Communiqué de presse du 6 décembre 2011
En décembre dernier, le ministre de l’Éducation Nationale promettait, après le décès de Jacqueline de Romilly, « de perpétuer la mémoire et l'esprit de son oeuvre ». Le collectif Sauver les lettres, à cette occasion, rappelait que le meilleur hommage était la préservation et le développement du latin et du grec en collège et en lycée, par le respect des horaires nationaux d'enseignement ainsi que le maintien d'un concours de recrutement en lettres classiques exigeant et spécifique [1].
Or depuis douze mois et sans aucune vergogne, toutes les mesures malthusiennes de réduction des effectifs et des horaires ont été maintenues ou aggravées dans le secondaire. Il a fallu des luttes tenaces pour qu'une épreuve de langue ancienne figure à l'oral d'admission du concours.
Et voici qu'en lieu et place d'une politique volontariste de développement du latin et du grec, le ministère, dans un document de style marchand et aux relents managériaux, propose, « pour valoriser les initiatives pédagogiques innovantes en langues et cultures de l'Antiquité », un « prix Jacqueline de Romilly » [2] où la « maîtrise de la langue ancienne » n'occupe que 10% d'un « projet » ou d'un « outil pédagogique inventif », à égalité avec des « compétences sociales ou civiques », l'ensemble passant par la mention d'« outils produits » et d'« effets obtenus » par une « pédagogie innovante », dans un contexte de « plus-value de l'action » (sic). Les prix à décerner ne sont pas des voyages en Grèce ou à Rome, mais des « tablettes », des « ressources numériques », ou « des vidéos ».
La vraie innovation serait tout simplement de permettre l'étude du latin et du grec au collège et au lycée. L'enseignement n'est pas une lessive ni un cosmétique. Il ne se vend pas, il se pratique - pour peu qu'on lui en donne partout le temps et les moyens.
En conséquence, le collectif Sauver les lettres et l'association Reconstruire l'École s'élèvent contre ce prix hypocrite et consternant, un outrage à l'oeuvre et à l'esprit de Jacqueline de Romilly, et appellent les collègues à le boycotter.
En associant le nom de la « plus grande helléniste » à une supercherie et à un langage de camelot où la nouveauté est confondue avec la qualité, le ministère de l'Éducation nationale, soumis au monde de la communication et de la publicité, ajoute son ignorance à son mépris.
Collectif Sauver les lettres
Association Reconstruire l'École
[1] http://www.sauv.net/fx110107.php
[2] http://eduscol.education.fr/cid58430/lancement-du-prix-jacqueline-de-romilly.html