Appel à une action contre les Nouvelles Orientations sur le Collège et en particulier contre les Itinéraires De Découvertes

 

Collège Jean Moulin – Aubervilliers – 93 – 26 mars 2002

 

Entrés dans la lutte contre les N.O.C. le 15 février par une lettre de protestation adressée à l’IA, au recteur de l’académie de Créteil et au ministre, les enseignants du collège Jean Moulin à Aubervilliers, n’ayant reçu aucune réponse à leurs interrogations sur la réforme et à leurs revendications concernant une DHG massivement amputée (moins 60 heures à la première lecture), se sont mis en grève le 8 mars, comme ils l’avaient annoncé dans leur lettre, et ont envoyé une délégation à l’IA de Bobigny. Une audience par l’inspecteur d’académie adjoint, M. Pétreault, leur a été proposée pour le mardi 12 mars. En grève le 12 mars, le collège a vu sa délégation reçue, mais ses revendications non satisfaites (3 heures accordées pour un dispositif NF).

La réforme initiée par le ministre Lang (Sources : - " Les nouvelles orientations sur le collège, document d’accompagnement pour la préparation des itinéraires de découverte " (IDD), décembre 2001 - lettre flash du 23 janvier - Arrêtés du 14.01.2002, " Organisation des enseignements " du cycle central de collège et des classes de 6è, B.O. du 21.02.2002), sans concertation véritable avec les enseignants alors même qu’ils sont les mieux placés, en tant que praticiens, pour définir les changements nécessaires et, en tant qu’intellectuels, les plus capables de les penser, comporte des dispositions dangereuses, voire scandaleuses.

 

Les enseignants du collège Jean Moulin s’opposent fermement

1. à la nouvelle organisation des enseignements du cycle central du collège, qui diminue considérablement les horaires de français, de mathématiques et d’histoire-géographie (2 h. au total par semaine).

2. à l’application de cette nouvelle grille qui fait litière de l’enseignement en groupes restreints dans les sciences expérimentales et en technologie, pourtant indispensables et reconnus, et qui entraîne la suppression des actions pédagogiques de " détour " (Parcours Pédagogiques Diversifiés) et des dispositifs de soutien et de remise à niveau, sans qu’il soit proposé de solution alternative crédible pour les élèves en difficulté, dont les ignorances doivent être comblées " dans le cadre des enseignements communs " (sic !), ou " dans des regroupements " ponctuels par défaut de compétence (ce qui est à peu près irréalisable), ou dans des " dispositifs spécifiques " élaborés par des enseignants (sans qu’on prévoie le temps et les moyens qu’ils le fassent).

3. à la contractualisation des moyens horaires, qui fait dépendre de projets individuels (émanant d’enseignants ou de principaux " performants ") un nombre croissant d’enseignements, engendrant ainsi une concurrence entre les professeurs et les établissements qui doivent " se battre pour leur projets ", ce qui ne peut qu’être nuisible à la réussite des élèves puisque ce qui sera arraché par le " dynamisme " des uns privera les autres, sous le prétexte fallacieux et insultant d’un défaut d’investissement. De fait, il n’y a pas assez d’heures pour les projets que tous les " battants " pourraient faire.

Ils dénoncent par ailleurs comme irréaliste, démagogique et de facto destructrice la mise en place contestable et forcée, d’une transdisciplinarité au rabais, supposément capable de régler toutes les difficultés des élèves (leur motivation accrue par les liens entre les savoirs comblerait leurs lacunes !).

 

Les enseignants du collège Jean Moulin s’opposent donc à la création des IDD au cycle central, et des " enseignements choisis " en troisième. En effet :

I. Les IDD entraînent la diminution substantielle des heures d’enseignement communs et ne peuvent pas compenser les pertes occasionnées : un élève perd chaque semaine 2 heures réparties en français , mathématiques et histoire-géographie, soit 68 heures dans l’année (34 semaines environ).

II. La perte horaire se redouble d’une perte de contenus et d’efficacité : certes, les IDD sont censés remplacer avantageusement les heures de cours communs, mais un enseignement qui met en présence des élèves qui ne se connaissent pas avec des professeurs qui ne les connaissent pas sera peu fécond et peu approfondi. Les IDD, pauvres en contenu, cachent une régression dans la transmission des savoirs.

III. les IDD sont à l’évidence extrêmement difficiles à appliquer dans un collège standard : avec, par exemple, 25 divisions soit 6 en moyenne par niveau, les IDD supposent que 150 élèves suivent en même temps leur IDD puisque celui-ci doit être choisi par l’élève, que les heures d’IDD doivent par conséquent être alignées et que les classes d’IDD ne peuvent pas recouper les classes constituées. En outre, les documentalistes, partenaires déterminants dans l’autonomisation des élèves, ne peuvent dans l’état actuel de leurs moyens ( locaux, matériels, documentaires, personnels) accompagner efficacement l’application des IDD. Les IDD dès lors paraissent impossibles, même avec l’aide des Bibliothèques Municipales, archives, musées et autres lieux culturels du secteur.

IV. Les IDD étant obligatoires pour les élèves ne peuvent qu’être imposés aux enseignants. Alors qu’on peut considérer qu’un projet pédagogique doit reposer sur le volontariat, il est peu probable que beaucoup d’enseignants se portent volontaires pour réaliser des IDD. En effet, ils auront plus de classes, le nombre d’heures diminuant dans certaines disciplines. De plus, un projet pédagogique sérieux requiert un nombre considérable d’heures de recherches et d’élaboration didactique. Les IDD seront peut-être confiés aux enseignants nouvellement arrivés dans un établissement, qui découvriront dans leur service un IDD contre lequel ils n’oseront pas protester et qu’ils devront élaborer en toute improvisation avec un enseignant qu’ils ne connaîtront pas. Sans volontariat, les IDD risquent de n’être que des bagatelles, et leur inefficacité – programmée ? - conduira à leur suppression , et, pour le ministère, à un gain net en heures ainsi économisées.

V. Votés comme autant d’heures virtuelles, alors même qu’ils n’ont ni contenu ni personnels proposés, contrairement aux projets pédagogiques recevant une dotation spécifique après le vote en C.A. de la DHG, les IDD laisseront toute latitude au chef d’établissement pour faire ce qu’il veut de ces " coquilles vides ", et participeront ainsi au renforcement de l’autonomie des établissements, ce qui contribue à la déconstruction (et à la dénationalisation, voire, à terme, à la privatisation ? ) d‘ une éducation nationale.

Imposés, destructeurs d’heures d’enseignement, matériellement inapplicables et pédagogiquement inefficaces, les IDD ne sont pour nous qu’un gadget démagogique qui dévalorise sciemment les pratiques pédagogiques actuelles des enseignants et qui sert à dissimuler une vaste politique d’économie à l’échelle nationale, politique qui repose sur le postulat ignoble et infamant que les professeurs comme les élèves ont trop de temps aujourd’hui pour faire ce qu’ils font et que tous doivent " faire mieux autrement ", ce qui signifie au fond " faire plus avec moins ", proposition dont l’absurdité (ou l’appartenance à une idéologie ultra-libérale) n’est pas à démontrer.

Les enseignants du collège Jean Moulin considèrent que la réforme Lang, dans son ensemble s’effectue au mépris des élèves en difficulté et constitue une régression inqualifiable des conditions de travail des élèves et des enseignants.

 

Ils appellent donc à la mobilisation pour que

1. la réforme Lang (IDD, enseignements choisis en 3è, nouvelles grilles horaires) soit abrogée,

2. l’enseignement ne se fasse pas au rabais (on ne fera jamais mieux avec moins d’heures et plus d’élèves),

3. tous les élèves bénéficient d’un ensemble commun d’enseignements définis par des programmes nationaux,

3. les difficultés des élèves soient effectivement prises en compte par des dispositifs ne dépendant pas de l’individualité des enseignants, mais des besoins réels des élèves (A Jean Moulin, établissement dans lequel un tiers des élèves est étranger, deux tiers sont issus de classes sociales défavorisées, un cinquième voit sa famille au chômage, et près de la moitié, selon les évaluations en 6è, n’est pas au niveau à l’entrée au collège, nous réclamons un abondement de 130 heures à la DHG actuelle),

4. le nouveau mode de gestion de l’Education nationale, la contractualisation, soit abolie.

5. une transdisciplinarité raisonnée et efficiente soit mise en place sur la base du volontariat des enseignants et intégrée dans leurs services.

 

Les enseignants du collège Jean Moulin invitent tous les personnels à

une assemblée générale D’ ETABLISSEMENTS

le 28 mars à 17h30 à la Bourse du Travail de Bobigny,

Considérant que seule la grève imposera au ministère la satisfaction de leurs revendications, ils décident de se mettre en grève reconductible à compter du jeudi 28 mars.

L’assemblée générale du 26 mars : syndiqués (SNES, SUD, FO, CGT) et non syndiqués