G
roupe de Réflexion Interdisciplinaire sur les ProgrammesNote technique du GRIP à l’attention de la représentation nationale
Eléments sur l'état de l'enseignement en France
15 Août 2003
À l'origine du GRIP (Groupe de Réflexion Interdisciplinaire sur les Programmes), des enseignants dont le niveau d'exercice va de la maternelle à l'université et qui ont tenté, depuis longtemps, de diverses manières (rapports, pétitions, livres cf. en annexes la liste des membres du GRIP), d'attirer l'attention des responsables de la politique éducative sur la dégradation générale et ancienne de notre système scolaire.
Leurs tentatives, quel que soit l’écho qu’elles ont eu dans l’opinion française et étrangère et dans la profession elle-même, et quand bien même personne ne contestait leur sérieux, sont restées lettre morte : officiellement, le " niveau " a continué à " monter " et les résultats au baccalauréat à s’améliorer.
C'est en partant de ce constat d’échec qu’ils ont créé le GRIP et décidé d’alarmer la représentation nationale. L’existence même de ces " blocages " institutionnels doit en effet interpeller les élus de la nation.
Incapacité de l'enseignement secondaire à donner une culture générale, défaut massif de transmission des connaissances élémentaires, touchant même l’université, dépassant donc en extension le développement préoccupant de l’illettrisme et de la dyscalculie, mais aussi reproduction sociale accrue et affaiblissement de la fonction intégratrice de l’école, mais encore panne de recrutement des techniciens, des scientifiques et des professeurs de qualité dont le pays a besoin, avec à terme, faute de compétences industrielles, une perte prévisible des capacités productives, la situation appelle un diagnostic lucide dégagé de tout a priori idéologique.
A cet égard, le débat sur l’école souhaité par M. le Président de la République ne peut être confisqué encore une fois, comme il l’est depuis des décennies, par les mêmes groupes de pression et les mêmes "experts " dont les explications dilatoires et les remèdes en trompe l’oeil nous ont conduits dans l’ornière.
À l’opposé du discours hégémonique qui structure et pilote l’appareil éducatif en s’appuyant sur des considérations sociologiques, sociétales ou managériales qui privilégient des facteurs externes à l'école, sur lesquels il est impossible d'agir et auxquels il ne reste plus qu'à s'adapter, l’analyse du GRIP est que le médiocre rendement de notre enseignement, notamment au regard des sommes engagées très souvent pour tenter de remédier aux dysfonctionnements qu'il a lui-même créés, s’explique avant tout par la disparition de programmes cohérents et de progressions construites. A partir de là, une spirale de baisse continue des exigences s’est engagée, condamnant à l’inadaptation une institution scolaire de moins en moins capable d’assurer l’évaluation et l’orientation des élèves au niveau du secondaire et du supérieur.
Reconstruire les programmes, redéfinir les progressions, en d’autres termes re-scolariser l’école, telles sont les urgences qui s’imposent à tous.
Ce sont ces points que tentent d’éclairer les pages qui suivent, à partir d’un nombre volontairement restreint de sujets.
Le GRIP, 15 Août 2003
Contact : Jean Pierre Demailly
Email : Jean-Pierre.Demailly@ujf-grenoble.fr, gri-prog@mozart.ujf-grenoble.fr
Sommaire
- Une dégradation aux origines lointaines
- Tous les niveaux et toutes les disciplines sont touchés
- Une politique scolaire dangereuse
- Pour un débat centré sur les connaissances fondamentales et pérennes
- Annexes
a) Exemples d'allégements
b) Pétition contre les programmes du primaire - Nov. 2001
Une dégradation aux origines lointaines : l’effet à long terme des programmes
Une réforme de l'enseignement, à effet négatif ou positif, appliquée en primaire à un moment donné n'aura que des effets partiels pendant tout le temps où les enseignants seront encore capables de travailler selon les directives précédant cette réforme. Pour que cette capacité disparaisse, il faut que les élèves qui ont subi cette réforme depuis le primaire soient devenus eux-mêmes enseignants et même aient eu à leur tour des élèves devenus enseignants.
C’est ce qui est arrivé, dans le cadre d’un enseignement entre temps " massifié ", avec les programmes appliqués à partir des années soixante-dix. La dégradation du niveau atteint aujourd’hui massivement l'Université après avoir atteint depuis bien plus longtemps et plus massivement encore les autres degrés d'enseignement et le système de formation des enseignants.
Toute proposition de réforme qui, sous prétexte d’adaptation aux nouvelles normes sociales, au marché de l’emploi ou à n’importe quelle autre variable à court terme, promet un redressement rapide est une imposture.
Faute de tenir compte de cet effet retard, elle part en effet d’une analyse instantanée des défauts du système au lieu d’en rechercher les causes dans la continuité des réformes précédentes et mène à une nouvelle aggravation.
Ainsi, dans le cas de l’adaptation au marché de l'emploi, on aboutit à des contresens complets. D’abord si aucune entreprise n'est capable de prévoir à 2 ans quels seront ses besoins, comment l'éducation nationale pourrait-elle prévoir les besoins des entreprises à 15 ou 20 ans ? Ensuite cette adaptation - lorsque les savoir-faire retenus ne se limitent pas à une formation sur le tas - oblige à transformer les connaissances en simples et éphémères procédures rendant ainsi impossible l'acquisition d'une culture générale, clé de la compréhension et de la maîtrise des évolutions. Croyant favoriser la mobilité sociale, on la réduit en fait, et durablement.
La seule voie pour une réforme de fond consiste donc
- en une réflexion sur les trois et bientôt quatre décennies écoulées et le demi-siècle qui précède,
- en des études comparatives sans complaisance sur le niveau de connaissances et de savoir-faire des populations concernées.
Or c’est là que le bât blesse car les études produites sur ce sujet par les organismes chargés de l’évaluation (DEP, HCEE) sont contradictoires. La DEP par exemple prétend d’une part que "Le niveau des connaissances qu’apportent les études n’a pas baissé " mais d’autre part produit des éléments qui montrent - timidement et sans leur donner de publicité excessive - le contraire.
À notre sens, et sans entrer dans des polémiques inutiles, cette contradiction est une des raisons des dysfonctionnements du système scolaire : sans évaluation dégagée de tout a priori idéologique, il n’est pas de redressement possible.
Tous les niveaux et toutes les disciplines sont touchés
Malgré la défaillance des organismes d’évaluation, les indices d’une inquiétante dégradation des connaissances ne manquent pas.
A) Evolution des compétences élémentaires en calcul et en orthographe.
Nous nous appuyons sur une étude comparative entre les résultats obtenus par 8 000 élèves au Certificat d'Etudes 1920/25 et ceux d’un échantillon "correspondant" en 1995
Bien que cette étude ait été menée en choisissant des méthodes qui minimisent la différence de niveau, on obtient les résultats suivants :
1) Orthographe (épreuve de dictée):
Nombre de fautes pour les 10% des meilleurs élèves :
- 61% faisaient 0 fautes en 1925, 9% en 1995.
- Aucun élève ne faisait plus d'une faute en 1925, ils sont 71% en 1995.
Nombre moyen de fautes :
Ensemble de la génération |
Les meilleurs élèves (10% de l'effectif) |
Présentés au CEP oula meilleure moitié |
Non présentés au CEP ou la deuxième moitié |
|||||
1923/25 |
1995 |
1923/25 |
1995 |
1923/25 |
1995 |
1923/25 |
1995 |
|
Nombre moyen de fautes |
6,2 |
14,8 |
0,4 |
2,1 |
3,9 |
9,3 |
8,5 |
20,3 |
Nombre de fautes en plus |
8,6 |
1,7 |
5,4 |
11,8 |
||||
Augmentation en % |
139% |
425% |
139% |
141% |
Ce tableau montre que l'objectif de "lutte contre l'illettrisme" qui ne vise que les élèves ayant le plus de difficultés est insuffisant - car les meilleurs élèves ont aussi des difficultés - et illusoire - car il ne peut être atteint sans une refonte complète des programmes.
2 ) Résolution de problèmes
Les épreuves du CEP-20 /25 comportaient deux problèmes. Pour la comparaison n'ont été choisis, parmi les problèmes donnés en 1923/25, que des problèmes assez simples conformes aux programmes appliqués en 1995, considérablement allégés par rapport à ceux des années 20 . Pourtant, les résultats sont éloquents :
Ensemble de la génération |
Les meilleurs élèves (10% de l'effectif) |
Présentés au CEP oula meilleure moitié |
Non présentés au CEP ou la deuxième moitié |
|||||
1923/25 |
1995 |
1923/25 |
1995 |
1923/25 |
1995 |
1923/25 |
1995 |
|
Réussite complète |
61% |
21% |
99 % |
76 % |
80% |
33% |
42% |
9% |
Echec complet |
24% |
61% |
1% |
8% |
20% |
47% |
28% |
75% |
Ce qui donne des structures de classe suivantes où la partie grisée claire représente les élèves qui réussissent intégralement les problèmes et la partie bleue ceux qui sont en échec complet :
50% de l'effectif |
50% de l'effectif |
|||||
1920 |
61% |
24% |
||||
1995 |
21% |
61% |
La conclusion est évidente : il est absolument impossible de faire cours dans la classe de 1995. Cette activité suppose en effet que la "deuxième partie" comporte un nombre suffisant d'élèves capables, sinon de réussir parfaitement, au moins de suivre ce qu'explique l'enseignant. Or une majorité d'élèves de 1995 est complètement incapable de résoudre un problème donc de suivre.
On peut extrapoler et dire que les classes de 2002 sont encore plus faibles puisque la seule réponse institutionnelle à la situation de 1995 a été d’alléger encore les programmes par rapport à ceux qu’avaient suivis des élèves qui ont passé la simulation de 1995 (voir infra et annexes).
Nous sommes là à l’origine vraie des difficultés rencontrées par les professeurs pour " tenir " leur classe, notamment au collège. Le concept ressassé d’" hétérogénéité ", l’antienne sur le " malaise enseignant " ont pour fonction de contourner une interrogation de bon sens : pourquoi à tous les niveaux, les classes sont-elles constituées d’une majorité d’élèves " décrocheurs " ?
3) Maîtrise des opérations : "similarité des compétences à 70 ans de distance" ?
a) Conclusion de la DEP :
"Toutefois l'analyse des compétences calculatoires de la meilleure moitié des élèves ou de l'ensemble des générations montre des réussites tout à fait similaires à 70 ans de distance pour l'addition, la soustraction et la division de nombres entiers. Seule la technique de la multiplication était légèrement mieux maîtrisée par les élèves d'autrefois."[CEP96, p. 10]
Cette "Similarité des compétences calculatoires" a de quoi surprendre car la maîtrise de la division suppose celle des autres opérations et en particulier celle de la multiplication. Mais la raison de cette similarité s'éclaire lorsque l'on sait que les 20 problèmes choisis pour tester la maîtrise des opérations avaient certaines…particularités :
i) la comparaison porte sur "la division de nombres entiers" : étaient éliminés de la comparaison les divisions "à virgule" qui faisaient partie du programme du primaire des années 20 mais plus des programmes actuels
ii) Sur les 20 problèmes choisis, seuls quatre comportaient des divisions - combien difficiles !-qui ne se faisaient pas de tête : 145 : 5= 29, 2484 : 6 = 414, 594 : 3 = 198, 1080 : 30 = 36, 72 : 18 = 4, 156 : 12 = 13 et une seule qui ne tombe pas juste : 456 par 60.
iii) l'élève pouvait remplacer la division par une suite de soustractions, cet échec de maîtrise de la division ne comptant pas dans l'évaluation de la division et pouvant être compté comme réussite pour la soustraction [CEP96, page 29].
b) Un aperçu actuel : l'évaluation de cinquième en septembre 2002
L'évaluation de cinquième se passait pour la première fois à ce niveau en septembre 2002. Loin de corroborer une prétendue similarité, elle confirme une inquiétante baisse des compétences en calcul.
a) la division sur les entiers 3978 par 13 ( 306 reste 0) n'est pas maîtrisée par 59,6% des élèves.
b) la division de 178,8 par 8 ( résultat exact 22,35 à la deuxième décimale) n'est pas maîtrisée par 74,2% des élèves.
Le 24 Octobre 2002, bien avant la publication des résultats officiels, se manifeste une volonté de dissimuler cet échec :
"Les premiers scores globaux de réussite que nous avons rassemblés paraissent au premier abord plutôt alarmants. Ils sont en tout cas décevants par rapport aux scores obtenus à l'évaluation de 6°. Il est d'ailleurs bon de rappeler que la communication de ces scores aux élèves ou à leurs parents n'est pas systématiquement prévue".
Cette volonté de dissimulation se comprend. De tels résultats plaçaient la DEP devant un dilemme : soit reconnaître que l'évaluation de 1995 avec 80% de réussite sur la division des nombres entiers[CEP96, p. 31] surestimait nettement le niveau en calcul, soit expliquer pourquoi les évaluations de sixième depuis 10 ans n'ont pas permis de percevoir une baisse de 50% du niveau des élèves.
B) Niveau post-bac :
Parmi les nombreux témoignages que nous avons rassemblés sur l’effondrement du niveau scolaire et sa dissimulation, nous n’en retiendrons que quatre.
- Celui un professeur de linguistique anglaise qui doit passer la première année de fac à faire acquérir des notions de base comme pronom démonstratif pour pouvoir aborder son propre cours.
- Celui d’une collègue de "45 ans, déjà professeur de français, inscrite en licence de philo. Le soir de ses épreuves écrites, elle rentre chez elle, catastrophée. Convaincue d'avoir commis un " hors-sujet", et d'avoir par conséquent échoué, elle apprendra plus tard qu'elle avait raison sur le premier point... et pourtant tort sur le second. Couronnée d'un très honorable 13/20, sa copie lui sera en effet rendue avec les annotations suivantes : " Style très clair. Ecriture lisible. Pas de fautes d'orthographe. Hors sujet. 13. "
- Celui de Jouanne B. qui écrit le 01/05/2002 : "…. Enseignante en IUT dans un département scientifique (Génie électrique et informatique industrielle)… J'ai pu constater qu'une partie de nos étudiants ne savent plus effectuer sans calculatrice des opérations simples ... Parmi tous les exemples que je pourrais citer, je vous livre le dernier exemple édifiant : dans un contrôle de première année où nos étudiants (tous bacheliers de séries scientifiques ou technologiques) devaient donner sans calculatrice une valeur approchée de 1/98, environ 15% d'entre eux ont répondu 0,98."
- Celui d’un professeur à l’Ecole normale Supérieure qui s’étonne : "Comme nos collègues physiciens, on a pu constater que même sur un panel de candidats à aussi fort potentiel, les méfaits de la mise à sac de l'enseignement des mathématiques dans le secondaire mis en place depuis plus de deux décennies se faisaient sentir. Le programme est souvent mal assimilé, ce parfois même dans les points les plus basiques (l'algèbre linéaire par exemple)…Bien entendu, on imagine, hélas, mal un changement radical d'attitude, pourtant indispensable, à ce niveau. "
Mais le meilleur témoignage vient des instances ministérielles elles-mêmes. Luc Ferry, parmi les "dix réformes de grande envergure s’imposent à nous comme des urgences", propose dans Lettre à tous ceux qui aiment l’école, comme l'avait fait avant lui Roger Fauroux "la mise en place de cours de culture générale adaptés à chaque voie de formation", en première année de fac ! C’est avouer l'échec des ordres d'enseignement précédents dans ce qui est en principe leur fonction centrale.
Une politique scolaire dangereuse
"Les sciences fondamentales sont des disciplines que l'on peut qualifier de "verticales" (bien sûr, je ne veux pas dire par là que le cheminement en soit purement linéaire): un étage ne peut être construit que si les étages précédents sont suffisamment étayés".
Ce que J.P. Demailly disait à propos des sciences fondamentales : défense de la notion de progression, de construction de la logique et de la rationalité de l'élève, s'applique bien évidemment aussi à tous les savoirs pérennes et, pour poursuivre l'image, en particulier aux fondements de tout enseignement que sont
- en termes de contenu, l'enseignement de l'arithmétique et de la langue
- en termes de niveau scolaire, l'enseignement primaire (qui inclut au moins le niveau sixième en ce sens)
Cet ensemble de positions a été mis à mal par divers biais dont les effets - positiver le superficiel et la langue de bois - se renforcent négativement :
- On prétend faciliter la compréhension en allégeant les savoirs fondamentaux au prétexte que certains savoirs ne sont plus pérennes (la modernité, la civilisation de l'image et de l'oral rendraient par exemple inutile de savoir faire une division à la main et d'écrire avec une orthographe correcte), ou trop difficiles pour un niveau donné.
Le résultat est que la structure en gruyère des programmes rend plus difficile ou même impossible la compréhension des savoirs fondamentaux rescapés, surtout pour les élèves les plus en difficulté. Pire, on détruit chez l'enfant toute possibilité d'accession à la rationalité, on lui apprend au contraire systématiquement à " penser " de manière incohérente et on réduit l'apprentissage à des contenus procéduraux qui ne peuvent même plus être maîtrisés car la simple maîtrise de mécanismes suppose justement un minimum de rationalité. Ce nouvel échec servira de prétexte à de nouveaux allégements.
- On développe une conception de l'enseignement qui oppose les divers domaines du savoir, les mathématiques à la physique, la pratique à la théorie, l' " intelligence conceptuelle " à la maîtrise des techniques de base et à l'utilisation de la mémoire et on l'on prétend ensuite la combattre par une interdisciplinarité ou une transversalité qui ne sont que la juxtaposition de savoirs formels sans incidence positive sur la compréhension.
- On pilote le changement sur la base d'un tableau de bord dont l'indicateur principal est la réduction de l'échec scolaire mesuré lui-même à partir du taux de redoublement. Il suffit alors de réduire les taux de redoublement pour réduire l'échec scolaire…Le management des cohortes ne déplaît certes pas à Bercy intéressé essentiellement par la minimisation du coût de la gestion des flux d'élèves.
Mais ainsi on fait passer dans la classe supérieure des élèves qui n'ont pas le niveau requis pour suivre et n'ont donc le choix qu’entre passivité et révolte, ce qui justifie un nouvel abaissement des exigences du niveau scolaire des années suivantes.
Et l’on augmente notablement le coût financier et social des diverses remédiations à la situation que l'on a créée, l'explosion du soutien scolaire n'en étant qu'une forme. Cette explosion, que le soutien soit externe donc aux frais des parents ou interne et à la charge des finances publiques, est le symptôme le plus flagrant de la déscolarisation de l'école. Les heures de cours étant de plus en plus envahies par des activités au mieux de vulgarisation, ce qui serait une noble activité extra-scolaire, il faut bien tenter de trouver hors des cours proprement dits et hors de l'école les savoirs qui n'y sont plus dispensés. On n'a jamais vu de cours particuliers consacrés à des Itinéraires de Découverte.
Pour un débat centré sur les connaissances fondamentales et pérennes
Pour mettre fin à cette spirale infernale, nous proposons que le débat national sur l'école
- soit centré sur la question des contenus et des programmes et basé, au préalable, sur un bilan sérieux et historique de leur degré d'assimilation réelle.
- dans un premier temps, traite exclusivement des contenus d'enseignement du primaire et en particulier du français et de l'arithmétique car
- ils sont fondamentaux, et il est illusoire de prétendre relever le niveau des exigences du secondaire avant une réforme effective du primaire. Les comparaisons historiques à ce niveau de scolarité obligatoire sont faciles puisque le primaire est depuis 1880 un enseignement pour tous : l'alibi de la massification ne peut être employé pour justifier une baisse de niveau.
- les témoignages montrent que c'est leur non maîtrise au niveau du collège, du lycée et même de l'enseignement supérieur qui sont la cause principale des difficultés des élèves.
Ceci signifie que les autres sujets proposés pour le débat ou mis en avant par les médias : l'autorité dans les établissements, la prévention de la violence, l'égalité des chances et la mission des enseignants, la mixité à l'école ou l'ennui au collège, lorsque leur choix n'a pas pour simple fonction de masquer ou justifier l'échec massif du système scolaire, sont au mieux des questions dérivées qui devront naturellement être traitées mais lorsque la question principale l'aura été.
En attendant qu’elle le soit, et si l’on veut pouvoir faire un minimum de cours même avec les programmes actuels, il faut :
- mentionner explicitement un principe : le passage d'un élève dans tout niveau supérieur est déterminé par sa capacité à suivre dans ce niveau, c'est-à-dire refuser de le mettre dans des conditions qui lui interdisent d'apprendre et de progresser. Banalité certes, mais utile à répéter dans un monde à l'envers où, après l'interdiction des redoublements à certains niveaux, le débat se réduit maintenat au redoublement en CP et/ou en CM2… Seraient-ce les seules classes où il faut suivre pour passer dans la classe supérieure ?
- redonner aux enseignants et à eux seuls la décision de passage dans la classe supérieure, c’est-à-dire supprimer le pouvoir discrétionnaire permettant au chef d'établissement de remettre en cause cette décision ( examen de passage sur critères nationaux dans le cas de désaccord avec la famille ) .
Il faudra bien entendu ensuite, et le plus rapidement possible, envisager la question de la reconstruction de programmes et des filières du collège, du lycée et de l’université, avec une approche certes pragmatique et diversifiée mais soucieuse avant tout du niveau général de l’enseignement. L'axe central en serait, pour tous les niveaux et en fonction des possibilités de chaque élève, une culture générale non dissociée des humanités scientifiques :
- formation au raisonnement déductif indissociable de l'apprentissage de l'observation et de la mesure
- culture littéraire et en sciences humaines indissociable d'une maîtrise de la langue et de ses structures et de la capacité d'analyser et de critiquer les textes.
Exemple d'allégements
1) Comparaison programmes d'arithmétique CM2 1940/ 2003
Pour évaluer le niveau des élèves en fin de cours moyen, on peut également prendre comme indicateur les contenus enseignés puisque, même si tous les élèves ne possèdent pas tout le programme, il est sûr qu'ils ne maîtrisent pas ce qui n'est pas au programme. Voici, pour l'arithmétique, le programme de CM de 1923 (très peu diffèrent de celui de 1882, applicable jusqu'en 1945, remplacé par un programme quasiment équivalent applicable jusqu'en 1970) dans lequel sont notées :
- En souligné non italique : questions entièrement traitées en 2002 en CM2
- En italiques rouge : questions partiellement traitées en 2002 en CM2,
- En italiques rouge gras : questions entièrement supprimées du programme en 2002
"1.Calcul et arithmétique.
Application des 4 règles
( = opérations ) à des nombres plus élevés qu’au cours élémentaire.Les nombres complexes : le temps (heures, minutes, secondes) ; la circonférence (degrés, minutes, secondes). Calcul de la longueur de la circonférence.
Système de mesures légales à base 10, 100, 1000.
Multiples et sous-multiples.
Calcul des surfaces : carré, rectangle, triangle, cercle.
Calcul des volumes : prisme droit à base rectangulaire, cube, cylindre.
Nombres décimaux et fractions décimales. Idée générale des fractions ordinaires. Pratique des quatre opérations sur les fractions ordinaires dans des cas numériques simples.
Problèmes sur des données usuelles. Règle de trois simple. Règle d’intérêt simple.
Suite et développement des exercices de calcul rapide et de calcul mental.
2. Géométrie.
Etude intuitive et représentation par le dessin des figures de géométrie plane.
Notions sommaires sur la représentation des longueurs, sur les plans et cartes à une échelle donnée.
Notions pratiques sur les solides géométriques simples (cubes, prismes droits). Notions sommaires sur leur représentation géométrique (croquis coté).
Cercle. Sa division en degrés.
Carré, hexagone régulier, triangle régulier inscrits dans le cercle."
2) La poussée d'Archimède en 1937 et maintenant
Extrait d'un cahier de Paul Guionie, élève du ``Cours Supérieur'' de l'école primaire de Larche (Corrèze) en 1937.
On y voit l'élève énoncer clairement le principe d'Archimède, puis appliquer ce principe pour le problème suivant : évaluer la charge pouvant être supportée par un bateau de forme parallélépipédique, dont on donne les dimensions, le tirant d'eau et la masse à vide.
Les professeurs d'enseignement secondaire qui liront ces lignes reconnaîtront sans doute qu'un tel problème ne pourrait plus aujourd'hui être abordé au collège : consciente de ce fait, la commission des programmes l'a d'ailleurs supprimé du programme de ce niveau. On le retrouve au nouveau programme de Teminale S . On a ainsi l'exemple d'une connaissance fondamentale et pérenne qui était enseignée à toute la population à 12 ans jusqu'aux années 50 et qui ne l'est plus qu'à une minorité à 18 ans.
[image 430 ko] Extrait d'un cahier de Paul Guionie
3) Calcul au Cours Préparatoire le 30 Juin 1956
On constate infra que, conformément au programmes en vigueur, les élèves connaissent les 4 opérations.
Pour mémoire le Programmes Joutard 2002 du cycle 2 ( CP – CE1) énonce explicitement :
"A la fin du cycle 2 , seule la technique opératoire de l’addition est exigible."
On peut comparer avec le programme de CP de 1945 applicable en 1956 :
"Cours Preparatoire
(3 h. ¼)
(Trois leçons de 15 mn par jour)
Etude concrète des nombres de 1 à 5, puis de 5 à 10, puis de 10 à 20. Formation, décomposition, nom et écriture. Usage des pièces et billets de 1, 2, 5, 10 francs, du décimètre et du double décimètre gradués en centimètres.
Les nombres de 1 à 100. Dizaines et demi-dizaines. Compter par 2, par 10, par 5. Usage du damier de cent cases et du mètre à ruban.
Exercices et problèmes concrets d'addition, de comparaison et de soustraction (nombres d’un chiffre, puis de deux chiffres), de multiplication et de division par 2 et 5."
4) L’orthographe en CM2 en 1938 , en CP en 1956, en 2002 en sixième
a) Dictée d’une écolière brièroise (école confessionnelle de Missillac) en 1938
[image 440 ko] DictéeAnne-Marie Jagu, 11 ans, avait fait une faute : oubli de crispés.
b) Evaluation nationale de sixième 2002.
Le cahier d’évaluation ne comporte qu’un test de dictée. Il consiste en une seule phrase :
" Les roses jaunes parfument le salon "
La consigne de codage précise que seules les marques du pluriel entrent dans l’évaluation. " rozes ", " rauzes ", " parefument ", " sallon " sont donc des graphies hors évaluation.
" L’orthographe est le troisième élément déterminant dans la maîtrise de la langue " lit-on dans Qu’apprend-on au collège ? p. 77 et 78.
Sans commentaires si ce n'est …
c) Une dictée de Cours Préparatoire du 9 Juin 1956
NOUVEAUX " PROGRAMMES " DE L'ÉCOLE PRIMAIRE
Liste des membres du GRIP
(au 1/09/2003)
Daniel Bellet Rudolf Bkouche Yves Bréchet Marc Le Bris
Blaise Buscail Franz Bruckert Michel Buttet Guy Chassé Denis Choimet Bernard Delaplace Mathématiques, enseignement Primaire et Collège, cours Hattemer. Michel Delord |
Jean-Pierre Demailly Jean Etourneau Jean-Pierre Ferrier Michel Fichant Denis Gratias Guy Morel Jean-Pierre Rivenc Alain Séguy-Duclot Isabelle Voltaire André Warusfel |