Il étais cachais dans les boisons, Grasse au bijoux les parent de bob le retrouva avec leur brience s'est normal et le tresor est mantenent au muse mais bob a gardes cellque bijoux.


Copie 2 (intégralité du texte)

Bob lorqu'ils vit un chien sur le sentier. Il disait
- maman on peut prendre le chien ?
- oui mais va senes n'accupait
- Ben, moi!
-Tu est sur ?
- Oui!
alors d'accord !
Chouet comme ça on aurer un animal a la maison quelque heure plus il son arivait a la maison.
Le chien fesait pipi tous partout. Je m'eus n'occupait mais il fait quand même.
J'ai construit une niche. pour le chien avec des provisions pour chien. Des bois j'avais pas de devoir je jouer au jardin avec lui. Et il vivait toute sa vie dans la niche. Des fois quand ils avait plus de provisions. Il crier: wouhwouh et je lui en donner et. il, me. Lecher la tête. Et des fois, je le fait rentrer et il regarder la télé avec moi et en mangent des pop orn avec moi.


Copie 3 (début du texte)

Sur un petit sentier de terre et la se trouve une tour il se demande quoi. Puis 5 minutes plus tard il monta et 3 monta et il monta elle était grande mais grande, il aperçevat des personnes une dizaine. Il monta eux aussi dans la grande tour. Mais il arriva un malheur car dans la tour on ne pouvait que montait par 3. Parce qu'elle n'était pas solide et en plus il était à 13. Alors la tour s'écrasa. une heure plus tard il y avais 2 survivants, et c'était Bob et Bambou les 10 autres était mort.
Alors Bob et Bambou alla voir ce qu'il avait dehors il y avait un volcan puis il monta et lil trouva des mühers et des millions et des mlliers de pièces enor qui brillait de mille feux et c'était le trésor. Puis il
reprena la route, etc.


Copie 4 (intégralité du texte)
" bambou revien " mais le chien courait toujours. Alors bob le suiva." ouaf ouaf " des quie bob le ratrapa le chien était entrin de creusé. "mais que fait-tu, " soudin un terrible voleur apparu :
" ah mais qui est tu ? "
- celui qui te cinapé !
mais juste a temp des policier apparer du sentier :
" Et vous les main en lère ! "
- Ouf
- Qui a t-il ? il a trouver le trésor valer! un peu plus tard les
parents de bob arivèrent
- " bonjours monsieur votre fil a trouver un tresor voler par le bandi
qu'on a attraper
- ca ne métonne pas de lui.