La réforme Allègre-Lang au lycée : un état des lieux.
- Horaires en peau de chagrin.
L'introduction d'heures d'activités diverses, dont l'efficacité pédagogique est douteuse (voir infra) (Aide Individualisée, heure de "vie de classe", Travaux Personnels Encadrés) ou de pseudos-disciplines (ECJS, voir infra) se solde systématiquement par la diminution des heures de cours dévolues aux disciplines.
Voici un tableau qui récapitule la perte horaire globale, pour un élève entré en seconde en 2000, sur l'ensemble de son cursus de lycéen (seconde, première terminale), par rapport à ses aînés d'avant la réforme Allègre-Lang.
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Filière L |
Filière ES |
Filière S |
Français |
- 63 h. |
- 27 h. |
- 27 h. |
Mathématiques |
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-45 h. |
- 81 h. |
Philosophie |
-36 h. |
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- 36 h. |
Histoire -géographie |
- 9 h. |
- 27 h. |
-45 h. |
Langue vivante 1 |
- 153 h. |
- 81 h. |
-99 h. |
Langue Vivante 2 |
-72 h. |
- 90 h. |
- 54 h. |
Langue Vivante 3 |
- 18 h. |
- 18 h. |
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Nouvelles activités sans contenu sérieux.
- Education Civique Juridique et Sociale (ECJS)
: discipline qui ne relève d'aucun concours de recrutement et qui peut être assumée par n'importe quel professeur, elle consiste essentiellement en l'organisation dans la classe de débats sur des thèmes d'actualité. Au mieux, un cours de morale, au pire, le café du commerce !
- Aide individualisée
: elle ne bénéficie qu'à huit élèves maximum par classe, à raison d'une heure par semaine en français ou en mathématiques, ces élèves ne devant pas être les mêmes tout au long de l'année. De ce fait, pour ces élèves, les lacunes énormes accumulées depuis l'école primaire (on observe des problèmes importants d'illettrisme jusqu'en Terminale !) ne sauraient être réduites efficacement ; le reste de la classe perd une trentaine d'heures de cours sur l'année.
- Travaux Personnels Encadrés :
introduits en Première par Allègre et généralisés en Terminale par Lang, ce sont deux heures par semaine d'enseignement du vide : les professeurs ne peuvent pas "encadrer" sérieusement les recherches documentaires de groupes de 35 élèves ; les élèves, souffrant de lacunes énormes dans les disciplines, ne peuvent pas produire un travail véritablement consistant et l'interdisciplinarité reste factice.
- Contenus des programmes.
Les disciplines sont dévoyées ou vidées de contenu. Quelques exemples frappants…
- Histoire –géographie : en histoire, la continuité chronologique est abandonnée, on procède par "flashes" (en Seconde on étudie la citoyenneté à Athènes, puis la Méditerranée au XIIe, puis la Renaissance etc.) Les épreuves de baccalauréat présentent de faibles exigences, en particulier les exercices "sur documents", qui n'exigent plus aucune connaissance issue du cours, ni aucune capacité de réflexion, mais une simple collecte des "informations" qui se trouvent dans lesdits documents (exemple : au baccalauréat en 2000, il suffisait de savoir lire la légende d'une carte pour avoir la moyenne).
- Français : les nouvelles épreuves du baccalauréat comportent un exercice d'"invention", dont les exigences sont floues, et qui est un avatar de l'épreuve du Brevet des collèges. Les programmes ont supprimé les œuvres littéraires obligatoires, au profit d'objets d'étude très vastes et souvent scientifiquement peu définis ("le biographique"), qui condamnent au zapping. Les programmes sont très prétentieux et jargonnants.
- Philosophie : l'accent est mis sur l'argumentation (confrontation d'opinions) au détriment de la réflexion ; par le couplage obligatoire de notions et les questions d'actualité, il est orienté idéologiquement. Ce programme, rejeté par 80 % des enseignants, est imposé avec des aménagements provisoires – et sera donc appliqué intégralement tôt ou tard.
- Mathématiques : les capacités attendues d'un élève de seconde sont la reconnaissance des quatre opérations de base ; on n'exige plus de démonstrations ; l'usage des ordinateurs et des calculatrices fait office de preuve magique (citons les programmes : les élèves doivent considérer une fonction comme "un dispositif capable de produire capable de produire une valeur numérique quand on introduit un nombre, c'est-à-dire comme une boîte noire"). La discipline n'est plus réflexive, elle devient utilitaire (les programmes sont occupés à 20 % par la réalisation de statistiques) ; en filière littéraire, les mathématiques deviennent les "mathématiques -informatique", simple initiation à la manipulation de logiciels de calculs…
- Méthodes pédagogiques imposées.
- Le travail par "projets", l'interdisciplinarité, la pédagogie par "séquences" sont imposés dans la plupart des matières comme pour imprimer artificiellement à l'enseignement une cohérence qu' on soupçonne les enseignants d'être incapables de produire eux-mêmes. Ce type de travail, au vu des réductions d'horaires, aboutit paradoxalement au zapping permanent. Aucun approfondissement n'est possible.
- Les méthodes "constructivistes", qui misent sur l'apprentissage autonome de l'élève, sont préconisées partout et systématiquement, sans aucun réalisme : ce sont justement dans les lieux les plus violents et les plus difficiles que ces méthodes s'avèrent désastreuses. Partout, elles jettent la suspicion sur la transmission des connaissances (au profit de la communication d'informations, voire d'opinions) , elles détruisent le rapport de confiance entre la maître et les élèves, et elles livrent les élèves les plus démunis et les plus faibles à leur ignorance et à leurs incompétences.
Fanny Capel, professeur de lettres.