2.3 Deux manières d'identifier les mots
Pour identifier un mot, le lecteur doit relier une information visuelle (le mot écrit) à un savoir déjà acquis du fait de l'apprentissage de la parole : l'image acoustique de ce mot (la représentation des phonèmes qui le constituent) et sa (ou ses) signification(s). Deux manières de parvenir à ce résultat sont disponibles : la voie directe et la voie indirecte. L'apprenti lecteur doit apprendre à se servir efficacement de l'une et de l'autre. Elles se consolident mutuellement par leur utilisation fréquente et sont renforcées par toutes les activités d'écriture.
Identification des mots par la voie directe (lecture courante)
Ce type d'identification est possible si le lecteur dispose déjà, dans sa mémoire, d'une image orthographique du mot. Dans ce cas, le mot est quasi instantanément reconnu, à la fois visuellement, auditivement et sémantiquement. On sait aujourd'hui que le lecteur ne s'appuie pas sur la silhouette du mot pour l'identifier, mais sur la perception très rapide des lettres qui le composent.
Identification des mots par la voie indirecte (déchiffrage)
On peut aussi retrouver un mot dont on n'a pas mémorisé l'image orthographique en recourant à la voie indirecte, c'est-à-dire à son déchiffrage. Dans ce cas, les lettres sont assemblées pour constituer des syllabes prononçables, le mot est prononcé et comparé aux mots proches dont on a déjà l'image auditive dans la mémoire. Les écarts importants qui existent en français entre syllabe écrite et syllabe orale rendent souvent cette identification délicate.
2.4 Apprendre à identifier les mots par la voie indirecte (déchiffrer)
Pour pouvoir identifier les mots par la voie indirecte, les élèves de l'école élémentaire, qui ont commencé à comprendre la manière dont fonctionne le code alphabétique, doivent aussi mémoriser les relations entre graphèmes et phonèmes et apprendre à les utiliser.
La plupart des méthodes proposent deux types d'abord complémentaires ; analyse de mots entiers en unités plus petites référées à des connaissances déjà acquises ; synthèse, à partir de leurs constituants, de syllabes ou de mots réels ou inventés. Les deux types d'activités sont travaillés en relation avec de nombreuses situations d'écriture permettant de renforcer la mise en mémoire de ces relations.
Analyse du matériel graphique et synthèse des unités identifiées
Dans le premier cas, chaque mot présenté est analysé par analogie avec les mots repères (dans "manteau", je vois le "man" de "maman", le "t" de "table", le "eau" de "beau"). Chaque unité graphique repérée, quelle que soit sa taille, peut être écrite ou épelée et a une valeur phonétique non ambiguë (je prononce [mã], [tø] ou [o]).
Dans un deuxième temps, le matériel sonore ainsi retrouvé doit être rassemblé, syllabe après syllabe, pour constituer un mot renvoyant à une image acoustique disponible dans la mémoire de l'élève. La principale difficulté réside dans l'assemblage de la syllabe à partir des phonèmes qui la constituent : le passage de [tø] et [o] à [to] est difficile à découvrir sans guidage et nécessite le plus souvent que l'équivalence soit apprise.
D'où la nécessité d'exercer les élèves à la démarche de synthèse par la mémorisation des principaux assemblages syllabiques entre voyelles et consonnes dans les différentes combinaisons possibles. C'est par l'écriture, plus encore que par la lecture, que ces régularités sont mises en mémoire : production de syllabes à partir d'une consonne ou d'une voyelle, écriture de syllabes sous dictée, découpage d'un mot écrit régulier en syllabes...
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Programmation des activités
Ces apprentissages sont au cœur de la plupart des méthodes d'enseignement de la lecture. La qualité des programmations proposées doit guider le choix des enseignants. Certains laissent se constituer ces connaissances au hasard des rencontres et des réactions des élèves (c'est le cas de la méthode "naturelle" proposée par Célestin Freinet), d'autres (en particulier les livrets proposés par les éditeurs) les organisent selon une progression qui combine complexité croissante des activités mises en jeu tant dans l'analyse que dans la synthèse et complexité croissante des relations entre graphèmes et phonèmes. Dans les deux cas, il importe d'aider les élèves à mémoriser ces informations, donc à leur permettre de les structurer de manière rigoureuse et de les réviser fréquemment.
Certaines méthodes proposent de faire l'économie de l'apprentissage de la reconnaissance indirecte des mots (méthodes globales, méthodes idéo-visuelles...) de manière à éviter que certains élèves ne s'enferment dans cette phase de déchiffrage réputée peu efficace pour le traitement de la signification des textes. On considère souvent aujourd'hui que ce choix comporte plus d'inconvénients que d'avantages : il ne permet pas d'arriver rapidement à une reconnaissance orthographique directe des mots, trop longtemps appréhendés par leur signification dans le contexte qui est le leur plutôt que lus. On peut toutefois considérer que la plupart de ces méthodes, par le très large usage qu'elles font des activités d'écriture, parviennent aussi à enseigner, de manière moins explicite, les relations entre graphèmes et phonèmes. Il appartient aux enseignants de choisir la voie qui conduit le plus efficacement tous les élèves à toutes les compétences fixées par les programmes (les compétences de déchiffrage de mots inconnus en font partie).
2.5 Apprendre à identifier des mots par la voie directe
À la fin du cycle des apprentissages fondamentaux, les élèves doivent utiliser de manière privilégiée la voie directe. Elle leur permet une identification quasi instantanée des mots et facilite donc la compréhension en soulageant la mémoire d'une part, en permettant une prise d'information plus sûre et plus complète de l'autre. (…)
B.0. 2002 - Cycle des apprentissages fondamentaux (cycle 2)
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