"Lutter contre l'illettrisme"

Voir La lutte contre l’illettrisme (conseil des ministres le mercredi 19 juin 2002).


C'est comme un problème de santé publique. C'est aussi sérieux et aussi précis  : une proportion discutée mais importante d'élèves atteints d'illettrisme entre en sixième sans savoir lire.

Quand on s'est rendu compte qu'une proportion discutée mais importante d'hémophiles était atteinte d'une grave maladie, on les a soignés … désespérément. Si les pouvoirs publics s'étaient contentés de cette inutile misère, ils auraient été bien coupables.

Lutter contre l'illettrisme est peut-être une de ces inutiles misères. Nous avons d'abord le devoir d'arrêter la contamination à la source. Luttez contre l'illettrisme, continuez par humanité à tenter de soigner l'illettrisme, mais je vous en prie, monsieur le ministre, faites cesser la contamination de masse. Apprenons donc à lire à tous nos élèves avec une méthode qui marche.

Mais ici, il vous faudra sans doute de la précision, de la clairvoyance et de la détermination. Il faudra plus que quelques discours flous qui se contentent de décrire avec d'autres mots une réalité qui ne bouge pas, comme font les marchands de corn-flakes lorsqu'ils changent leurs emballages, ou comme le faisaient si bien quelques uns de vos prédécesseurs.

Soyons précis. "Deux heures de lecture et d'écriture par jour", si elles ne sont que deux heures "transversales" réparties "dans toutes les disciplines", alors elles sont bien peu et n'apportent rien de nouveau. Si, par contre, c'est une décision volontariste de promotion de la littérature enfantine et de la lecture systématique, contrôlée et corrigée, y compris à voix haute, alors c'est une proposition qui combat l'illettrisme.

"Un livret pour le CP" qui répertorie une "typologie des difficultés rencontrées" dans l'apprentissage de la lecture, "ainsi que les activités permettant d'y remédier" pourrait bien être un remède utile … mais si, comme on le voit faire depuis 20 ans, on rajoute des exercices de lecture globale pour mieux combattre les méfaits de la lecture globale, on ne fera que continuer à aggraver les choses, comme on le fait depuis 20 ans.

Quant au rêve éveillé des solutions miracles que les ordinateurs apporteraient aux lecteurs sinistrés, il vaut mieux en effet tenter de mesurer, avant d'aller plus loin, "les bénéfices [de leur usage] pour les élèves".

Il faut aussi de la clairvoyance. Il est temps de regarder soigneusement et rigoureusement d'où nous vient cette épidémie moderne d'illettrisme. La dénonciation de la lecture globale dans les nouveaux programmes est en effet une bonne analyse. Poursuivons la précisément. La responsable de l'illettrisme en France n'est pas seulement LA méthode globale, qui n'a quasiment jamais servi, mais LES méthodes globales qui servent elles depuis 30 ans sous les noms de méthode mixte, naturelle, à hypothèses ou phonétique.

Et c'est ici qu'il faut de la détermination pour endiguer ce fléau de l'illettrisme comme on éradiquerait un problème de santé publique identifié. Parce qu'il va falloir du courage pour faire la promotion des méthodes syllabiques, malgré les pressions de tous les groupes et associations rassemblés autour du dogme global qu'il faudra pourtant désavouer.

Il y a quand même quelque chose qui ne va pas. On en est à demander aux colonies de vacances d'apprendre à lire aux enfants. Cruel constat pour l'école... mais si les centres de vacances font du naturel, ou du phonétique, la question demeurera. Ce n'est pas la saison qui rendra la lecture plus facile, mais la méthode utilisée.

Il ne suffira pas de "lutter contre l'illettrisme", il faudrait plutôt apprendre à lire à tous nos élèves.

Et pour ça, faire la promotion des méthodes qui marchent, les méthodes syllabiques, en faisant fi des cris d'orfraie des dogmatiques qui tiennent la lecture dans l'éducation nationale depuis 30 ans et qui, finalement, sont les vrais responsables de cette catastrophe culturelle.

Marc Le Bris
Instituteur, SLL

06/2002