Instructions Officielles de 1945 : "Lecture, Ecriture, Langue Française à l'Ecole Primaire"


Extraits (les IO de 1945 reprennent des passages des IO de 1923 ou 1938) :

      "Les programmes de 1923 ont estimé que les élèves, après les trois premières années de scolarité, c'est-à-dire dès le début de la première année du cours moyen, doivent posséder complètement le mécanisme de la lecture. Ces vues exprimaient plutôt un idéal que la réalité. Des constatations faites dans de nombreuses écoles, il résulte que la “lecture courante” n'est pas encore complètement acquise à dix ans par la moyenne des élèves. Tant que les enfants en seront encore à la lecture hésitante, obligés de consacrer un certain effort d'attention au déchiffrage des mots et des syllabes, la lecture ne pourra pas être utilisée efficacement pour l'étude de la langue. Les maîtres estiment avec raison que les heures de lecture devraient être consacrées à lire et non à expliquer des mots ou des tournures." (IO de 1938) Page 3.

      "Souvent quelques remarques de grammaire ou de vocabulaire peuvent paraître indispensables; il vaut mieux qu'elles viennent après la lecture. D'ailleurs, s'il reste des mots dont le sens ne soit compris qu'en gros, on en prendra son parti : l'ignorance d'un ou plusieurs mots peut ne pas nuire à l'intérêt de l'ensemble, et il suffit de prévenir, par quelques très brèves indications, les contresens possibles. Certes, il n'y aura que des avantages à ce que l'un des trois ou quatre textes de prose lus chaque semaine, ou un paragraphe de l'un de ces textes, soit choisi pour servir ensuite à une leçon de vocabulaire ou de grammaire; mais jamais un exercice de vocabulaire ou un exercice de grammaire ne doit se greffer intempestivement sur la lecture ." Page 4.

      "A l'école primaire, jusqu'au certificat d'études, la tâche est d'enseigner la pratique exacte et sûre de la langue. Cette connaissance une fois acquise, l'étude de la langue française devient un enseignement de culture." (Page 8, IO de 1938)

      "Il est évident que, dans l'enseignement du premier degré, les fins sont toutes pratiques. Il S'agit moins d'acquérir des connaissances théoriques que de prendre des habitudes correctes. Toute notion que l'on enseigne doit engendrer chez l'enfant une aptitude pratique a exprimer sa propre pensée et à comprendre celle d'autrui.
      C'est dire que, dans l'enseignement du premier degré il y a une part inévitable de mécanisme qu'il faut avoir le courage de reconnaître, et à laquelle il faut, non pas se résigner, mais consacrer volontairement du temps, des efforts et de l'intelligence. Ce n'est pas que le maître doive s'interdire de donner à l'occasion quelques explications sur un fait de langue. Mais c'est à la condition de ne pas faire intervenir trop tôt la réflexion et l'érudition. Elles peuvent gêner l'application des habitudes et des réflexes.
      Il ne faut pas méconnaître non plus que la seule pratique correcte de la langue constitue déjà par elle-même une culture. Mais il y a plus. Si le maître, à l'école élémentaire, n'a immédiatement que des fins pratiques, l'ordre et l'esprit dans lesquels il enseigne peuvent être inspirés du souci de former et de fortifier l'intelligence.
      Par exemple, c'est par des signes extérieurs, les seuls que les enfants puissent reconnaître sûrement, que le maître, par nécessité pédagogique, définira les notions grammaticales; mais il peut choisir ces signes extérieurs et monter dans l'esprit des élèves les mécanismes corrects, de telle façon que la réflexion scientifique, quand elle pourra s'exercer, n'ait qu'à suivre l'ordre même du mécanisme pour, en quelque sorte, se retrouver elle-même. L'élève ignore pourquoi son maître a suivi telle ou telle méthode. Mais le maître qui, lui, a de la langue une connaissance réfléchie, dirige pourtant l'esprit des élèves par des voles préméditées, vers un but certain. Il recourt à certains « procédés mécaniques » : l'apparence seule en est mécanique; ils sont organisés selon un plan intelligent, et préparent d'avance la matière où, le moment venu, se déploiera la réflexion." (Page 9, IO de 1938)

      "Sans insister davantage ici sur la nécessité de cet appel à la mémoire, nous dirons simplement qu'en grammaire comme en mathématiques, comme en sciences, il faut, qu'au cours de la scolarité primaire, l'élève apprenne, oublie, et réapprenne, sous la même forme, et avec l'appui du même exemple, les règles et définitions essentielles, aussi bien que les conjugaisons des verbes et, d'une façon générale, toutes les notions indispensables à l'analyse." (Page 27)

       "Ces notions claires qu'exige l'enseignement élémentaire doivent être traduites pour les enfants en formules courtes, aux mots précis, que la mémoire puisse facilement assimiler. L e vocabulaire des enfants est pauvre, ils sont incapables de trouver eux-mêmes les termes pour exprimer avec précision une idée nouvelle; il faut donc les leur fournir en même temps que l'idée. Il n'y a pas là « psittacisme » : l'idée et le mot, pour eux, ne font qu'un. Si les règles sont lues à haute voix, très distinctement, copiées au besoin, on fixe, par la netteté et la solidité des formules, les notions que l'observation, abandonnée à elle-même, laisserait dans le flou et le fuyant de la pensée. L'idée donnera au mot son sens, et le mot donnera à l'idée la précision de ses contours.
      Il y a plus. La règle est accompagnée d'un exemple, qui doit en rester inséparable: les élèves ne savent pas le choisir eux-mêmes, il faut le leur fournir et exiger qu'ils le retiennent. Cette solidarité mécanique de l'exemple et de la règle est d'une utilité pratique évidente, et présente en même temps un grand intérêt éducatif. Elle prépare la culture grammaticale. L'exemple énonce un fait particulier; associé à la règle, s'identifiant avec elle, il en rappelle sans cesse le caractère inductif, et en quelque sorte la relativité.
      Il sera bon que les enfants cherchent eux-mêmes d'autres exemples afin de montrer qu'ils ont compris le sens et la portée de la règle formulée." (Page 29 )

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