Professeur de lettres en collège et lycée depuis sept ans , j'observe une institution scolaire devenue folle. 20 % des élèves de 6e ne maîtrisent pas la lecture, 38 %, les bases du calcul ; 55 % des bacheliers inscrits à l'université échouent avant d'obtenir le Deug. Doit-on se résigner à une baisse de niveau généralisée qui n'est pas, quoi qu'on en dise, compensée par de fallacieuses compétences nouvelles - comment en effet "apprendre à apprendre", ou maîtriser les technologies de l'information si on est illettré ? Ce désastre est orchestré depuis trente ans par l'institution elle-même, par souci de contrôle des coûts et par aveuglement pédagogique. Les élèves de CP passent deux fois moins de temps à l'apprentissage de leur propre langue que ceux des années 1930 (14 heures hebdomadaires contre 7,7 en moyenne aujourd'hui). La méthode semi-globale d'apprentissage de la lecture est désastreuse et conduit des milliers d'enfants chez les orthophonistes. Les redoublements sont systématiquement évités, et l'on tire les élèves au forceps jusqu'au baccalauréat. Les horaires des disciplines se réduisent au profit d'activités plus proches de l'animation que de l'enseignement. Ne nous enfermons pas dans la déploration : il faut aujourd'hui inventer une école qui n'a jamais existé, qui se donne véritablement l'ambition et les moyens d'élever l'ensemble d'une classe d'âge aux connaissances qui étaient autrefois l'apanage de l'élite. Cessons de trahir les enfants des pauvres : aujourd'hui, seules certaines familles peuvent combler à leurs frais, à grands renforts de cours particuliers, les carences de l'école. Jamais la proportion d'étudiants d'origine modeste n'a été aussi faible dans les grandes écoles.

(1) Éditions Ramsay, 19 euros. www.sauv net